31 mai 2007

Un peu de littérature

Cette impossibilité de durée et de longueur dans les liaisons humaines, cet oubli profond qui nous suit, cet invincible silence qui s'empare de notre tombe et s'étend de là sur notre maison, me ramènent sans cesse à la nécessité de l'isolement. Toute main est bonne pour nous donner le verre d'eau dont nous pouvons avoir besoin dans la fièvre de la mort. Ah ! qu'elle ne nous soit pas trop chère ! car comment abandonner sans désespoir la main que l'on a couverte de baisers et que l'on voudrait tenir éternellement sur son coeur ?

(Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe)

30 mai 2007

Triste

Le mois de juin va commencer, les adieux avec.
Déjà deux personnes qui sont "bouleversées" par mon départ. Des personnes que je voyais peu, mais, depuis 6 ans, je faisais partie du paysage. Alors on ne se voit pas, on ne se parle pas, il n'y a pas de sympathie palpable, mais je fais partie du décor, je suis une petite institution locale. Probablement est-ce pour cela qu'on ne me parle pas vraiment, je suis "Anta", avec mes deux enfants, mon mari qui faisait un truc avant et qui en fait un autre maintenant, un truc socialement visible.
Des institutions locales, il y en a plusieurs ici, donc je sais exactement ce que je veux dire et ça m'énerve. Tous ces imbéciles, avec leurs petites vies, et dès qu'on adresse trois fois la parole à un consul honoraire et qu'on remplit des critères finalement faux et artificiels, on est "quelqu'un" : 4x4 + Farid Zaghouani + prof + mari visible et respectable + liens discrets avec les assoc des Français de l'étranger+signes extérieurs de richesse = quelqu'un.
Est-ce que quelqu'un a pensé que dans son style (le style ours), mon mari était un grand professionnel? Est-ce que quelqu'un m'apprécie parce que j'essaie d'instruire des enfants? Est-ce que quelqu'uns'est dit qu'on aimait ce qu'on faisait et qu'on essayait de le faire bien? Non! Ils ne nous ont jugé que sur des critères artificiels et faux.
Donc j'ai eu raison de jouer mon Maître Cornille quand l'Ours a changé de boulot. J'ai eu raison de prendre des airs imperturbables, de ne pas voir les sourires entendus. J'ai fait ma princesse et ça a marché. Oh, je continuerai à le faire, si besoin est. Etre le sujet des médisances des imbéciles m'est insupportable, je préfère de loin faire ma bêcheuse. Mais n'est-ce pas minable?
Est-ce que toute la vie est comme ça? Est-ce que je ne vivrais jamais autour de personnes devant qui je pourrais être découragée, démoralisée, écoeurée? Est-ce que je ne pourrais jamais, tout en reconnaissant mes compétences, avouer leurs limites, sous peine d'être aussitôt mal jugée? Est-ce que le monde dans lequel je vivais avant mon départ de France a à jamais disparu?
Quand j'étais enfant, je voulais devenir folle, et être internée pour toute ma vie, demeurer fermée au monde pour ne pas le voir, vivre dans mon monde, et il était très bien, mon monde.
Je me suis dit que ce n'était pas bien, car, n'est-ce pas, ce n'était pas bien. Il faut être intégré, conforme, semblable, identique, consommateur. Pourquoi ne pas demeurer fermé au monde? Qu'a-t-il de si remarquable? c'est la peur qui m'en empêche. Si j'avais assez de courage, je me dépossèderais de tout et j'irai mendier. Je pourrais même le faire en priant Dieu. Mais je n'ai pas de courage. Je reste au chaud.

Langues étrangères

Ce n’est pas la première fois que je constate cet étrange phénomène.

Je lis l’anglais, l’espagnol et l’allemand. Avec une fortune et une efficacité diverses.

J’ai souvent traduit, à des périodes diverses, des textes, dans des contextes divers.

En ce moment que j’essaie de traduire de l’anglais, je rame (il faut dire que je n’ai guère le temps et que je traduis des trucs mauvais et énervants).

On dirait que mon cerveau bloque sur les langues étrangères, alors que parfois il est rapide, mon cerveau.

Mais parfois pas (l’année dernière j’ai lu un bouquin de je ne sais plus quel auteur espagnol, el utimo viaje de Horatio dos » ou un truc de ce genre et j’ai cherché au moins cent fois le mot tripulacion dans le dictionnaire, j’en avais les larmes aux yeux d’énervement, en trois jours impossible de me le mettre dans le crâne, vous me direz j’aurais pu l’écrire, hein, mais non).

Bref, en ce moment, je suis dans une phase « handicapée des langues étrangères ».

Or, je n’arrête pas de téléphoner au futur collège de mon Titou 1 pour essayer de parler au directeur. Lequel passe son temps en classe ou en réunion.

Depuis une semaine j’ai honte de téléphoner, je bredouille, je dis aux secrétaires que je suis désolée, je parle mal espagnol (elles me répondent gentiment « no te preoccupes », alors que justement je me préoccupe vachement) et je me demande comment je vais parvenir au bout de la discussion.

Hier, j’ai senti un « déblocage », c’est-à-dire que je ne sias pas comment j’ai parlé, de toute façon mon espagnol est pourri, mais l’important c’est que je parle, que je dise n’importe quoi mais que je parle, comme avant. Hier, ça a fonctionné. J’ai parlé avec aisance, de mon point de vue à moi, c’est-à-dire bourré de faute mais je dis ce que je veux dire.

Bon, très bien.

Et que constaté-je aujourd’hui ?

Que je lis l’anglais avec plus de facilité, comme dans du beurre.

Et ça, c’est un truc qui m’arrive tout le temps. Pratiquer une langue me rend les autres plus faciles.

Bizarre, non ?

Elles doivent toutes être rangées dans le même coin du cerveau et quand on ouvre le coin, ça aère tout le secteur et ça fait du bien.

28 mai 2007

Sieste

Aujourd'hui deux élèves, deux soeurs, ivoiriennes en exil, charmantes, délicieuses, lymphatiques, mais danseuses déconcertantes, et actrices aussi, sont arrivées en retard au cours de musique pour cause de sieste post-prandiale.
Le directeur les a collées.
Elles ont passé tout mon cours (surtout l'une, ma préférée, dont les sentiments se lisent sur la figure) à remâcher leur douleur. Elles auraient mieux faits de mentir. Elles l'ont compris trop tard et le regrettent, surtout ma préférée.

J'en suis à la colonisation. Celle que j'aime bien m'écoutait faire cours avec des pensées visibles. Je leur ai parlé du fardeau de l'Homme Blanc. Elle lève la main et me dit avec douceur:
- Mais madame, si c'est un fardeau, pourquoi il le fait?
- Parce que l'Homme Blanc, il est tellement fort, il est tellement gentil, il est tellement super qu'il veut que tout le monde soit comme lui.
Sa soeur sourit pour elle-même. Elle, me jette un regard et serre les lèvres, mmm.
Je n'ai pas honte du passé, et n'importe quel dictateur africain pourra me servir d'argument, mais j'aimerais lui dire que je sais que les hommes sont des pourris et qu'ils ne cherchent, quelle que soit leur couleur de peau, qu'à dominer les faibles. La justice n'entre en ligne de compte dans le raisonnement des hommes que si les forces sont égales de part et d'autre; Dans le cas contraire, les forts exercent leur pouvoir et les faibles doivent leur céder. Thucydide a dit cela.
Et Clémenceau, le 30 juillet 1885 (c'est dans le manuel, je leur ai fait lire) :
Ne parlons pas de droit, de devoir. La conquête que vous préconisez, c’est l’abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires pour s’approprier l’homme, le torturer, en extraire toute la force qui est en lui au profit du prétendu civilisateur. Ce n’est pas le droit, c’en est la négation. Parler à ce propos de civilisation, c’est joindre à la violence l’hypocrisie.

Boulot

Je travaille.
Je suis contente.
Le mois de juin s'approche et on sent une odeur de rhum, non?
Des serranos se baladent dans l'air. Ou c'est moi? (Ils flottent, je dirais; j'admets que c'est curieux, et pas poétique, mais je n'y peux rien).
Ah oui. J'avais dit que je photographierai une carte, un menu. Un suffit. C'est la même chose dans tout le pays.
C'est pas que ça me gêne, non. C'est quand ils croient que c'est le plus grand pays touristique du monde, et sans rire.
Enfin. Ils ne sortent jamais.
Enfin, ou alors en barque pour Lampedusa.
Bon allez j'arrête, je dis des trucs pas politiquement corrects.
C'est l'exaspération. Mais je sais que j'ai tort, hein. Je le sais. D'ailleurs l'Ours n'a pas réussi à trouver de boulot ici, tellement les critères sont élevés. Il a trouvé dans une grande boite internationale, mais c'est parce qu'ils recrutent n'importe qui dans les grandes boîtes internationales. Alors que ici, ils sont super exigeants. Ils ont des critères que c'est pas tout le monde qui comprend des critères comme ça.
Bon allez, on se calme, hein? De toute façon je pars.

26 mai 2007

Fête de l'école



C'est la fête à l'école en bas. Bon, on a eu l'hymne national, mais à part ça les fêtes d'écoles ça se mondialise aussi : la danse des canards, yalla baba (il faut faire local mais cette chanson n'est pas du tout typique d'ici), un dos tres et maintenant ce sont des chants en français.

Plan

Eh bien en fait, j'ai été méchante avec mes élèves. Je les ai mal jugés, vilaine que je suis.
Je leur ai fait un plan comme je l'ai dit dans un message, et beaucoup d'entre eux ont fait des plans corrects et organisés!!! Alleluia!!
Donc je vais faire des plans en forme tableau à double entrée chaque fois qu'ils devront rédiger. Une colonne doc, une pour les connaissances perso, une ligne première partie, une deuxième partie, et une recommandation : vous n'êtes pas obligé d'introduire et de conclure, mais c'est mieux. Suggestif plus qu'injonctif, vous voyez. Le genre subtil.
Quand on est prof, on a (parfois) de bonnes surprises (mais le plus souvent on n'en a pas).
D'ailleurs je vais arrêter d'être prof.

25 mai 2007

23 mai 2007

Immigration

Je lis en ce moment de nombreux textes exaspérants sur les blogs, relativement à l'immigration et au racisme.
L'idée de base, en gros, c'est que Sarkozy parle de l'immigration choisie et que c'est pas bien.
Quand Sarkozy dit cela, la personne qui écrit son blog comprend que l'on parle d'un PVD, africain voire arabe. Ceux qui choisissent sont les Français ou Européens, et ils sont vilains de choisir les gens qui doivent immigrer dans leur pays.
L'auteur de l'un des blogs vivait lui-même dans un pays étranger au sien et s'englobait dans ces immigrés, et prenait à son compte le concept d'immigration choisie.

Bon. Comme d'habitude, tout est très compliqué.
Déjà, ce que je déteste, c'est la simplification.
Confondre, par ignorance ou pour faire un effet, l'immigration d'un européen et celle d'un africain, par exemple, c'est ridicule, voire choquant. Et je sais bien de quoi je parle.
Moi, je peux choisir. Même si je me retrouve coinçée, comme ici, grâce au ciel et au pays dans lequel j'ai vu le jour, je ne suis jamais dans des situations de misère dramatique. Mais que dire de Sana? Si elle veut utiliser au max ses compétences, elle doit quitter son pays. Sinon, le système la dévorera. Et Sana est une privilégiée! Que dire des enfants qui choisissent de voyager dans les soutes à bagages et qui meurent de froid? Que dire de mes deux élèves ivoiriennes qui ont du fuir leur pays? Faire semblant de croire que les Européens quittent leur pays comme les Africains est idiot.
L'Europe est un jardin; un joli jardin; peut-être l'Eden, pour certains. Moi, quand j'y retourne, je trouve que tout y est joli. Alors, si j'avais vécu dans des bidonvilles africains, quel effet cela me ferait-il? je n'arrive même pas à l'imaginer.
Ce jardin fait rêver tous les malheureux du monde, et ils sont très nombreux.
Quel peut être l'état d'esprit de tous ces gens dépourvus de tout qui sont les plus nombreux sur la planète et qui ne bénéficient en rien de l'accroissement mondial des richesses, je laisse à l'imagination de chacun de mes lecteurs d'en décider.
En tout cela, un nombre croissant de gens, n'ayant rien à perdre et vivant des vies tellement terribles se moquent totalement des risques encourus pour venir en Europe. Ils s'en moquent, comme de la politique de limitation de l'immigration. On ne voit pas comment ils s'en soucieraient outre mesure. Quand vous avez soif, est-ce la présence de soldats vous découragera d'atteindre le puit? Non, vous attendrez seulement la nuit.


Les nouvelles politiques européennes (assez molles, et étrangement réalisées, il faut le dire) sont d'aider au développement des PVD. Utopique, d'accord, mais comme disait Guillaume d'Orange, "il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer." Quand l'Europe tend une main à l'Afrique, moi je serai africain, je me demanderai quelle arme elle cache dans l'autre. Il n'y a pas de bons sentiments en politique. N'empêche que pour empêcher les gens de débarquer en Europe, autant qu'ils aient envie et de bonnes raisons de rester chez eux. Je ne pense pas que l'Europe soit capable de leur apporter cela, car on n'aide jamais que soi-même. L'Afrique a intérêt à se débrouiller seule. Comment, je ne sais pas - mais seule. (Elle pourrait rappeler à la France que, comme démocrate, Robespierre n'était pas performant.... Mais non, car il lui faudrait d'abord se débarasser de tous les Robespierre africains soutenus par la France... Mes raccourcis, honteux pour un historien, sont peut-être obscurs pour des non-initiés).

Bref. Même si j'ai parfaitement compris que les auteurs de blogs dégoulinent de bons sentiments et qu'ils veulent prouver qu'il ne faut pas attaquer les pauvres africains ou arabes parce que les Européens ne valent pas forcément mieux (non! c'est vrai?), je trouve que mettre sur le même plan l'immigration d'enfants gâtés européens (enfin, moi, c'est comme ça que je bouge; je choisis, en fonction du prix de l'immobilier et des restaurants; ce n'est pas si facile, mais bon) et celles de désespérés, voire de damnés qui fuient la misère est d'une innocence indécente.

20 mai 2007

Les vieux

Ici les vieux sont de vrais vieux, surtout les vieilles. Ils marchent doucement, les femmes se dandinent, elles ne plient pas les genoux. Ils tournent le dos au monde et ils ont raison. Ils traversent les rues avec une résolution tranquille et faussement obtuse, pas comme les jeunes qui vous regardent du coin de l'oeil d'un air de dire "roule-moi dessus si tu l'oses". Dans leurs déplacements, le passé les entoure, impalpable, le passé ou une autre vision des choses, inconnue pour moi, et mystérieuse, mais là, présente, entêtée, merveilleuse.
Dans leur monde les routes n'existent pas, ils marchent sur un sol vierge, sans signification. Ils appartiennent au sol, au delà des marquages, trottoirs, chemin. Non pas la ligne droite, non pas la logique administrative constructrice de routes et de trottoirs, mais leur seul gré les mène d'un point à un autre, et quand énervée ma voiture les laisse traverser devant ses roues, ils ne daignent la regarder, ni moi, que très rarement : nous n'existons pas, nous ne sommes que des reflets d'un monde aberrant qu'ils nient et ignorent.
Ils continuent leur route lente et vont là où ils veulent, indifférents, éternels, hiératiques.

19 mai 2007

Ors et fastes républicains

Bien que je manque d'arguments solides pour étayer cette thèse (car, selon moi, pour affirmer quelque chose il faut le démontrer), les cérémonies de passation de pouvoir entre Chirac et Sarko ont un faux air d'ancien régime assez pénible. Un peu de sobriété serait bienvenue, non? Il ne s'agit que de mon opinion, même si j'ai lu ou entendu la même chose ailleurs. C'est le côté catho, quoiqu'on en dise, qui ressort; je suis croyante (encore qu'en ce moment je suis perturbée) mais je trouve qu'il faut laisser Dieu où il doit être (c'est-à-dire en fait on ne sait trop où, mais pas dans le pouvoir) – dans les coeurs, ou les âmes. En voyant toutes ces infos saoulantes (vous me direz : pourquoi regarder? Normalement je ne regarde jamais la télé, mais je suis mariée et je viens m'asseoir devant le petit écran vers 8 heures, quand l'Ours rentre du boulot, pour être ensemble, genre couple classique, comme ses parents; il y a beaucoup à en dire, mais je ferais cela ailleurs, j'ai ouvert un blog pour mes jérémiades internes), je me disais que nous avons toujours des rois; d'ailleurs Hugues Capet a été élu. Vous allez me demander où est le catholicisme? J'explique.


La France est la Fille Aînée de l'Eglise. Le système idéologique qui s'est mis en place progressivement durant le Moyen Age fait du roi le représentant de Dieu sur Terre. Cette théorie n'a d'autre but que de légitimer et renforcer le pouvoir royal. En Italie, la théorie, c'est que le pape est le représentant de Dieu sur Terre et que tous les princes laïcs lui sont soumis. Cette théorie-là légitime le désir des papes de prendre la suite des empereurs (n'en déduisez rien sur le discrédit jeté sur la foi; que les hommes, à travers la religion ou pas, cherchent à augmenter leur pouvoir, c'est humain, et n'a rien à voir avec Dieu; en général les gens ne croient pas en Dieu parce qu'ils critiquent l'Eglise institutionnelle; comme de remettre en cause le plaisir de manger du caviar parce que c'est cher). Bref, chacun en Europe se fait sa théorie pour légitimer son pouvoir.

Donc France Fille aînée de L'Eglise; Donc, le représentant de Dieu sur Terre doit vivre dans le faste, histoire d'impressionner les populations. Philippe Auguste n'était pas très fort en décorum. Louis XIV beaucoup plus. La Monarchie Absolue trouve en lui son achèvement suprême. Les dorures, le somptueux, pour signifier visuellement qu'il est exceptionnel, c'est lui. Louis XV et XVI continuent. Après, avec les révolutionnaires, on passe à la sobriété, mais avec Napoléon, retour de la pompe et du falbalas au service de l'image du pouvoir; et depuis ça continue; histoire de rappeler au peuple qui on est.

Tout cela me dégoûte, sans compter que des cérémonies j'en ai fait deux ou trois, par exemple une avec Douste-Blazy, et tous les Français d'ici (ceux qui avaient eu l'insigne honneur d'être invités, donc moi je l'avais été, vu mes excellents rapports avec Farid Zaghouani, donc j'étais dans les Elus, mais certains étaient plus Elus que moi, et me regardaient de haut – vous voyez le genre?) et j'ai vu leur vide et leur creux. On assemble les gens, le Politique arrive, fait un discours, c'est-à-dire énumère des mots choisis et se tire; et les gens mangent (le cuisinier de l'Ambassade est excellent). Au 14 juillet, chaque année c'est la même chose : ceux qui sont invités chez l'Ambassadeur s'empiffrent. Cela n'a rien de Républicain.


Sarko nous ressemble : nous, nous allons nous empiffrer chez l'Ambassadeur, lui il part se reposer sur un yacht de milliardaire, et les journalistes le pistent parce que c'est le moment, cela fait vendre. Où sont les articles de fond sur les élus UMP du 92? Combien y en a-t-il? Ils vont probablement fleurir maintenant, de même que je ne m'y intéresse que maintenant, à cause des législatives. Mais moi je ne suis pas journaliste. On va avoir droit pendant un mois à du tirage dans les pattes et puis cela se finira. On ne saura plus rien sur les magouilleurs et les profiteurs parce que les sujets sérieux il ne faut pas en abuser. Quand ça ne fait plus vendre on arrête d'en parler.


Nous avons les hommes politiques que nous méritons. La télé nous endort et nous nous laissons faire.

Produit anti-cafard

Un de mes lecteurs qui me laisse toujours des commentaires (merci) me parle des cafards qui apparaissent déjà (horreur, horreur, horreur).
Ici je n'en vois jamais (sauf quelques volants) alors qu'en Espagne j'en avais tout le temps.
J'ai une question (je n'ai pas trouvé le mail de Pablo) : vu que je connais ici un produit efficace préventif, est-ce que je l'amène en Espagne dans le déménagement? Ou est-ce qu'il y a des produits efficaces là-bas?
(Ceux qui trouvent ma question vraiment triviale n'ont jamais trouvé de cafard dans leur évier au saut du lit; et en plus avant j'étais une femme bien je faisais ma vaisselle le soir; maintenant je ne la fait plus, je la fais le matin; alors le matin, réveil, évier, vaisselle, main dans la vaisselle, toucher cafard planqué dedans, rien que d'y penser j'en frissonne et j'ai le vertige).
Question : les cafards africains seraient-ils moins virulents que les cafards hispano-méditerranéens? Je dis ça parce que le pays est crade, franchement, mais je n'ai pas vu en sept ans autant de cafards qu'en deux ans d'Espagne.
D'un autre côté j'habite au deuxième étage; en Espagne j'avais une maison. Et là on a trouvé un appart (au sixième).
Un jour, en fermant mes volets, j'ai vu un cafard sur le mur, de profil. Vous savez à quoi ça ressemble? Aux extraterrestres dans "Indépendance Day" (en plus petit).
La seule amélioration c'est que je crois que je pourrais maintenant toucher et écraser un cafard avec un balai; avant je ne pouvais pas, même avec un balai. Je restais juste tétanisée, hystérique et ridicule. Mes enfants, grands lecteurs de Super Picsou Géant, m'ont jeté pleins de cafard en plastique dessus (fournis par le journal, ou un autre de la même gamme) ... (sans commentaires).

18 mai 2007

Il n'y a pas que le Sud...

... il y a le Nord aussi.


M. Spock

M. Le Chieur parle de Philippe Ebly. Vive Xolotl et ses copains.
Et du coup je pense à Star Trek. Et à Paul Muad'dib, puisque je suis lancée.
Il me faut avouer un truc horrible : j'ai été amoureuse de M. Spock pendant au moins trois ans. Avant, j'avais été amoureuse d'Albator. Quand j'étais au collège dans mon horrible ville de la banlieue ouest, pleine de petits crétins friqués, je regardais en l'air dans la cour de récré et j'attendais Albator.
Il n'est jamais venu.
Salaud.
Mais j'ai rencontré Paul (un peu coincé, et tellement sérieux - on le sent réac - aurait-il voté Sarko ou Ségo?) puis Spock.
Et après, Corwin ( et son frère et son fils, mais j'aime moins).
Tout une époque, nom d'un chien. Il n'y a plus de héros comme ça maintenant.

Visa shengen

Sana a eu son mastère mardi, avec 16,5 de moyenne. Le prof français venu y assister a été favorablement surpris; il craignait que son stress ne soit insurmontable. Je le craignais aussi, mais le travail du week-end dernier l'ai aidé à rassembler ses idées et à prendre conscience de ses qualités.
En outre, elle a obtenu du consulat un visa shengen pour aller assister à une université d'été dans un pays de l'est.
La semaine dernière, elle disait : "Je ne suis rien", mais là, elle vole!!! Pourvu que ça dure. Cette fille est brillante. Je ne cesse de le lui dire : "Barre-toi!"

16 mai 2007

Pas loin de chez moi

J'habite dans une petite banlieue populaire et familiale, non loin cependant des quartiers chics, des hôtels et du port de plaisance. Notre appartement est situé dans une maison de trois étages plus une terrasse, entouré d'un jardin magnifique et innattendu, entretenu avec amour par notre propriétaire. Tous ceux qui y sont passés en ont été surpris. Ici, il y a peu de jardin.
Entre la maison et la route fleurissent palmiers, rosiers, datura, bougainvillées. Merveilleux spectacle, renouvelé chaque matin et chaque soir. Une odeur d'humidité s'exhale souvent du sol, dès que le propriétaire arrose.
Dehors, la route grise, mal faite, abimée par chaque pluie, redevient lentement piste. Le goudron se délite en cailloux. Creux, failles, nous mènent jusqu'à la route principale. Des maisons aux murs aveugles bordent la route : on ne voit rien, on ne regarde pas : chaque maison est refermée vers elle-même. Les trottoirs sont impraticables, étroits et troués de bac à plantes aussis larges qu'eux. Les filles qui sortent des usines voisines et les écolières marchent avec une indolence rieuse au milieu de la route, en se tenant par la taille. Certaines portent des voiles bariolés, portés à l'orientale. D'autres des voiles ternes. D'autres ne portent rien sur leurs vêtments.
Les trottoirs de la grande avenue sont en briques auto-bloquantes, faillées et fêlées elles-aussi. Des palmiers sont plantés à intervalles réguliers au milieu des trottoirs, ce qui rend la circulation laborieuse. Parfois le trottoir est détruit, en ruine, parfois des voitures sont garées dessus. En marchant le long de ce trottoir, on passe devant des maisons de deux à trois étages, balcons somptueux et linges au fenêtres, des magasins aux fonction étranges (l'un d'eux est une pièce remplie de paille, dont je ne comprends pas la fonction), des terrains vagues. Tout au long de la route, des passants sont debouts, ils attendent le passage d'un louage, taxi collectif, pour rentrer chez eux.

Marre

Une parente très proche est là, en ce moment. Nous parlons des profs - qui ne foutent rien et râlent tout le temps. Je lui dis que je travaille 36 heures au collège, plus mes prépas de cours ou contrôle. Son silence contraint m'apprend qu'elle ne me croit pas mais ne souhaite pas me contredire. Je suis agacée...
Les enfants sont toujours contents de la voir, mais plus ça va plus j'en ai marre de la famille. Mon père complètement dans le potage, ma soeur dans son monde, qui vit des alloc, et elles, en plus, les deux mieux de la famille, mais que je ne supporte plus.
Nous jouons un jeu qui n' a plus de sens. Je vais les voir, elles viennent me voir. Nous allons au restaurant, nous nous promenons dans des parcs. C'est la vie, cela?
Ma soeur en a marre de leur étroitesse d'esprit. Je la comprends... Cependant, nous n'avons que peu de parentes et elles sont gentilles, à leur façon...

15 mai 2007

Brûler des feus rouges et ne pas respecter les sens interdits

Hier, l'une des filles de Mater Dolorosa m' a racompagnée.
Elle est arrivée dans la rue en sens interdit. Ensuite elle a voulu parcourir la rue en sens interdit mais comme une voiture s'est trouvé face à elle elle a fait marche arrière à fond la caisse, puis elle est sortie, en marche arrière, sur le boulevard, l'a remonté jusqu'à un feu rouge qu'elle a brûlé, a tourné à droite jusqu'à un autre feu rouge qu'elle a brûlé aussi.
A ce stade, Mater Dolorosa est intervenue.
- Tu ne vas pas brûler tous les feux rouges! s'est-elle exclamé (on sent l'adaptation partielle et l'attachement à des valeurs étrangères, moi je dis).
- Oh!!! a crié sa fille exaspérée (les parents!). ça va, hein! Tout le monde le fait.

Bars à tapas

On nous a proposé un appart. Genre bien. 6è étage, ascenceur, balcon, 4 chambres. Sur une avenue en centre-ville, à quelques stations de bus de l'école française et à quinze minutes du colegio espagnol de Titou 1.
Le seul truc qui m'intéresse, c'est les bars à tapas. Dès que j'arrive, je vais dans un bar à tapas.
En fait, je suis virtuellement dans l'ïle, là.

Divers

On a regardé Meet Joe Black. Je l'avais regardé la semaine dernière, mais peu importe. Ce n'est pas le film du siècle, mais il y a Brad Pitt. Artificiel certes, mais Brad Pitt. Il est plus décoiffé dans l"armée des douze singes, plus énervé dans Seven... Là, on voit le brushing, mais bon. En plus il y a Anthony Hopkins.

Les troisième aujourd'hui : estivaux. En cours, avec une bière, ç'aurait été mieux. Dans leur dernier PA, ils ont déroulé des chronologies. Je leur ai fait un beau schéma en croix. On trace une grande croix au tableau, ça fait deux colonnes séparées en deux. Colonne 1 : info tirées des doc. Colonne 2 : Connaissances perso (SF). Ligne 1 : Les débuts de la Guerre Froide. Ligne 2 : la fin de la guerre froide.
C'est du plan, ça, hein? Bac + 4, attention.

Je leur ai expliqué qu'ils devaient réfléchir au sujet; utiliser les documents et leurs connaissances perso.

Ils m'ont dit oui oui, en se faisant de petits signes. Ils s'en foutent. Moi aussi je m'en fous. J'ai le brevet et de toute façon je me barre.

Je vais continuer à leur expliquer; ils vont continuer à me dire oui oui madame; je vais leur donner des brevets blancs; ils vont se viander; ils vont pfou, de toute façon la prof hein; alors que je leur ai tout dit : citez les docs, traitez le sujet; on est bien partis pour un mois, là.

Take it easy. De toute façon les profs sont des nuls et des feignants; c'est pour ça qu'on leur confie les enfants, d'ailleurs.

13 mai 2007

Méthodologie

J'ai travaillé deux jours de suite avec Sana pour son mémoire de mastère. Son stress est de ceux qui bloquent totalement le travail. Nous avons produit quelque chose de bien, je crois. Je suis très contente, cela me rappelle ma jeunesse.
Tout le monde sait maintenant que je vais partir. Jeudi, au boulot, j'en avais la tête retournée, le ventre noué, tant j'aurais voulu être ailleurs, désespérement.
Vendredi ça allait mieux et aujourd'hui ça va. Je crois qu'après avoir répété sur tous les tons" J'en ai maaaarre, je veux paaaartir", j'ai été bloquée moi-même par la faiblesse du contenu du discours.
L'un de mes élèves, dont le père briguait mon poste il y a 4 ans, et a à nouveau postulé, en vain apparemment, si j'ai bien compris une remarque d'une collègue, a été énervant vendredi... Il doit entendre tellement d'horreurs sur moi, le pauvre... je sais que son père trouve mes cours assez pauvres - il croit que j'ignore ce dont jene parle pas, il ne lui vient apparemment pas à l'esprit que je fais des choix et puis qu'en trois heures par semaine, il ne faut pas trop faire de contenus, sinon on n'a plus le temps de faire de la méthode et de les faire rédiger. Il est vrai que mes cours sont pauvres.... Le moyen de faire autrement? Je construis ex nihilo. C'est long.
- Bon, alors. Après 1815, est-ce que l'italie est unifiée?
- ça veut dire quoi, unifiée?
- Est-ce qu'il y a plusieurs états en Italie ou un seul?
- Un seul.
- Plusieurs.
- je sais pas.
- Un état, madame, c'est un pays?
- Un royaume, c'est comme un état?
- c'est quelle page, madame?
- Mais Napoléon il a pas été en italie?
- madame, d'abord, il faudrait qu'on sache qui c'est le président de l'Italie.
- Mais, madame, les italiens, ils détestaient pas Napoléon? Ah non, madame, c'est les Espagnols.
- Bon, on va lire la pargraphe a1 et après vous repndrez à ma question.

(Après lecture, tout devient clair ; l'Italie est divisée)

- Bon, alors, à votre avis, que

10 mai 2007

L'Ours fait réparer sa voiture

Rendez-vous à 8h30, mais il n'y a personne au garage, fermé.
L'Ours revient à 9 h 15, il y a un type, pas francophone, qui semble surpris de la venue de l'Ours. Mais il donne un numéro de téléphone à l'Ours, qui appelle, ça ne marche pas.
L'Ours va dans le garage 1, qui lui a recommandé le garage 2. Le type du garage 1 n'a pas le numéro de tel de l'autre, ah si, pardon erreur il l'a. Il le donne à l'Ours. C'est le même. L'Ours dit que ça ne marche pas. Le type du garage 1 essaie; ça marche; le type du garage 2 dit des trucs en Ifriqyien, l'Ours dit quoi, l'autre dit dans un quart d'heure - une heure, l'Ours dit quoi, l'autre dit un quart d'heure.
Depuis le temps, il est 10 heures.
L'Ours retourne au garage 2.
Le type du garage 2 arrive. L'Ours s'abstient de lui faire remarquer qu'il a presque deux heures de retard; des telles remarques (mesquines) ne feraient que compliquer la discussion. Le type du garage 2 est désolé. Il a le moteur que l'Ours attend de puis 4 mois, mais il y a un truc qui marche pas, c'est un truc électrique et lui, du garage 2, il est pas spécialiste électrique.
Le spécialiste électrique, c'est le type du garage 1.
L'Ours prend le mec du garage 2 dans sa voiture et va au garage 1.
Les deux mecs se rencontrent et se saluent. Ils regardent le truc électrique. Mais ça va pas. Il faut revenir demain.
Ah. L'Ours leur demande si desfois ils pourraient pas réparer la clim?
Les deux types regardent dans la voiture. C'est le ventilateur. Il faut changer le ventilateur. Le type du garage 2 en a un, de ventilateur, pas pareil mais presque kif-kif.
L'Ours prend les deux types dans la voiture et retourne au garage 2.
Le type du garage 2 sort son ventilateur. Ils le regardent. Il est pas pareil. ça va pas aller. Mais si. Mais non.
On démonte. Les types se disent des trucs que l'Ours ne comprend pas. Conclusion : le ventilateur est différent, on peut pas.
L'Ours dit que si on le met dans l'autre sens?
Quel autre sens?
L'Ours positionne le ventilateur.
Surprise des types. Ah ouais. Mais non. Mais pourquoi pas? Oui, pourquoi pas?
Les types prennent des instruments et font des trous. Ils placent le ventilateur.
ça marche.
L'Ours paie et ramène le type du garage 1.
Il est midi.
On a la clim, mais toujours pas d'essuie-glace arrière.

Les types des deux garages sont charmants. Mais il faut rester zen et pas s'énerver.

Dans la rue

Les gens marchent tranquillement. Un type pousse des cris et appelle son copain qui passe en voiture, le copain s'arrête et ils se tapent la discute au milieu de la route.
Quand quelqu'un veut passer, ils se séparent en faisant de joyeux petits gestes d'excuses et repartent chacun de leur côté.
Deux filles marchent côte à côte, l'une sur la route l'autre sur le trottoir. Soudain elles traversent, mais une voiture arrive et elles courent se réfugier sur le trottoir en pouffant de rire.

09 mai 2007

Think positive, 3

Alors.
Il fait chaud.
J'en ai marre de faire cours. J'ai corrigé mes 3ème - c'est moi ou c'est eux? je vais me relire demain. B..., m..., JE LEUR DEMANDE DE RAISONNER ET D'ARGUMENTER ET EUX ILS ME RECITENT LE COURS.
Enfin ils ne sont qu'en troisième.
Et puis l'esprit critique, ici, évidemment, ils ne connaissent pas.
Je retombe dans une vague anti-prof, ce qui est dommage car j'ai du mal à supporter mes collègues, pourtant sympa.
Le Principal est toujours c..., comme ça on n'est pas perdu.
Une mère d'élève m'a offert du vin. De chez elle. Elle est insupportable, en tant que mère, mais je suis d'autant plus contente qu'elle m'ait offert du vin que sa religion le lui interdit et donc ça prouve que tout le monde n'est pas intransigeant.
J'ai trouvé : les gens d'ici ressemblent à un mélange d'Averell et de Rantanplan. Moi et l'Ours, on est Joe.

L'Ours a lu dans le quotidien national un article super-long sur la sécurité routière, dans lequel il n'y avait pas un mot sur le port du casque.

Aujourd'hui, en allant à l'école, il y avait pleins de piétons au milieu de la route, le genre qui "oublient" qu'ils sont au milieu d'une route et qui s'en souviennent quand vous arrivez juste derrière eux, style "ah! Tiens, il y a une voiture derrière moi. Ah! tiens, on dirait qu'elle veut passer; ah! tiens, je vais me pousser et la laisser passer".

08 mai 2007

Ch'est biau

Quelques images. Une vraie photo du désert. Prise par l'Ours lors de son rallye (il accompagnait, il ne roulait pas).



Affleurements d'eau dans le chott : bleu d'un côté, rose de l'autre.



C'est mieux en vrai.

Le printemps est là

Il faut que j'arrête de balancer mon ras-le-bol ici. Je vais positiver.
Car le printemps est là ! C'est génial! Les oiseaux font cui-cui! Le soleil brille!
Bon, je ne vais pas dans la campagne parce que j'en ai marre, fini le temps où je trainais tout le monde derrière moi pour des pique-nique, mais je sais que c'est joli tout plein, les coquelicots se battent avec les marguerites, et des fleurs violeetes ou jaunes dans les champs.
Il fut un temps où je faisais des pique-nique, le dimanche, avec des gens, des français, mais maintenant que je ne supporte plus lesFrançais, je suis bien embêtée, je fais plus de pique-nique.
Mais la campagne est jolie quand même.
Je suis positive, là, non?

06 mai 2007

Mater Dolorosa

Bon, allez, maintenant que c'est la dernière ligne droite, je vais être encore plus médisante.
Mater Dolorosa, c'est une collègue, qui a souvent une tête de Mater Dolorosa. Etude d'ingénieur, très brillante, d'après ce qu'elle dit, elle a en effet pas mal lu (il faut dire que le staff du collège est globalement inculte) et vu de films.
Elle ne connait cependant pas The Party, ce que je trouve grave.
Maintenant, elle est prof de techno.
Dans l'ensemble, elle est plutôt désagréable, mais je l'ai vraiment découverte un jour, lors de l'échange suivant.
Moi : Quand j'étais étudiante, comme je lisais beaucoup, je n'étais pas toujours très modeste.
Elle : Pas moi. J'étais très brillante, tu sais que j'ai fait Maths Sup, et j'étais très cultivée, mais je suis toujours restée modeste.

Là, elle m'a énervée. Depuis, je guette tous ses travers, mais je dois dire que dans l'ensemble, elle me fait rire ou de la peine.

Mariée à un Ifriqyien, elle a trois enfants, tous très beaux. D'après elle, ils sont également très brillants. Elle est souvent silencieuse au collège, et demeure assise, les yeux dans le vague. Parfois, j'ai la sensation qu'elle "craque" et livre des trucs, qu'elle regrette.

Elle se demande si elle a bien fait de laisser ses enfants dans le système ifriqyen. Ils sont biliongues, et très brillants, ne l'oublions pas, mais elle évoque de graves problèmes de discipline, toujors en baissant la voix, puisqu'ici, quand on n'ensence pas le pays, on est aussitôt assimilé à un racisme, vaguement pro-occidental, ou pro-américain.

Il y a quelques temps, avec Sana, et Poupette, dont je parlerai plus tard, et un parent d'élève français odieux qui regarde Sana dans les seins, la conversation dérivait sur les moeurs des jeunes locaux.
Les jeunes locaux, surtout les jeunes filles, sont très sérieux, disent les Français - dont Poupette. On perçoit facilement l'arrière pensée de Poupette. Très sérieux, cela veut dire qu'ils ne couchent pas ensemble. Surtout les filles, surtout les voilées. Le mépris de la voix de Poupette nous laisse à penser... - quoi? qu'il faut coucher avec tout le monde et picoler en vomissant partout, comme son fils en son temps? Bref. Le parent renchérit. Ah la la, c'est dingue, les filles, ici elles sont cadenassées.
Mater Dolorosa, air chose, regard baissé: C'est la culture.(LA culture). C'est comme ça, il faut l'accepter.
Poupette, précipitamment (elle est pas raciste, Poupette, elle respecte): Ah oui oui oui tout à fait, d'ailleurs pour le Sida c'est mieux.
Parent d'élève libidineux : Oui enfin c'est pas naturel, quoi.
Sana, seule ifriqyienne : Mais enfin, ce n'est pas vrai. Les jeunes, ils sont comme partout. Ils couchent ensemble. Ils ont des petits amis, et tout. Pourquoi vous dites que les filles sont sérieuses? Et les voilées (elle rigole), ça veut rien dire. Les jeunes, ici, c'est comme ailleurs.
On appelle cela la voix du bon sens, je crois.
Poupette, toujours fine : Ah bon?
Mater Dolorosa, dont la fille de 19 ans a vécu deux ans avec un jeune français : .......
Parent d'élève : Ah bon ben j'avais pas remarqué.

Voilà mon analyse de la conversation (et, au passage, pourquoi je souffre ici).
Côté français : Sous couvert de tolérance et de respect, on observe les supposées coutumes de lautre et on monte en épingle les différences inadmissibles. S'ils ne couchent pas, ils sont frustrés et malheureux, les femmes sont les jouets des hommes et tout ça, c''st mal, donc nous on est tolérants hein mais la culture de l'autre elle est mauvaise.
Côté française mariée localement : Localement, on tait les choses, et elle le sait. On sait bien que les jeunes filles ont des petits copains, mais on ne dit rien. Prise dans le système, Mater Dolorosa ne peut rien dire.

Et moi ce que je pense : le racisme masqué d'un côté, l'hypocrisie de l'autre, moi je suis du côté de Sana, qui ne représente pas tout son pays, parce qu'elle, elle est lucide.
Les cons, il y en a partout, dans tous les pays, et leurs raisonnements sont toujours similaires.

Zeinebs

Aujourd'hui, avant d'aller voter, je me souviens d'un truc rigolo d'il y a deux semaines.
Une amie a dépouillé les votes locaux, avant un type, Zeineb local, dans un autre staïle que celle dont j'ai déjà parlé. Ce monsieur est une Zeineb de haute volée, car il est consul honoraire local. C'est lui qui m'a proposé de me faire avoir les bourses l'année dernière. D'autre part, il est adhérent de l'UFE, soit l'UMP à l'étranger.
Mon amie, elle, est ADFE (socialiste) .
Bref, tandis qu'ils dépouillaient de concert, les résultats donnaient une majorité à Ségolène Royal. Et voilà-t'y pas que ma Zeineb consul honoraire se met à faire l'apologie, et de la gauche, bon, et de Ségolène Royal, plus surprenant, et de la Sénatrice des Français de l'étranger de gauche alors que là, bon, je sais qui il a soutenu le mec, je suis allée à pas mal de réunion, des deux côtés, et je sais qui il va voir, pour les Bourses notamment, et ce n'est pas la Sénatrice de gauche!!!
Ma copine m'a appelé après en me disant : Farid Zaghouani, nom d'un chien, il est de droite ou de gauche?
Moi : Ecoute, il est à l'UFE, en tout cas.
Ma copine : Il a passé la soirée à me faire l'apologie de Ségolène et de la gauche!
Moi, morte de rire : En fait, il est surtout du côté du plus fort. Le pire des trucs pour lui, c'est de choisir.

Alors ça, c'est une attitude extraordinaire de ce monsieur. Par exemple, avec le directeur, il était pour la suppression des horaires d'été du collège; avec les profs, il était contre. Génial, non?

Depuis six mois, il me fait la gueule, mais toujours avec le sourire. En fait, depuis six mois, je sature vraiment, donc j'en ai marre de nos pseudo-relations d'amitiés.

05 mai 2007

Phobies

Je déteste les cafards et l'avion.

En Espagne il y avait des cafards. Pas des petits mignons comme en France (ceux-là maintenant je les trouve sympa).
Non : des cafards de dix cm de long. On les entend marcher dans le silence, leurs pattes font un petit bruit métallique.
Quand on met du produit partout, pour les tuer, je les entendais agoniser. J'avais des cantines métalliques et ils allaient se réfugier en dessous, puis se mettaient sur le dos et leurs pattes faisaient un petit bruit métalliques tandis qu'ils agonisaient. Je supportais le bruit de la fête de la San Isidro, musique jusque 4 heures du matin. Mais le bruit des pattes de cafard m'a toujours réveillé.
Un jour, le matin, j'en ai trouvé un dans l'évier.
Ici, j'en ai plutôt moins vu, mais en plus ici ils volent.
Et dans les Hespérides???

Les Hespérides, ce sont des îles.
Donc on y va en avion.
Elles sont entourées d'eau.
Elles sont volcaniques.
L'eau, l'air, le feu.
Et moi je suis un signe de terre.

Temesta + vin rouge dans l'avion.
On m'a recommandé aussi Lexomil + bière.

Mais n'importe quoi plutôt que rester ici.

Goûters

Un texte d'une maman de Singapour me rappelle pleins de trucs rigolos.
Déjà, les goûters hyper sucrés et gras.
Je ne reviendrais pas la dessus, je vais encore critiquer le pays, stop, ça suffit pour aujourd'hui.

Du temps (béni, mais je ne le sais que maintenant, donc c'est bien dêtre partie) où j'habite en Espagne (dans une région pourrie), j'emmenais à la piscine les deux filles de mes voisins. Au passage, ils étaient hyper-pauvres et n'allaient jamais nulle part. L'été, l'Espagnol passe toutes ses après-midi à la plage, je le précise, il y débarque à onze heures du matin à 15 avec glacière, parasol, chaises pliantes, radio, la abuela, les cousins, les cousines, etc, et la quitte un nombre variable d'heures plus tard, sale et dévastée. Personne n'emmenait jamais Helena et Alicia nulle part. Evidemment, l'idiote de service les emmenait à la pisicine ultra chic du Club d'Ingleses où travaillait mon mari. Bref. Et on y allait vers 5 heures, heure incluant celle du goûter (le goûter en Espagne, c'est 7 heures - la merienda). Du soir, enfin de la tarde. Bon, bref. Mes enfants avaient des petits gâteaux, genre Choco truc muche, mais Helena et Alicia sortaient toujours un énorme sandwich de soubresade, un bocadillo de sobresada (je le dis en Espagnol parce que ça fait plus vrai), enveloppé de papier alu et elles regardaient avec horreur mes ridicules petits biscuits, en se disant que bon, j'étais sympa, mais quand même, les Français sont bizarres.
Et alors, essayez de vous représenter la chose. Piscine, naiades, club privé ultra chic (c'était une sorte de sous-Marbella), anglais riches, un grand coureur automobile anglais y avait l'une de ses résidences secondaires, le frère d'un célèbre golfeur y était prof de golf, tout ça tout ça, et mes deux petites gamines déballaient imperturbablement leurs bocadillos hecho por la mama, et se les mangeaient, indifférentes et aux glaces, pizza et autres merdes proposées par le bar piscine, et aux regards ironiques des Fred, des Pete et autres Mary. Génial. Après, je faisais la même chose aussi, et l'Ours, qui tolérait les bizarreries des deux petites filles, venait vociférer à mi-voix : Mais commande un truc au bar! Tu me fais honte avec tes sandwichs!!
Différences culturelles.

Autre anecdote, sur les horaires. L'ai-je déjà raconté?
Une charmante stagiaire espagnole de la boîte dont mon mari était directeur m'expliquait à quel point ses parents étaient de rigoureux éducateurs:
- Par exemple, me dit-elle, pour me faire sentir toute l'horreur de sa jeunesse, je n'ai jamais eu la permission de six heures.
Moi, estomaquée (sachant que les Espagnols sortent très tard et débarquent en boîte à deux heures du matiin): Ah bon???
Puis, saisie d'un doute : Six heures du soir ?
La délicieuse stagiaire (ah la la ces Français ils sont lourds): Non, six heures du matin, évidemment!!

Traduction : ses parents étaient si sévères avec elle qu'ils ne l'ont jamais autorisée à sortir le soir au delà de six heures du matin. L'horreur, non?

Face à la vérité du monde 2

Mais vivre dans un mode comme cela m'a appris, à moi timide trouilarde introvertie, à mordre. Enfin, à mordre plus. Ce que je voudrais faire, dans les hespérides, c'est travailler dans une assoc parce que maintenant il me semble que j'ai progressé dans ma compréhension de l'autre, surtout s'il provient d'un PVD.
En effet, et ne commettez surtout pas l'erreur de penser que mon analyse procède de racisme, quand on a toujours vécu dans cet ambiance de "struggle for life", "tirer son épingle du jeu à tout prix", comment vivre dans le respect de l'autre et des valeurs démocratiques? Bon, déjà, des démocrates, il y en a dans les PVD, c'est juste qu'il faut les chercher et les encourager. Ensuite, je voudrais bien accueillir des migrants et les aider. L'exemple de Rapa, montre que les gens, sortis de leur monde de folie, de désespoir et de mlhonnêteté, y retombent, et le cercle vicieux se perpétue.
Je ne sais pas comment les aider, mais je voudrais le faire. Rien ne me semble plus important que cela.
Quand j'ai commencé à l'association, je voulais (j'ose à peine le dire) que les cultures antagonistes se réconcilient. Inutile de vous dire que c'est l'échec total. Je ne sais même pas comment faire. Il n'est que trop évident que les Ifriqyiens nous rejettent. Ils mettent leurs enfants à l'école française, par snobisme peut-être ou parce que le niveau de l'école locale se dégrade, mais ils ne veulent pas de nos valeurs. C'est très clair avec les élèves entrés cette année; pour eux, aller à l'école c'est se déplacer pour s'y rendre, ensuite ils mettent en veille leur vie sociale pendant les cours, qu'ils n'ont pas l'idée d'écouter, se laissent gaver de leçons particulières, le soir après les cours, sans même envisager d'écouter et de comprendre les enseignants pendant les cours, et contemplent avec une déception résignée les contrôles catastrophiques dans les matières littéraires, plus ou moins compensés par des résultats médiocres ou convenables en math. Ils ne sont pas désagréables en cours, seulement absents. Ecouter et comprendre n'est pas l'option qu'ils ont choisie. Bref, ici, si la France s'imagine qu'elle joue un quelconque rôle à cause de l'école, c'est une erreur. Le clivage s'accentue entre les Français et les locaux.
J'ai écrit tout à l'heure que je n'en ai rien à foutre de leurs petites magouilles. Rien n'est plus faux. Zeineb n'existe pas, ou plutôt elle existe à des millions d'exemplaires. Zeineb et son effort obstiné et continu pour prendre sa part du gâteau, c'est l'Iran, c'est la Corée du Nord, c'est tout le Sud. On ne peut pas n'en avoir rien à foutre : notre avenir en dépend. Il faut se battre, avec la même énergie, pour former, pour expliquer, pour communiquer avec tous ces gens issus de sociétés cruelles et impitoyables et les amener à rentrer dans le système démocratique, malgré tous ses défauts, parce que sinon, le système qui prévaut par défaut c'est la loi du plus fort. Sans illusion sur la capacité à convaincre. Sans illusion sur nos gouvernements, mais avec encore moins d'illusions sur les leurs.
Maintenant je ne peux être paternaliste ou fleur bleue. Un tel combat n'est pas gratifiant. Il n'est pas positif. Il ne peut qu'être semé de déception,et de rancoeur. Je vais être écoeurée et découragée et malheureuse et frustrée.
Il faut que je cible les enfants. Il faut que je franchisse les étapes. Mais c'est celle-là. Toute autre serait une erreur.

Face à la vérité du monde

Dès mon arrivée ici, j’ai fait partie de l’association de parents d’élèves. A l’époque, avec un groupe de mamans motivées et françaises, nous voulions faire quelque chose de correct de l’association, corrompue et magouilleuse. Nous avons réussi, mais au prix d’un stress horrible. Avant, les gens qui tenaient l’association étaient des petits magouilleurs. J’explique. Il n’y a pas de cantine ici, mais des « halte-repas parentale ». L’école est un externat, et ce sont les parents d’élèves qui gèrent la cantine. Pour y accéder, il faut s’inscrire à l’association, ce qui coûte 8 D (monnaie locale) et ensuite, soit en panier-repas (les parents préparent un repas aux enfants) soit en traiteur (les parents paient un traiteur qui vient tous les jours apporter les repas).

Environ la moitié des enfants de l’école (un peu moins de la moitié) sont boursiers ; les boursiers peuvent avoir la bourse scolaire tout court ou la bourse scolaire plus la bourse cantine, et dans ce cas ils sont automatiquement inscrits en traiteur.

L’élément central du conflit que nous avons eu était une femme du nom de Zeineb. Celle-ci, depuis toujours, vise la gestion de la cantine ; elle a d’abord essayé de devenir le traiteur ; mais l’association doit engager un traiteur officiel, avec patente et ce n’est pas son cas ; elle a alors proposé à de nombreux parents de préparer les repas de leurs enfants, inscrits en panier-repas ; ce système fonctionne très bien. Les enfants sont en panier-repas, mais c’est elle qui les prépare. Elle amène les repas des enfants, non pas en tant que traiteur, mais en tant qu’amie des mamans des 14 enfants, qui amène gentiment le repas à 11h45 pour les 14 enfants de ses 14 copines.

D’autre part, quand nous avons commencé, nous avons fini par l’exclure de la halte-repas car elle ne respectait pas certaines règles : elle ne faisait pas laver les mains des enfants, elle faisait manger d’abord les enfants de ses copines, elle ne faisait pas tourner les jeux, donc les mêmes enfants (ceux de ses copines, qui ne sont pas forcément les 14 à qui elle prépare le repas) ont toujours le ballon, etc. Donc il y avait des plaintes. Donc on l’a virée.

Ce n’est pas la seule personne qui a été exclue de l’association. Un type de l’ancien clan avait porté plainte contre une nana du nouveau, la police s’en est mêlé, sans conséquence grave mais bon.

On a fait fonctionner la cantine correctement. Mais dans une ambiance lourde et pesante : les Françaises qui se la jouent et qui font tout mieux que tout le monde, plus une ou deux Ifriqyiennes traitresses (heureusement qu’elles étaient là : elles n’hésitent pas à s’opposer violement aux personnes malhonnêtes, elle nous montrent qu’il y a des gens corrects dans le pays, et elles font qu’on ne peut pas dire qu’on est racistes, sans compter qu’elles balancent des trucs à leurs compatriotes qu’on n’oserait, nous, jamais dire, en tout cas pas moi, petite française polie et de gauche de quand je suis arrivée), vous voyez le style ? Quand j’ai commencé à enseigner au collège, une mère amie de Zeineb, disons une mère du clan Zeineb a appelé la directrice pour lui faire par de son angoisse : n’allais-je pas faire peser sur les enfants les conséquences de toutes ces histoires ? La secrétaire l’a rassuré, et il n’y a, bien sûr, eu aucun problème, sauf que je sais que je suis sous surveillance. Il y a deux ans, Zeineb a raconté à une maman que j’humiliais son fils en classe, que je le ridiculisais devant ses camarades, etc… Le délire total. En fait c’est plus compliqué que cela. Je donnais des cours particuliers à cet élève, un amour de garçon, au passage, une grande folle depuis le CE2, LE gamin que tout le monde adore, et dont on se dit, pourvu que ça se passe bien quand il va arriver au lycée, tous les nouveaux essaient de se le faire tellement il est efféminé, mais ça ne prend pas. Je l’avais en classe aussi (j’ai arrêté ensuite les cours particuliers). Or, Zeineb donne aussi des cours particuliers et elle visait cet élève. Elle a donc raconté à la mère que je l’humiliais en classe. La mère paniquée m’a appelé pour me demander ce qui se passait avec son fils. Je n’ai rien compris à ce qu’elle m’a dit, vu que je n’avais aucun problème avec lui. Je lui ai demandé ce que son fils lui avait raconté exactement, en l’assurant que cela ne pouvait être qu’un malentendu. Il ne m’a rien dit, c’est Zeineb qui m’a raconté cela. Mais d’où le sait-elle, lui ai-je dit. Elle n’est pas dans la classe avec nous ! Ce sont les enfants qui lui ont dit. Mais quels enfants, ai-je dit ? La mère ne savait pas. On s’est mis d’accord : le soir elle en parlait à son fils et on en rediscutait après. Le même jour, je vois mon élève et je lui demande ce qui se passe. Il me regarde avec ahurissement, sans comprendre. Je lui explique le coup de fil de sa mère ; il était alors en 6ème ; il me prend dans ses bras, me regarde dans les yeux et me dit : « Anta, tu sais que je t’adore ? » Je me dégage et je lui dis : « Oui, mais là on est au collège, et je ne comprends pas bien. –Tu as confiance en moi ? me dit-il. – Oui, lui dis-je, mais pas dans les autres. – Les autres, c’est toutes des salopes, ne t’en occupe pas, je vais tout arranger. – C’est quoi cette histoire que je t’humilie en classe ? –Elles mentent, Anta, elles mentent, elles disent n’importe quoi. Ne t’inquiète pas. – OK, je ne m’inquiète pas, mais ne me prend plus dans tes bras, d’accord ? » (En fait il le fait toujours, régulièrement, « on peut changer la date du contrôle ? Oui, Oh, madame, Anta, je vous adore !!! Et il me serre dans ses bras. Il fait cela avec tous les profs). Comme promis, tout est rentré dans l’ordre, mais ce brusque aperçu de la malveillance qui m’entoure parce qu’il y a six ans j’ai fait partie d’un groupe de mères qui voulaient que la halte-repas fonctionne correctement m’a donné le vertige.

Retour. Donc, on fait fonctionner la halte-repas correctement, dans une ambiance de plomb, sans compter que le groupe de nana dont je faisais partie était composée de fichues emmerdeuses (honnêtes, si vous voulez, mais chiantes).

Au bout de deux ans, isolées, épuisées psychologiquement, on craque, certaines quittent le pays suite à des mutations des maris, et moi j’arrête parce que, comme personne ne nous aidait, c’était affreux. Des mamans trouvaient que ce qu’on faisait c’était bien mais cela impliquait trois heures de présence quatre fois par semaine le midi, de 11h30 à 14h30, une surveillance constante des femmes de service qui cherchaient à piquer du produit vaisselle, de l’eau, du ketchup, et qui, se sentant fliquées, râlaient auprès de toutes les mamans comme quoi on était de grosses méchantes (heureusement on avait Yasmine, une Ifriqyienne pugnace et honnête avec nous et c’était la plus âpre, sinon on aurait en plus été taxées ouvertement de racistes), plus trois heures le samedi pour la surveillance du club de sport et l’attente, après, des parents qui viennent chercher leurs enfants une demi-heure après tout le monde en les laissant tous seuls dans la rue, sans s’angoisser, puisque les nanas de l’association se sont portées volontaires pour être au service des autres, elles assument. En plus, il fallait courir après les parents qui ne paient pas – le mystère des Parents Mauvais Payeurs, que je n’ai toujours pas éclairci, car les plus mauvais payeurs ont de l’argent, c’est pour cela que c’est un mystère pour moi. Je me souviens d’un post de Swami Petaramesh à propos d’enfants exclues de la cantine et obligées de manger du pain et du fromage, il a aussitôt pensé que les parents étaient trop pauvres pour payer, ce qui était peut-être le cas et je pensais comme lui auparavant, mais depuis mes trois ans à l’association, j’ai découvert avec ahurissement que les pauvres paient, en retard ou en étalant, mais ils paient mais ceux derrière lesquelles on court ont de l’argent, et je ne comprends pas.

Bref, on jette l’éponge et Zeineb, tenace comme les gens d’ici, réapparait. Elle prend la cantine en main. Elle se fait voter une allocation qui fait d’elle la responsable payée de la cantine. J’étais là quand on l’a voté, et j’ai voté pour elle, alors que je sais qu’elle est magouilleuse et voleuse, parce que j’ai réfléchi : les parents veulent une cantine, sans s’investir, et ils se fichent bien de la tentative de rigueur que nous avions laborieusement essayé d’établir. Ils s’en foutent parce qu’ils veulent que quelqu’un prenne en charge leurs gosses entre midi et deux, peu importe qui, et ils ne veulent se charger de rien, ils veulent ne pas se poser de problème, ou alors, quand il y a un problème, ils veulent pouvoir s’insurger sans se remettre en cause et se dire qu’ils ont eux-mêmes, par leur incurie, porté à cette responsabilité Zeineb, une voleuse. Chaque fois que je pense à Zeineb je pense aux Balkany, bon, je ne connais pas les détails des histoires des Balkany, je sais seulement que ça pue, et je me dis, à tort peut-être, que la plupart des habitants de Levallois se foutent bien de l’honnête de leurs maires, ce qui leur importe c’est leurs avantages à eux. A l’époque, j’ai pensé : et merde, ces cons, ils la veulent, ils l’auront !!!

Depuis, Zeineb (la ténacité paie) est la reine de la cantine. Elle est payée, pas beaucoup, pour les trois heures qu’elle y passe, quatre fois par semaine. Elle a une vingtaine d’enfants en « faux panier-repas », donc elle leur fait les repas et les amène à 11 h 30. Elle récupère les yaourts et les fruits des paniers repas, et elle les revend aux enfants dont elle prépare les paniers repas. Elle, la gardienne et sa copine Sonia achètent leurs produits d’entretien aux frais de l’association, ainsi que l’eau, les boissons gazeuses et le ketchup. En plus elle est boursière, elle prend l’argent de la bourse mais elle a revendu le repas-traiteur de son fils à un autre enfant, et son fils mange les repas qu’elle fait.

L’addition de ces micro magouilles lui fait un petit salaire local : 300 euros environ – pas grand-chose. Elle n’est pas riche, me direz-vous. Et ces magouilles, si peu importantes auprès de celles d’autres personnes (les Balkany à Levallois ou les Ceccaldi à Puteaux), ne lèsent véritablement personne. On peut même me dire (je me le suis déjà dit, et c’est aussi pour ça que j’ai jeté l’éponge) que moi, Française, avec mon argent, comment je peux avoir le courage ou la mesquinerie de porter les yeux sur si peu de choses ? Moi, j’ai de l’argent. Est-ce que je sais ce que c’est que d’être Ifriqyienne (note : je la dis Ifriqyenne parce qu’elle est Ifriqyenne, mais elle a les bourses françaises, dont elle est française, alors comment je peux être raciste comme ça, hein ? J’ai dit qu’elle s’appelle Zeineb, hein, et n’y a-t-il pas des Sophie ou des Nathalie qui magouillent comme cela ? Il y en a, bien sûr ! L’être humain éminemment faillible, mais moi je suis ici et maintenant, et je parle de ce que j’expérimente en ce moment – Elle n’est pas française, elle a un passeport français, c’est tout). Je ne sais pas ce que c’est que d’être Ifriqyenne. Je ne sais pas ce que c’est que de vivre avec 200 euros par mois en cherchant de tous les côtés tous les sous que je peux récupérer et tous les petits avantages que je peux avoir. Vrai, je ne sais pas.

Mais dans ces petites magouilles, dans ces combats balzaciens de mesquinerie pour être la Responsable de la Cantine et avoir le droit d’entrer quand je veux à l’école primaire, je reconnais quelques unes des mille et une petites atteintes à la justice et au droit qui, multipliées par mille, par dix mille, par cent mille, détruisent la démocratie.

Pourquoi ? Zeineb n’est pas la seule pauvre Franco-ifriqyienne de l’école ! Loin de là. Il y en dans, notre école, environ 100. Ai-je dit qu’elle ne lésait personne ? Car elle ne me lèse pas, moi, parce que moi justement je suis une Française riche (localement). Mais la timide Zohra, à qui la gardienne parle comme à un chien parce que Zohra ne connaît personne, parce que son fils n’est pas une brute footiphile, parce que Zohra ne connaît pas les leaders locaux comme Zeineb, eh bien elle est lésée, la timide Zohra. Béatrice, française mariée à un ifriqyien, qui ne fait pas partie du clan des amies de Zeineb, et dont le fils à de meilleurs résultats scolaires que celui de Zeineb, eh bien Béatrice sait que son fils est en prise aux moqueries des amis du fils de Zeineb et Béatrice stresse tous les jours parce qu’elle a peur, si elle va voir le directeur français de l’école française, de détériorer encore la situation de son fils. Et moi je m’en fous, je les laisse : moi, vu mon statut de prof, on ne fait rien à mes enfants, vous comprenez ? Mais j’en ai marre de cette injustice. J’en ai marre de l’injustice faite aux autres, à ceux pour qui elle est importante, la justice, parce qu’ils n’ont que cela !!

Parce que ici, quand une personne comme Zeineb se taille une petite part du gâteau, elle emploie, pour justifier son attitude, une rhétorique du type oppresseur/opprimé, toujours touchante à nos oreilles, mais quand elle manage sa part de gâteau, elle ne libère pas les pauvres de l’atroce oppression des riches, ni les Ifriqyiens de l’horrible oppression des Français, elle se donne un pouvoir et ne cherche qu’à l’agrandir.

Struggle for life, c’est ça, dans des pays où la vie est tellement dure, on se bat pour soi et non pour la multitude. C’est compréhensible, on peut la comprendre, et même l’excuser, mais on ne devrait pas la laisser faire. Car son attitude est proprement anti-démocratique, même si elle porte sur d’infimes gains. Elle lèse d’autres personnes, et naturellement pas les plus forts ; mais les faibles.

Et j’ai parlé de Zeineb, mais nous avons dix Zeineb, ici, et j’en connais plein. C’est ce que je supporte plus. Certains Zeineb sont mes « amis » car, ignorante de leur être véritable, je me suis rapproché d’eux, mais après sept ans je les connais et ils me dégoutent… Ils me salissent. L’un d’eux m’a proposé les bourses, l’année dernière. Il siège à la commission des bourses, alors pourquoi pas. Pendant un mois ou deux j’ai même hésité, car l’école est chère. Et puis mon esprit a fait surface, brusquement. Oui, l’école est chère et je déteste la payer. Mais rentrer dans ces petites combines… Après, Zeineb pourrait me regarder d’un air complice, parce qu’elle saurait qu’elle a fini par gagner puisque j’ai les bourses, puisque je suis devenue comme elle, de petites compromissions en petites compromissions, les bourses, puis les entrées gratuites à droite, à gauche. Quels mots employer pour vous faire comprendre à quel point j’ai envie de vomir devant cela ? Je fais même exprès de ne plus le voir.

Si j’avais accepté les bourses, je serais devenu le client de cet autre Zeineb qui ne s’appelle pas Zeineb. J’aurais perdu mon indépendance et un petit morceau de mon âme, déjà si imparfaite, mais pas vendue. Graham Greene raconte un truc comme ça dans un roman très sirupeux, « Le fond du problème ».

Et vous savez quoi ?

Je vais me tirer !!!

Alors je m’en fous de leurs petites magouilles.


J'ai écrit ça hors ligne, ce que je ne fais jamais, et je ne sais pas si j'ai été claire.
Il faut vraiment que j'arrive à exprimer tout ce que j'ai vécu ici, dans tout ce que cela m'a apporté.

04 mai 2007

Coutumes locales

Au collège nous avons un traiteur. Il est là depuis 17 ans (avant il était prof, et traiteur depuis 12 ans).
Cafouillis, bien entendu, mais sympa.
Le président de l'association de parent d'élève, et un de ses amis ont décidé de changer de traiteur, et ils ont fait appel à une société qui fournit les avions. Avant, c'était quelconque, maintenant, c'est mauvais.
Il a fallu acheter des plateaux repas en métal, et pour les nettoyer, l'association paie le portier, dont je reparlerai. Le portier est donc payé en plus, dans ce nouveau sytème.
En outre, il récupère tous les restes.

Normalement je m'en moque, mais à force de vivre ici je suis obsédée par tous ces petits trafics. On a viré, en trois jours, un type dont personne ne se plaignait pour le remplacer par une société qui fait moins bien son travail et qui paie le portier, lequel augmente ainsi ses petits profits annexes.

Au primaire, deux mamans trustent la cantine, et récupèrent les packs d'eau et les yaourts non consommés par les enfants, ainsi que les restes des repas non-consommés qu'elles revendent.
L'une de ses mères est propriétaires d'un hôtel, je veux dire qu'elle n'est pas pauvre.

Maintenant, quand je vois certaines choses, j'en ai automatiquement les larmes aux yeux d'exaspération, et je pense vite à autre chose.
Le portier, payé par certains parents, porte les sacs des enfants en classe.
Mais il ne porte pas le sac de notre élève polio.

Le top c'est quand même Sonia. Il faut que je la photographie. Lunettes noires, seins en obus, portable, clefs, elle arrive dans la rue de l'école à contre-sens comme si elle en était propriétaire, sort de sa voiture comme une star et interpelle le flic pour s'excuser...
Le flic ne fait rien parce qu'un jour il a fait une remarque à quelqu'un mais il connaissait le gouverneur alors le flic a eu des emmerdes... Alors il ne fait rien, sauf aux Ifriqyiens visiblement pauvres et sans relations...

Tentative

Ecrire comme dans la presse locale. Je vous jure, on lit des trucs comme ça dans les journaux.
Pour ceux qui se demandent si ça a un sens : mais quelle idée!!!! Un sens! Trop délire! Enfin, si les journaux avaient du contenu et du sens, les gens réfléchiraient. Vous imaginez la situation?

Lors de l’ouverture de la conférence interministérielle des délégués et sous-délégués au développement, à la formation et à l’emploi, sous le patronage du Ministère de l’emploi, de la Jeunesse et de l’Avenir, les délégués et sous-délégués ont exprimé leur profonde satisfaction devant les réformes cohérentes, pragmatiques et fonctionnelles mise en place par notre président, en accord avec les modifications de la situation de la gestion du projet de réhabilitation des régions du Sud, du Nord et de l’Est, selon la logique inhérente au développement coordonné et motivé du Sous-Partenariat Régional à la Jeunesse et à la Formation de la Femme, et en concertation chaleureuse avec le Ministère de la Terre et du Développement Rural Associé aux Coordinations Régionales de la Formation Agricole, et ce, alors même que, lors du Conseil Inter-ministériel des Représentants Sous-Régionaux à l’Agriculture et au Développement agro-mécanique, les réprésentants avaient tenu à se féliciter de la politique dynamique, associative et prospectives du Ministère de l’environnement et de la Santé, dans le cadre des accords de détermination coopérative des régions du Maghreb sud.

03 mai 2007

Mafalda

Site de Mafalda, que j'adorais quand j'étais gamine. En Espagne, je m'achèterai tout Quino.

Barbarie

D'abord, la première guerre mondiale.
Puis la deuxième.
Ensuite, on ne compte plus les guerres.

Aujourd'hui, nous avons le choix entre deux barbaries : quel avenir charmant. Soit le pays qui se pose en leader du monde entier. Soit les pays menés par des leaders dictateurs qui terrorisent leurs populations à l'intérieur et feraient volontiers de même à l'extérieur. La peste ou le choléra?

Et les démocrates? Plus personne ne parle de soutenir les démocrates des PVD. Doit-on en conclure que les journalistes européens n'estiment pas les PVD capables de produire des démocrates?

Souk du dimanche

Le souk du dimanche est énorme, très grand, et occupe même des rues en plus des zones réservées au marché. Dans la rue principale, on trouve des produits de "l'artisanat" local réservé aux touristes. Entre autres, des bracelets en "argent berbère", et quand, comme moi, on éclate de rire et on dit au vendeur que ce n'est pas de l'argent, il s'énerve.
Récit d'un marchandage (en marchandant je ris tout le temps mais c'est un rire amer).
Moi : kaddesh? (combien? - c'est pour me la jouer, mais ça ne le fait pas, car le type sait bien que les Ifriqyiens ne s'intéressent pas à ces bricoles).
Vendeur : Ecoute, la gazelle, écoute moi, tu es française? Regarde, c'est de l'argent bèrbère, pourquoi tu ris?
- Kaddesh?
- Pour les Allemands, 45, mais pour toi, 30.
(J'éclate de rire)
- Impossible.
- Pourquoi, impossible? regarde, regarde! C'est berbère, c'est de l'argent! Dis, dis, ici, on marchande, tu dis ton prix, si ton prix bon prix, j'accepte.
- 2.
Le type s'étrangle.
- 2!! Même pas le prix d'achat!
- Oh, si t'as payé ça plus de 2 tu t'es fait avoir.
- c'est de l'argent!
- Mais non, c'est pas de l'argent.
Le type s'énerve (plus que dans le bled arbi): Quoi? Quoi? pas de l'argent? Tu me traites de menteur? regarde!!
Et il me montre, en effet, un truc genre poinçon sur le bracelet en fer-blanc. Vexer, c'est pas bon. Je dis :
- Tu as raison, il y a un poinçon. Mais c'est trop cher pour moi, je n'ai pas d'argent. C'est pas grave.
- Combien tu offres?
- 2, je t'ai dit.
- 2, c'est pas raisonnable. Donne 10 et ça va.
- Non. (je m'éloigne)
- Donne 7.
- Pas de sous.
- 5.
- 3.
- 4.
- Bon, d'accord, 4 mais c'est exorbitant.

Grâce à ce genre de négo, j'ai une certaine réputation auprès de ma belle-famille. De 45 à 4, ça le fait.

Un peu plus tard, nous traversons la route réservée aux touristes et rentrons dans la partie plus locale du souk. A 15 mètres de la route, nous tombons sur un marché où l'on vend sous sachet, par paquet de 10, les bricoles que je viens de négocier sauvagement. On y trouve aussi des objets en bois d'olivier. Je m'éloigne des Français (ils vont me faire repérer) et je vais dire Kaddesh au type, qui, me voyant, me prend pour une locale. J'achète deux couverts à salade pour 2 (monnaie locale). Débarquent les Français, en short, T-shirt, et suant, alors que j'ai un petit pull - il y a de l'air. Le vendeur m'observe avec un air ironique et se dit que, vu sous un autre angle, je n'ai plus l'air si locale. Je le regarde, il sourit, je lui souris. Il a comprit que je ne suis pas du pays, surtout quand toute la belle-famille vient m'entourer, discrets comme un troupeau d'éléphants. J'habite ici, lui dis-je. Ma belle-soeur lui demande le prix d'un pilon. Il dit 7. Pas possible. Je râle, mais il maintient son prix. Il sourit, mais il maintient. On part. Ces prix à la tête du client, ça m'énerve.

Enfin. Toutes proportions gardées, les hommes d'affaires des grosses boîtes européennes sont encore plus malhonnêtes. (Mais 45 pour du fer-blanc, c'est cher, même si les hommes d'affaires européens sont des voleurs).

01 mai 2007

Quand t'es dans le désert

Nous sommes allés dans le désert, et, allez j'assume et je fais simple, on a fait du quad. Une fois qu'on est dans le désert, à proximité d'un quad, autant en faire, c'est marrant.
Je tiens quand même à préciser quelques points: primo, Dieu a-t-il créé le désert pour qu'on fasse vroum-vroum dedans?
Deuxio : c'était du désert pour touriste (heureusement, sinon j'aurais eu peur). On était à dix minutes de la route. Ouf.
On a eu droit au hors-piste habituel, les descentes de dunes qui font peur et tout ça.
On a fait du quad. Titou le Grand s'est éclaté.
Après, on a mangé sous la tente. Je vous rassure : c'était nul, comme toujours dans ce pays. Le soir dans le désert, c'est bien. Mais le repas sous la tente... Soit on fait dans le genre luxe, soit on fait dans le style bédouin (pauvre). Mais là, c'est le genre deux étoiles. On attend le repas deux heures, on a trois olives et du thon, puis une soupe fade, puis de l'agneau dur servi avec du riz et un poivron, puis des patisseries sucrées et des fruits de saisons idiots, pommes et dattes, sachant que les fraises sont merveilleuses en ce moment, et les melons aussi. Certes, on mange tout ça à quatre pattes par terre sous une tente berbère en tissu synthétique (le vrai tissu c'est du chameau et ça ne sent pas bon), et le soir tombe dans le désert. Heureusement.
Mais j'ai merveilleusement dormi, et m'endormir à la lueur des bougies, avec vue sur le sable et les herbes agitées par le vent, c'est génial.
Dommage que cela ne soit qu'une caricature, et tant mieux parce que le désert me fait peur, à moi.
Mon rêve : traverser le Sahara pour arriver jusqu'à Tombouctou. Avant, il faut que je devienne riche et courageuse.
J'ai toujours honte de ces caricatures de vie locale que l'on vend aux touristes.
Mais il fallait sortir la belle-famille. Eux, ils ont adoré. Nuit dans le désert à dix minutes de la route = beaufs heureux. Que demande le peuple?

Imaginez nous traversant la ville pour aller payer. Dans la rue, certaines des maisons n'ont pas l'eau courante, et deux ou trois points d'arrivée d'électricité. Des enfants jouent dans les tas de déchets qui entourent les maisons. Eux, les Français, que pensent-ils devant ce spectacle? "Ils vivent vraiment dans la merde, et après ils viennent en France et ils ont les alloc et ils égorgent le mouton dans la baignoire". Et eux, ici, que pensent-ils devant ces gros touristes qui étalent leurs chairs flasques au soleil? Nos vêtements valent une semaine de salaire. Les appareils photos numériques un mois. Ces Blancs aux airs dégoûtés qui sourient bêtement, comment ne nous demandent-ils pas d'acheter à 30 Euros ce qui en vaut 2? Comment pouvons-nous nous rencontrer? Par quel moyen? A quel endroit?

Adieu 3

J'ai repensé à ma voisine. Je lui en veux tellement fort... Voilà : par erreur, et parce que je l'avais mal jugée, je me suis montrée à elle plus qu'à la plupart des gens ici. J'ai ironisé sur mes amis, mes relations, les caricatures de soirées mondaines que nous avons ici. Je lui ai parlé de ceux avec qui l'Ours aurait pu monter des affaires, elle sait chez qui je suis invitée et ce que je pense d'eux. Comprend-elle ce que je ressens? Ce sentiment de devoir jouer un jeu que je ne comprend pas très bien et que je n'aime pas, mais je me suis retrouvé là, et il faut bien avancer et quitte à jouer, autant avoir les bonnes cartes - et je vous rassure, les miennes sont moyennes. peut-être ne comprend-elle pas, et me croit-elle menteuse, ou fausse, ou prétentieuse. Je sais bien que je fais vite pimbêche.

Je vais raconter une histoire. Du temps où l'Ours était directeur, chaque année il y avait une fête de nouvel an. Ordinairement, j'étais une femme d'ex-co parmi d'autres, et il y avait une soirée spécial ex-co (chiante - mais comme dit l'Ours, je n'aime rien). On mangeait bien, c'était au moins ça.
Mais quand il est devenu directeur, la première année, à minuit, enfin un peu avant, il est venu vers moi et m'a dit : "On y va".
- On y va - quoi, on y va? lui ai-je dit.
- Eh bien, dire bonne année.
- A qui?
- Mais à tout le monde.
- Ah mais non! Pas moi! C'est toi le directeur!
- Oui, mais toi tu es la femme du directeur.
- Et alors?
- Alors, tu assumes. Tu viens dire bonne année avec moi.
- Non. Je n'ai jamais voulu être "femme de directeur". C'est quoi cette histoire?
L'Ours est devenu glacial et m'a dit :
- Bien.
J'ai compris qu'il ne blaguait pas et j'ai réfléchi, très vite. Quand nous étions dans un pays du Golfe, la femme du directeur invitait à Noël toutes les femmes d'ex-co. J'avais trouvé cela (chiant - bon, on le sait) très élégant de sa part, et je n'avais jamais vraiment réalisé qu'elle faisait cela sur commande. En Espagne, Titou le Grand avait été invité à l'anniversaire de la fille du directeur, qu'il fréquentait peu - il sait depuis cette année ce qu'est une fille, et encore, en théorie seulement. L'Ours m'avait ordonné d'y aller - c'était une faveur spéciale, et j'avais trouvé cela idiot, autant pour moi que pour elle, la femme du directeur, le genre liane qui se lève à midi, fait du sport l'après-midi et sort en boîte la nuit, sympa par ailleurs, mais aussi peu à l'aise dans son rôle que moi dans le mien, mais nos maris respectifs nous obligeaient à ces mondanités idiotes (plus élégantes que celles d'ici).
Je me suis levée et j'ai suivi l'Ours et j'ai dit bonne année à tous les employés. Tout le monde n'est pas comme moi; si vous êtes maghrébin, que vous travaillez dans un boîte dont le directeur est français et que la femme du directeur est froide comme un glaçon avec vous, que pensez-vous, hein? Vous dites que les mondanités l'emmerdent? Vous vous dites qu'elles préfèrerait être chez elle plutôt que dans une salle de restaurant mal décoré à manger un mauvais repas en buvant du mauvais vin, alors que le menu vaut le cinquième du SMIC local? Non : vous vous dites que c'est une raciste, ou une bêcheuse, ou une mal polie; qu'elle pourrait faire un effort, et qu'elle ne le fait pas. Et vous la trouvez sympa? Non, vous la trouvez nulle. Avec tout le fric qu'elle a, elle pourrait dire bonne année.
L'année suivante, j'ai mis robe du soir, bijoux, fleur dans les cheveux, genre star hollywwodienne, et j'ai embrassé tous les employés. Ils étaient très contents.
Tout ça pour dire que les airs dégoutés passent mal en société. Je n'aurais peut-être pas du tant en dire à ma voisine. Certaines choses doivent être assumées. Dire qu'on déteste les sorties, les invitations, les untels et les untels et sortir quand même, et bénéficier des mille et un petits avantages de ses relations, ce n'est pas cohérent. Soit on vit dans une grotte, soit on se tient à sa palce, sans airs fatigués.
Quand on se retrouve dans un situation, les conséquences de ces situations doivent être correctement gérées, sinon tout s'écroule. C'est immédiatement perceptible dans l'enseignement. Impossible de dire aux élèves que vous faites ça pour gagner votre vie. Il faut "jouer le rôle" du prof qui y croit. Quand on est l'épouse d'un homme qui a un petit rang dans un groupe social, on doit suivre la logique du truc. Si on a des états d'âmes et qu'on dit à tout le monde, oui, bon, j'habite dans un parc de dix hectares avec piscine au bord de la mer mais en moi-même je n'aspire qu'à la simplicité, je suis encore dans ma chambre d'étudiant du 15ème, on a l'air con. Voire pathétique.
En fait, on est obligés de jouer le rôle qu'on a. Ce sont les autres qui vous créent.
Cela étant, je me dois de préciser qu'en tant qu'ex-étudiante fauchée qui n'a pas de relations et à qui tout passe sous le nez, me retrouver dans le groupe de ceux qui sont invités (on the cutting edge, comme dit l'Ours en se marrant) là où il faut être n'est pas désagréable. C'est doucereusement flatteur pour l'ego. Les uns et les autres. Avant, j'étais dans les autres, maintenant je suis dans les uns. Le tout, c'est de ne pas péter un cable.

Exemple de mondanité : les vernissages d'artistes locaux. Sachant que l'oeil éduque l'oeil, il faudrait garder les yeux fermés. J'ai photographié un des derniers chefs -d'oeuvre. Là, c'était le staïle : en direct de l'Atelier de l'Artiste.
Accrochez-vous, c'est violent.


Je ne blague pas, ce sont des étudiants des Beaux-Arts locaux qui ont produits ce pur chef-d'oeuvre. Ils auraient mieux fait d'exposer des travaux d'élèves de maternelle, c'est plus joli.
Entendu devant cette croûte : " Tu as vu, non mais tu as vu l'intensité de l'émotion qui se dégage? "


C'est pour cela que j'ironise sur notre petit microcosme. Mais ma voisine n'a peut-être pas compris que j'étais bêtement sincère. Comme elle est plus isolée que moi, elle pouvait envier ma situation (quand j'étais étudiante, j'enviais ceux qui allaient à des trucs où l'on rencontrent des gens) et me trouver très fausse. J'aurais mieux fait de jouer la "femme bien", qui assume tout, sans geindre. Quand l'Ours a changé de poste, j'aurais pu prendre l'air de celle qui résiste aux revers de la vie (je n'ai pas eu cet air-là : j'ai dit : enfin on va être peinard).
Si j'en parle autant, c'est que je m'étonne de ma rancoeur. Je ne vois que ce moyen de l'expliquer : je lui ai révélé beaucoup de choses sur moi, et elle m'a planté. C'est toujours blessant. Cela n'arrivera plus. Je suis beaucoup plus en équilibre avec moi-même. J'accomplis mes obligations (elles sont moins nombreuses depuis que l'Ours n'est plus directeur) avec plus de philosophie et d'humour.
Qu'est-ce qu'on est peu de choses, et esclave de ses émotions.

Ceux qui veulent se nettoyer les yeux peuvent aller sur le blog de KA.

Anecdote. L'Ours est en phase d'achat et d'essayage de costume, cravate, tout ça tout ça. Or, Titou le Petit, 8 ans, ne l'a pas vu habillé comme ça depuis deux ans. L'autre jour, il voit son père en costume et s'arrête, interdit, devant lui.
- Papa, pourquoi tu t'habilles comme ça?
Titou le Grand, à qui on ne la fait pas, lui lance:
- Ben, qu'est-ce que tu crois? Il va retravailler dans une société.
Petit: - C'est quoi une société?
Grand : - c'est comme la boutique, mais en plus grand.

Adieu 2

Ma voisine vient de m'appeler pour inviter mon fils car le sien s'ennuie dans la maison... Alors qu'ils ne se sont pas vu depuis deux mois.