30 avril 2007

Adieu

Ma voisine a déménagé hier et aujourd'hui son appart est vide. Chaque fois que je passe devant chez elle je me sens triste.
J'ai une longue histoire avec ma voisine, pleines de sentiments confus.
Je l'ai rencontré il y a quatre ans. Sympa, gaie, dynamique, pas conventionnelle. Depuis quatre ans dans le pays mais pas de relations et encore moins d'amis.
Année 1 : nous nous sommes vues peu, mais régulièrement, toujours avec plaisir, dans un groupe de maman copines (comme on peut l'être ici) qui ne travaillaient pas. Elle les voyait plus, parce qu'elle ne travaillait pas.
A la fin de l'année, nous avons organisé une brocante ensemble. En fait, elle a voulu organiser une brocante avec moi, j'ai dit oui, mais elle a fait le plus gros du boulot parce que ça me cassait les pieds. Première erreur : j'aurais du dire non, puisque je ne voulais pas vraiment assumer.
Elle me trouvait dynamique, elle regardait mes relations avec envie, elle parlait ironiquement de mes copines, elle me félicitait sur l'excellence de mes relations, et en effet dans notre petit univers je suis en relation avec le gratin local (lequel gratin ne serait pas grand chose voire rien du tout ailleurs).
Année 2 : elle a voulu créer une entreprise ... avec moi (femme d'affaire dans l'âme), là j'ai dit non, OK pour aider mais pas plus. C'est tombé à l'eau parce qu'elle a trouvé un boulot. Ouf. Elle començait à me pomper un peu. Deuxième erreur : quand quelqu'un commence à vous pomper "un peu", ne pensez pas : elle est quand même sympa. Tout le monde est quand même sympa.
Elle a trouvé que la maitresse de CP donnait trop de devoirs et elle m'a fait venir chez elle pour que je lui dise ce que j'en pensais. Troisième erreur : écouter une mère qui croit son enfant persécuté (et en plus je suis prof!!! J'avais senti le coup foireux et lui avais dit : moi, je crache pas sur les collègues).
Quand j'ai vu les devoirs je lui ai dit : J'ai du mal à croire qu'il mette une heure et demie pour les faire. Précisons qu'elle lui faisait recopier tout le vocabulaire à savoir lire.
Nous avons déménagé et c'est son mari qui a trouvé l'appart. Elle voulait que je vienne habiter là (elle avait raison : on est super-bien). Elle voulait que j'habite à côté de chez elle. Quatrième erreur : une maie de si fraîche date n'a pas à vous attirer ainsi.
Un mois après elle s'est fait virer par son mari et elle a emménagé en dessous. Ensuite, son mari a regretté et il est tout le temps cheaz elle. Quand elle m'a dit qu'elle venait habiter en dessous je me suis dit : on dirait qu'elle l'a fait exprès. Je l'ai pensé, et j'en ai eu honte - maintenant je le pense, sans honte.
On s'est mises à vivre portes ouvertes et les enfants allaient dans les deux maisons. C'était très sympa. L"idée que des problèmes pouvaient apparaître m'a effleuré, je l'ai écarté.
Je lui ai proposé d'amener et de ramener ses enfants de l'école, pour qu'elle n'ait pas besoin de l'aide de son mari (les miens allaient à la même école). Une mère m'a dit : mais elle ne peut pas se débrouiller seule, ta copine? Et j'ai dit : Mais tu ne te rends pas compte!! Elle vient de se faire larguer!!! Et je pensais : mais qu'est-ce que les gens sont méchants!!!
Pendant l'été, j'ai eu ses enfants une semaine à la maison parce qu'elle n'avait personne pour les garder. Le reste de l'été, ils me demandaient où j'allais et d'où je venais à chaque fois qu'ils me croisaient. A la fin de l'été, mon fils me disait : "Bon, quand ils te demandent où on va, tu ne leur réponds pas : ça les regarde pas."
Année 3 : elle a décidé de me faire fêter mon anniversaire, ce dont j'ai horreur, et m'a harcelé avec ça pendant deux semaines. Elle est devenue copine avec un type que je trouve idiot, et sa femme, elle voulait tout le temps que je vienne chez elle pour prendre l'apéritif avec eux. Nous, on refusait. Le mois suivant, elle ne le supportait plus ; mais comme on est parti dans le sud pour un Aid, sans elle et ses enfants, elle est partie pour l'Aid avec eux. Après, elle m'a raconté comme ç'avait été affreux, elle aurait préféré venir avec nous mais on l'avait pas invité.
En novembre elle a décidé de sortir faire la fête et elle a aussi décidé que je devais venir avec elle parce que c'était cool. Elle a organisé des soirées filles et je l'ai aidé. J'ai appelé toutes les "filles" que je connaissais et j'en connais plein.
Je m'occupais toujours de ses enfants, un jour sur deux, et je trouvais ça pénible. Son fils avait un problème énorme de mensonge, il mentait sur tout, même sans raison, et sa fille faisait de l'hypoglycémie. J'ai insisté pour qu'elle prenne quelqu'un. Elle a pris Sana, une de mes copines, qui devait donner des cours d'arabe à mes enfants, en février 2006.
En février, elle m'a demandé de ne pas demander à Sana de venir faire des cours d'arabe après qu'elle soit venue garder ses enfants : Sana venait pour elle. Je n'ai pas voulu faire d'histoire, et Sana est venue le dimanche (en fait ça nous arrangeait, mais j'ai peu apprécié le procédé. "En semaine, Sana vient pour moi, si elle vient chez toi après elle va bacler son travail chez moi alors que je la paie cher).
En mars, elle m'a demandé d'expliquer à mes enfants qu'ils devaient respecter les jouets des siens (jusque fin janvier, ses enfants étaient chez moi presque toute la semaine). Je commençais à en avoir marre, et j'ai interdit à mes enfants d'aller chez elle en son absence.
En avril, elle s'est engueulé avec l'Ours, en nous accusant de vouloir lui "gâcher une soirée" - je me demande ce qu'on lui avait gâché, vu le nombre de fois où on lui a gardé ses enfants et où on l'a dépanné.
A ce stade j'en ai eu marre. Alors que j'allais la voir très souvent, trop probablement, pour lui raconter mille et une petite futilités et rigoler, je n'y suis plus allé. Bon, j'y allais moins depuis février.
Sana est partie en France (bourse d'étude de six mois) et elle a vécu cela comme une trahison.
Durant l'été, ses enfants sont restés à la garderie. Elle s'est achetés une clim et nous a demandé comment nous pouvions vivre sans (comme des pauvres, quoi).
Année 4 : Nous nous sommes beaucoup moins, puis plus du tout vu. Elle en était peut-être heureuse, puisqu'elle semblait avoir acquis la conviction que je lui en voulais. Néanmoins, elle qui ne voyait personne régulièrement sauf moi (et le type que je n'aime pas et sa femme, mais moins), n'a plus vu personne. Je sais qu'avant elle me disait "avec toi, c'est bien, ça bouge, on voit du monde", eh bien elle n'a plus vu personne. Elle avait invité des gens (avec nous) trois fois l'année précédente, et mon mari avait fait la cuisine ou le barbecue à chaque fois (il était furieux - il se retrouvait obligé de le faire parce qu'elle le lui demandait et qu'il est efficace). Elle n'a plus invité personne.
Après la clim, elle a acheté de beaux meubles dans LA boutique d'ameublement du coin. Son directeur lui a fait venir une Mercédes et elle roule avec. Aujourd'hui elle vient de déménager pour un quartier plus chic.

Je n'ai pas tout dit, mais reste que cela me fait de la peine. Malgré les signes avant-coureur, je me suis fourvoyée dans une histoire idiote. Sa gaieté m'a aveuglé. Je m'amusais avec elle. J'aimais bien quand les enfants jouaient ensemble, au début, c'était cool. Mais les miens ont beaucoup de beaux jouets, des L*g* et des Pl**m***l. Elle achète des tas de bricoles qui lui reviennent assez cher, qu'ils cassent, avec lesquelles ils ne jouent pas, et après ils sont devant les jouets des autres avec envie. Elle m'a très souvent dit (et je croyais que c'était une boutade) "tu peux dire à mes enfants d'arrêter d'être en extase devant les tiens?" Or, si des enfants sont excessivement fascinés par d'autres, ce n'est pas normal. Et puis, au début, mes enfants étaient, attention, "fils de directeur", et nous habitions dans un cadre que j'étais seule à détester, mais considéré par beaucoup comme luxueux. Les siens étaient très impressionnés. Quand nous sommes devenus voisins, cela faisait moins "fils de directeur", et son fils le disait : "Ton père il est même plus directeur! Et ma mère est directrice!!!"

J'entendais à l'école des remarques sur elle, des mamans m'ont dit qu'elle "abusait de ma gentillesse" (depuis cette année j'essaie de faire la gueule et d'être désagréable, mais normalement je suis le genre de personnes que l'on trouve "gentille", alors que je trouve en générale tout le monde con, mais je n'ose pas le dire pour pas faire de peine...), mais je n'écoutais pas ces remarques . Le problème de mensonge de sonfils est devenu énorme, elle est dévorée par le stress de sa scolarité, elle a peur qu'il redouble, lui semble angoissé, il se vante de ce qu'il a ou de ce qu'il va faire à chaque fois qu'on se croise, c'est exaspérant et pitoyable.
Plus je me relis et plus je la trouve infréquentable, et pourtant je l'aimais bien, cette fille!! Quel démon me pousse vers les gens à problème? Comment ne l'ai-je pas vu venir? D'où vient que je regrette les premiers mois, durant lesquels les enfants s'amusaient ensemble, alors même que les problèmes de personnalités de ses enfants me sont devenus de plus en plus apparents au fil du temps? Parce que c'est simple ; soit c'est une copine et je la regrette, soit elle ne vaut pas le coup et je ne la regrette pas. Mais c'est l'horreur : elle ne vaut pas le coup. Son changement de comportement au fur et à mesure de sa "progression sociale" : clim, meubles, voitures, maison, c'est pitoyable. Mais je regrette parce que je m'amusais bien avec elle quand tout allait bien.
L'autre problème, c'est que je me suis attachée à elle et à ses enfants, même avec les défauts, les mensonges de son fils (qui m'embrouillaient), les crises de sa fille, et les digressions sur ses problèmes : son mari, ses employés et les instits. Quand, par trois fois, elle m'a cherché des problèmes, en se réservant Sana (qui ne savait plus où se mettre), en reprochant à mes enfants leur comportement (ce ne sont ni des saints, ni des monstres, juste des enfants normalement chiants qui ont besoins d'être engueulés), en reprochant à monmari (et à moi) de chercher à lui gâcher ses soirées, j'ai senti, par progression régulière, le conflit monter. Il fallait que ça n'aille plus. Ensuite, je me suis senti culpabiliser, parce que bon, dans l'histoire je suis triste, mais j'ai toujours ce que j'avais avant (mes formidables relations sociales et des sorties). Alors qu'elle, si désireuse de rencontrer des gens et de se distraire, elle se privait toute seule de ce qu'elle était ravie de trouver avec moi (des filles pour ses soirées filles, des mamans pour inviter ses enfants etc). En gros, avant de me rencontrer, elle ne fréquentait personne (ça m'avait même surprise) et après, toujours personne. Ses enfants n'ont eu comme amis que les miens et les amis des miens. Quand nous avons peu à peu cessé de nous voir, ils ont aussi cessé de voir les autres enfants en dehors de l'école.
Depuis aujourd'hui, l'appart est vide, en dessous. Mais les fantômes errent. Je revois les enfants. Ils ont eu de bons moments. Ce passé-là, figé, disparu, et qui ne reviendra jamais, me fait de la peine. Penser à ses enfants me fait de la peine aussi. Certes, l'Ours et moi ne les supportions plus, à la fin. Mais leur maladresse était touchante. "Nous, on a une clim maintenant. - Ah. - Pourquoi vous en avez pas une, vous? Ton père il gagne pas assez d'argent? - On n'a pas chaud. - Pourtant, quand il était directeur, vous en aviez une. - Oui, eh bien heureusement, parce que la maison était une étuve. - Et on a des nouveaux meubles aussi. - J'ai vu. - Ils ont couté cher, je crois. - Ah. - Les vôtres, ils ont coûté chers? - Pas autant que les vôtres. -Comment tu sais? -Ma mère elle a trouvé qu'ils étaient trop chers et elle en a fait faire. - Alors vous avez pas d'argent? - Si, mais nous on part en vacances en France (flèche du Parthe, méthode enfantine : appuyer là où ça fait mal). Silence , puis : Moi, j'aimerai bien aller en vacances en France. - T'as qu'à dire à ta mère qu'elle achète pas de clim et qu'elle te paie un billet d'avion. Moi, intervenant :Chacun fait ses choix de dépenses. Ce n'est pas toujours un problème d'argent. Mon fils, ironique: De toute façon, ils peuvent pas aller en France. Sa mère elle dit qu'ils ont personne chez qui aller. - Moi, je suis content d'avoir la clim. Je retourne à la maison. Il fait pas chaud comme chez vous."

Voilà quelque chose contre quoi je dois lutter. Ma rendance à sympathiser avec des dingues (ici, trois fois, beau record!!). Je dois rester distante. Il faut dire que j'ai progressé. Avant, j'étais toujours dispo. J'aimais bien parler avec les gens. C'est fini. Je déteste. Je n'aime plus que les relations superficielles. Je connais encore des gens, dont je suis presque sûre qu'ils ont un problème (le fait d'être amis avec moi, déjà, ce n'est pas normal). Ils sont assez fiers d'eux (cultivés et intelligents -c'est-à-dire qu'ils se comparent à la moyenne locale, donc ça fait vite contraste, avec les tontons flingueurs et deux poèmes de Victor Hugo on est cultivés, ici). Je ne fais qu'en être presque sûre, puisque nous les voyons peu, donc on évite les fréquentations régulières, sources d'ennuis.
Conclusion : comme je crois l'avoir déjà dit, il est temps qu'on parte!

23 avril 2007

Vacances

Ce sont les vacances, l'ai-je dit?
Aujourd'hui j'ai rejoint les beaufs à la piscine, ils étaient calmes et ne parlaient pas. Le beauf en vacances se repose. Ce soir, les beaufs vont se retrouver chez nous "en famille", n'est-ce pas charmant?
Belle-maman sourit. J'ai trouvé le même ressort qu'au boulot, celui qui place sur mes lèvres, devant la connerie, un éclatant sourire. Je les regarde et je me dis "Il y a peu de chance qu'on...". Et ça me fait marrer.
Tout ça, j'en ai peur, n'est guère chrétien. Mon mépris confine à... des sentiments guère positifs. Dans un blog, un jour j'ai écrit à quelqu'un pour lui parler en termes obscurs de l'existence du mal, toujours prompt à détruire. Dans ce mépris popur ces beaufs-là, je sens une charge de haine et des sentiments négatifs qui ne me grandiront pas, et ne me font pas de bien.
On ne peut rien contre ces gens. S'ils n'existaient pas, mes enfants, comme moi, enfant, ne verraient que leurs parents. Ils ont une famille qui se réunit, s'amuse bruyamment, certes, mais s'amuse et se réjouit, dans l'ensemble, d'être ensemble. C'est bien, non?
Ce soir, dans mon sourire, il y aura... qu'est-ce que je peux y mettre? De l'amour? Puis-je aimer ces gens? Déjà, écarter mon dégoût, c'est bien, non? Il faut procéder par étapes. Je peux sourire de joie de voir mes enfants passer un bon moment en "famille". Un peu de famille, c'est bien, non? Je pourrais aussi sourire de l'amélioration de mon attitude.
Comment puis-je faire pour penser à eux en positif?
M'abstenir du négatif, c'est bien.
Oh! Que je voudrais être au dessus de cela! Que je voudrais pouvoir aimer sans avoir la sensation de me perdre! Je sens parfaitement que c'est mon mal-être qui me retient et que j'ai peur, au fond. Je déteste cela.

22 avril 2007

Famille...

Ma mère s'est toujours refusé à fréquenter la famille de mon père. Je ne les connais pas, sauf qu'ils sont nombreux, bourgeois (un doyen de fac, des profs de facs, des juges) et mi-parisiens mi- du Nord. Résultat : je me suis juré de ne jamais faire la même chose avec mes enfants. Donc : je me tape ponctuellement ma belle-famille.
Ce sont des beaufs. Intellectuellement, je respecte les beaufs : il faut de tout pour faire un monde. Le problème avec les beaufs, c'est de les fréquenter : aller à la piscine avec eux, discuter du voyage avec eux, écouter ma belle-mère râler sur sa fille aînée (ce que je déteste car je suis la fille aînée de ma mère moi aussi), et, last but not least, boire l'apéritif avec eux le soit du premier tour de l'élection présidentielle. Apéritif triste d'ailleurs : pastis (j'aime pas) ou rhum au sucre (j'aime pas - ça fait alcoolique - même l'Ours s'est fait prier pour boire ça, il boit plus élégamment, mais là, France profonde oblige, fallait picoler).
Commentaires politiques de beauf : 15% d'abstention : normal, fait Petitbeauf, grand analyste politique, ex-vendeur de bricolage, maintenant électricien, air écoeuré "toute la banlieue est aller voter" (je traduis, c'est de la haute voltige intellectuelle : banlieue = arabe = gauche).
Humour de beauf : "Ah la la Ségolène, fait l'Ours (au milieu de sa famille tous les vieux réflexes beaufs ressortent), ah lala c'est pas vrai. (On est dans l'analyse politique, non?) Sa soeur répond : Ah? Tu crois? (C'est de l'humour : tout le monde rit - je déteste moi aussi les airs supérieurs et sainte nitouche de Ségolène, mais j'aurais presque envie de voter pour elle).
Beauf qui suit l'actu : La Madone! fait Belle-maman vipérine (elle a compris le mot, voire l'idée, elle recase).
Heureusement, je sais que l'Ours en a marre aussi, bien que, beaucoup plus fort que moi, il ne le dise pas. Titou débarque en pleurant, il est épuisé et les cousines se moquent de lui, drame, on rentre.
Ouf. Demain, ils viennent tous à la maison.
Mais pas mardi parce qu'on part pour trois jours mercredi, jeudi, vendredi.
Le vendredi pas non plus car on sera crevé.
Le samedi, extérieur prévu.
Dimanche sera la deuxième possibilité pour l'invasion.
Lundi retour à l'envoyeur.
Penser à autre chose. Ces obligations familiales sont rares. Les enfants se disputent avec leurs cousines : ils finiront peut-être par les détester? Alors que j'ai fantasmé sur mes cousines inconnues jusqu'à il y a cinq ans.
Mon fils aîné se rend déjà compte que ses camarades ont des goûts musicaux et cinématographiques très uniformes. Il se rendra peut-être compte que sa famille est plouc?

15 avril 2007

Archéologie

Je prépare une sortie avec mes élèves.
Il faut savoir que le pays regorge littéralement de sites archéologiques, et ils sont magnifiques car généralement déserts (hors un car de touriste ponctuel, et nous la semaine prochaine), verdoyants, ambiance "dans le vieux parc solitaire et glacé, Deux ombres ont tout à l'heure passé."
Et après, débarquement de la France profonde.
La France profonde chez les Arabes. A chaque fois, je me sens Ifriqyenne. Je n'aime pas qu'ils critiquent. Moi je peux, parce que je sais, mais pas eux. On va faire les souks et je vais marchander. J'adore ça. Je divise par quatre et je cède à un tiers du prix proposé. Mais c'est une lutte de volonté. Si je suis "down", je n'y arrive pas.

Déménager

Papiers + administration + fisc + bureau + fonctionnaires + trouille d'avance = angoisse.
Je suis faite pour vivre dans une boîte.
L'autre jour, parlant avec Sana de "L'homme qui voulut être roi", elle me dit : "C'est fou comme ça ressemble à maintenant".
Elle est invitée en Europe et espère un visa Shengen. Elle peut trouver du boulot en France mais il ne faut pas qu'elle perde de vue son objectif : la recherche.
Elle a fait un casting pour lequel elle s'est fait squizzer par des collègues à nous, qui se prennent pour de grands acteurs. Connaissant un ami du réalisateur, ils espèrent avoir le rôle. Mais elle est copine avec une amie du réalisateur elle aussi, et elle fait partie de ces gens qui ont des amitiés vraies. J'espère qu'elle aura le rôle, je l'espère. Je déteste tous ces gens qui se font mousser... J'aime les outsiders.

13 avril 2007

Réflexions sur le brièveté de la vie

Il y aura au moins eu du bon à l'interview du Politique par le Philosophe : j'ai relu Sénèque.
Quand je traduisais ça avant je trouvais ça ch... Ah, jeunesse!

Rien n'est moins l'affaire des gens affairés que de vivre : rien n'est d'une science plus difficile. Les professeurs capables d'enseigner les autres sciences sont partout, et nombreux, on a même vu des enfants briller si bien dans certaines d'entre elles, qu'ils ont pu les enseigner à leur tour : on doit apprendre à vivre toute la vie et, ce qui est peut-être plus surprenant, toute la vie on doit apprendre à mourir.

12 avril 2007

Vie de couple

Je vais être un peu méchante.

Mon mari, doué de nombreuses qualités mais assez invivable selon moi, est terriblement influencé par ma petite personne. Je déteste.

D’abord je l’ai plusieurs fois influencé dans ses choix professionnels (ce que je ne ferais plus, promis), comme il se lamentait dans son ancien boulot d’ili y a sept ans sans rien faire, j’ai entamé une recherche pour lui et on a échoué dans ce pays. J’ai compris mon erreur qaund il est arrivé dans sa nouvelle boîte et qu’il m’a dit :Qu’est-ce qu’on est venus faire ici ? On est venus pour le salaire, lui ai-je dit (l’ancien salaire était nul). C’est la dernière fois que je me mêle de ses affaires.

Ensuite il s’est regardé perdre son boulot en ne postulant pas ailleurs et il a perdu son travail et c’est moi qui lui ai suggéré de monter une boîte pour s’occuper (au moins). Bon, main,tenant il a retrouvé un travail normal (tout seul, après quatre ans de recherche dont deux intenses).OK, je me suis mêlée de ses affaires mais j’étais épouvantée à l’idée de me retrouver avec lui en rage (chômage = homme énervé) à la maison. Son affaire l’a occupé, et lui a donné une petite place dans notre petite communauté idiote – c’était bien pour lui, pour son moral et tout. (Il est souvent négatif sur lui-même, à tort, c’est-à-dire que selon moi il ne voit pas ses défauts et s’en invente).

Je suis un peu vache c’est vrai mais je trouve qu’il se débrouille mal tout seul, ou plutôt il se la joue (moi aussi je me débrouille mal, mais je n’ai jamais voulu « faire carrière »).

J’avoue que j’ai du mal à le supporter, c’’est mal de dire ça hein ? Il est gentil il a des qualités, de loin je l’aime beaucoup, et même je l’estime, mais de près il me tape sur les nerfs.

Dernièrement je me suis mise à me coucher tôt pour me lever tôt. En effet, il regarde la télé le soir et j’en ai marre. J’ai l’impression de vivre chez lui avec cette télé qui ne s’arrête jamais. Le jour, on bosse et le soir : la télé (je déteste la télé).En me levant tôt je me garde des heures de « solitude » quand tout le monde dort je me lève et je fais mes trucs.

Eh bien, depuis trois semaines il se réveille à six heures du matin. Moi, à cinq. A quelle heure vais-je devoir me lever pour être un peu seule, merde ? Une heure peinard par jour, merde !!! Remboursez !

J'ai l'impression qu'il me suit à la trace, et cela m'exaspère.

Il est levé depuis une heure et il regarde un film d'action. Il est sept heures moins dix du matin. Nom de Dieu, à cette heure-là on dort!

A ceux qui se demandent pourquoi je ne le quitte pas. L’idée de divorcer me gonfle. Mon deuxième fils est raide dingue de son père et le réclame tout le temps. Je ne peux pas faire ça.

Ensuite, être en couple est un sésame social. Ne serait-ce que pour partir d’ici, j’ai besoin de lui. J'ai envie que les enfants aient une famille "normale". Qu'est-ce qu'une famille normale? Je ne sais pas, mais je sais que si je leur dis tout sur tout ça va faire beaucoup alors jouons le jeu.

Ensuite, vous ne me connaissez pas. Je me trouve vache. Je préfèrerai qu’il me quitte, je culpabiliserai moins.

Jusqu’à son nouveau boulot, le salaire à la maison, c’était moi. Le quitter aurait vraiment été méchant.

Il m’énerve mais je l’aime bien. Il est une des meilleures choses qui me soient arrivées.

Heureusement il va se remettre à bosser 12 à 15 heures par jour (il adore ça; quand il ne
travaille pas il regarde la télé).

Dans quinze jours sa famille arrive (le côté obscur de la force). J'essaie de faire comme si ça n'allait pas arriver.

Michel Onfray - Nicolas Sarkozy/ Confidences entre ennemis

Tableau : France. Plus précisément : Paris.
Pas n'importe où, attention : chez les qui-pensent, ils ont du temps, ils ont étudié ça les occupe. Ils sont intelligents comme tout et ils disent des trucs cultivés tout le temps ( là, c'est parce que je suis jalouse et que je perds la mémoire; moi aussi, j'ai failli être intelligente et puis finalement j'ai choisi la médiocrité).
En France, une élection présidentielle va avoir lieu. Il n'y a pas un candidat pour racheter l'autre, mais après tout, on ne sait pas tout, Richelieu déchaînait aussi les inimitiés et les gens intelligents ne font pas forcément de bons gouvernants.
Bon. Et voilà -t-y pas qu'un journal de philosophie décide de faire interviewer un candidat (le plus en vue, le plus décrié, comme par hasard) par un philosophe. Waou. Sénèque et Auguste (c'est une façon de parler). Le Philosophe et le Politique.
Petite joute intellectuelle très convenue, l'inné, l'acquis, le communisme, le pas-communisme, la religion, tout ça tout ça. On est en gens intelligent, on se balance sa culture à la figure, très XVIIIème, je trouve, l'ambiance, on s'égratigne (pas trop : on se ferait mal).
Après on publie, et l'interview et le commentaire de l'interview, l'intellectuel toujours supérieur, mais le politique toujours félin.
J'écris vite, il est tôt mais mon dégoût transparait-il? Je ne crois pas, il me faut le signifier : tout cela me dégoûte. Les Philosophes toujours fascinés par les Politiques, et totalement étrangers aux bêtes problèmes des gens. Les Politiques adorant qu'on les pique, qu'on leur parle, qu'on écrive sur eux. Le Chat et la Souris. Chacun des uns se mire dans les yeux des autres, et se pâme d'orgueil.


Et on a les commentaires!!! La blogosphère gauchisante s'insurge (inné/acquis, ça énerve vite), des pseudo intellectuels rectifient, exégèsent, pontifient.
Qu'est-ce qu'on est intelligent en France. Enfermés dans des petites boîtes, avec des miroirs pour se regarder soi-même.
Et ma meilleure copine qui trime comme un âne et ne s'en sort pas - elle n'avait qu'à faire Intelligente, ou Politique. Brasser du vent et parler, jongler avec des mots et des idées.

Ecoeurant. Facile. Honteux.
Juché sur ces élégantes certitudes intellectuelles, nous regardons serainement le reste du monde, et notre intelligence nous dispense de le comprendre, ne parlons même pas de l'estimer ou seulement de le respecter. Ainsi en ont fait les scolastiques, ainsi les philosophes musulmans du XIIIème siècle.
Démoralisant.
Le Vieux Monde pourrit.
Bref. Pour tout cela, cherchez dans la blogosphère ou sur le site de Philomag.

10 avril 2007

Immigration

Il y a quelques semaines, parlant avec Sana de l'immigration, je lui présentais sans réfléchir un lieu commun du style : "La France ne peut accueillir toute la misère du monde". Je sentais bien que quelque chose clochait, mais je ne savais pas quoi et puis, d'ici, voir tous les Ifriqyiens qui montent leurs petites magouilles pour les touristes ou qui débarquent à Lampedusa alors qu'ici ils se la jouent à bas les Occidentaux (Occidental = Bush = Israël), ça m'énervait.
Trois jours après, dans mon cours que j'improvise (j'ai honte, mais du temps où, pauvre naïve, je préparais mes cours, mes élèves n'y comprenaient rien, il y avait trop d'infos), devant les documents, je développe l'idée contraire (à ce moment, en cours je réfléchissais), à l'aide d'un message blog sur Rapa, et je raconte la vie de Rapa au milieu d'un silence de plomb (ignares, mais pas insensibles), avant de conclure que fermer à des gens poussés par un tel passé la porte de l'Europe est impossible, irréaliste, stupide et dangereux. En même temps, je me demande comment j'ai pu dire le contraire à Sana, moi qui, en toute incohérence, la pousse à partir de son pays!
Mes idées "politiques" sont si mouvantes que je les oublie moi-même.
Et puis le battage médiatique autour des sans-papiers m'a énervé, si je les connaissais, ces sans-papiers, ce serait peut-être différent, mais là tous les évènements dont j'ai eu vent (la rue Rampal, les trucs gare du Nord) ne me permettent pas de juger. Ici aussi, sans infos, mais avec le téléphone arabe, je la vois, parfois en quelques heures, se déformer, l'information. Alors en France c'est pareil. Je suis incapable de juger sur des paroles de journalistes, ou sur des vidéos de Dailymotion, même si elles me troublent ou m'interpellent. Ou bien si : je suis contre ce que je vois sur la vidéo, mais quelle part de la vérité la vidéo montre-t-elle?
Peu importe les vidéos, du reste. Il faudrait que je raconte ici deux ou trois histoires de petite désinformation, pour expliquer comment je ne peux plus rien croire - sauf ce qui est vraisemblable, ou général, comme on voit un paysage de loin. Dès qu'on me parle des intentions ou des motivations d'une personne, j'arrête d'écouter.
Je me souviens par exemple de parents d'ici qui n'ont jamais payé la halte-repas de leur enfant -sans raison, ou du moins, s'il y a une raison, je ne la connais pas. Cette situation a duré au moins quatre ans, et plus peut-être (mais passé une certaine année, je n'en suis plus vraiment sûre). L'enfant était par ailleurs charmant (maintenant, c'est l'un de mes élèves). Lorsque l'Association a voulu la leur faire payer, ils ont fait intervenir plein de gens, dont un sénateur des Français de l'Etranger, qui a appelé l'Attaché culturel délégué à l'Enseignement, qui a appelé le directeur de l'Ecole qui s'est retrouvé avec une enquête administrative sur le dos, sous prétexte qu'il avait exclu un élève de l'école sur demande de l'Association de PArents d'élèves, alors qu'il s'agissait d'une exclusion de la halte-repas; lequel directeur stressé par toute cette histoire a obligé l'Assoc' à reprendre le gamin, et donc les parents ont eu gain de cause. Ils ont payé deux trimestre de Halte-repas et ensuite ont recommencé à ne pas payer. Ces parents avaient des difficultés financières, ce dont je ne doute pas, mais je sais que d'autres parents dans des situations similaires payaient leur halte-repas.
Voilà l'histoire vu d'en dessous, mais vu d'audessus, les parents ont raconté à tout le monde que par méchanceté et pour leur nuire à eux les gens de l'Association ne voulaient plus accepter l'enfant et l'Assoc a joué le rôle du méchant. J'en faisais partie, de l'Assoc, à l'époque, et depuis je me suis bien gardée de remettre les pieds dans ce panier de crabe. Quand je suis devenue prof ils ont appelé aussi le ciel et la terre en argumentant à peu près pareil (mais le sénateur avait fini par apprendre le fin mot de l'histoire, comme tous les internvenants, et cette seconde fois les parents n'ont pas du tout été écouté), et en disant que ma situation ne me permettait pas d'être objective avec leur fille et qu'ils craignaient pour elle. Heureusement l'Administration est restée de marbre et la secrétaire leur a dit que mais non mais non, de toute façon s'il y avait un problème on me ferait des remarques etc. Il n'y a jamais eu aucun problème sauf que leur fille m'a foudroyé du regard pendant un an. Enfin, dans l'histoire, je faisais, pour tout un tas de gens, partie d'un groupe d'affreuses femmes qui avaient décidé d'exclure des enfants quand les parents ne leur plaisaient pas. Bon, d'accord, sur le long terme, beaucoup, mais pas tout le monde (je paie encore des inimitiés qui ont cinq ans, mais bon, il s'agit de personnes telles que je m'en fous), ont fini par se rendre compte que tout allait bien avec moi, que je tenais mes classes et que les enfants m'aimaient bien donc je ne devais pas être un monstre.
Quoiqu'il en soit j'ai expérimenté la désinformation, et je sais qu'elle est très insidieuse. Cela me rend incapable d'écouter les infos sereinement. Elles me paraissent partiales et mensongères, mais on ne sait jamais quelle partie est mensongère. Y a-t-il un authentique problème avec les sans papiers, ou est-ce seulement unthème à la mode? La seule chose qui me semble évidente, c'est l'actualité et l'utilisation du thème. Sarko se veut "ferme", d'autres l'en critiquent. J'ai du mal à croire que Sarko en vienne à faire une politique autre que la politique schizophrène de la France depuis des années, une politique du coup par coup, pas très pensée, dictée par les mouvances de l'opinion. Tout ce qu'il dit ne me semble que devoir rester des mots, donc je n'arrive pas à m'affoler. j'ai tort peut-être, mais il faudrait que j'ai des témoignages de personnes impliquées.
D'ailleurs il faut que j'arrête de faire semblant de parler politique, je déteste ça, je n'arrive pas à m'intéresser aux anecdotes : pour moi les hommes politiques sont tous dans les empereurs romans, sauf qu'ils doivent trouver un autre mode d'accession au pouvoir : l'élection. Je ne peux pas croire qu'un seul veulent autre chose que le pouvoir, c'est pourcela que les hommes de gauche me font peur, à cause de Staline, et depuis que je fais cours en Troisième. Avant, j'aurais volontiers affirmé que "Russians love theirs children too", mais depuis que j'explique aux élèves comment Staline a éliminé ses adversaires, j'ai peur des extrêmes, et avec tous ces assassinats de journalistes russes... Normalement, les non-extrêmes me semblent plus obligés au légalisme, mais ces élections sont inquiétantes de démagogie, de tous les côtés.
Je reviens à mes moutons. Je voulais parler de l'immigration. je voulais employer une image. c'est dur, hein, d'être bavarde.
L'Europe et les Etats-Unis sont des jardins. Jolis, arrangés, décorés, dans lesquels, d'ailleurs errent des enfants boudeurs qui ne vuelent plus jouer avec leurs jouets qu'ils connaissent trop. Hors de ces jardins, s'entassent dans des situations parfois intolérables de misère et de détresse cinq fois plus de personnes qui n'ont qu'une seule envie : entrer dans le jardin (on les comprend, non?).
Certains crient au désastre : le jardin ne peut contenir tout le monde : refoulons-les.
D'autres veulent les laisser entrer : ils ont le droit d'être heureux aussi, la vie est trop injuste.
Les deux sont vrais. On va en laisser entrer certains, et le jardin cessera d'exister. C'est comme ça. C'est la vie. C'est l'histoire, qui avance inexorablement. Au XVIème siècle, les Européens se sont jetés sur le monde entier pour le dévorer à pleines dents. Au XXIème siècle le monde entier se jettera sur l'Europe et sur sa créature, les Etats-Unis, pour les absorber. Et voilà. Et plus personne ne lira Proust. Ni Tite-Live.
Et moi je serai morte. L'histoire avance surement, mais lentement. On n'y peut rien. Et ces élections-là n'y changeront rien, ni les rodomontades ni les roucoulades.

Rien de nouveau sous le soleil

Dans L'homme qui voulut être roi, Rudyard Kipling évoque des aventuriers européens qui, loin de leurs pays, tentent de se tailler des royaumes, ou plus classiquement, se taillent des situations enviables auprès de potentats locaux du bout du monde (l'autre extrémité du monde étant, dans mon discours, située en Europe puisque je suis européenne). Certains se fondent dans les sociétés locales, d'autres restent en contact, plus ou moins auréolés de prestiges, avec les puissances coloniales.
Quoiqu'il en soit, dans ces oeuvres, on distingue fort bien le monde européen et les univers extra-européens, décrits comme étranges par l'observateur, puisque le dit observateur vient d'Europe et s'adresse à des Européens. Le monde européen est régi par des lois et des codes qu'il n'est pas besoin d'expliquer au lecteur européen (si les soldats s'arrêtent de travailler à cinq heures pour prendre le thé, le traducteur ne met pas de note de bas de page), alors que les lois qui régissent les mondes extra-européens sont imperméables au lecteur, et que nous ne les comprenons pas bien : nous sommes, lecteurs, placés devant un univers fascinant et mystérieux, un peu effrayant parfois, cruel souvent.
Il semble que les choses aient évolué. Dans des endroits très reculés du monde, il y a l'eau courante et l'électricité. Les enfants vont à l'école. On trouve des cyber-cafés. Belles preuves de modernité, n'est-ce pas?
Avant de poursuivre mon raisonnement, je vais être plus concrète. Suite au fameux rallye sur lequel j'ai rejoint l'Ours (comme prévu, il y avait plein de voitures - le seul truc que j'ai appris c'est que les participants ont un road map qui se déroule devant eux au fur et à mesure que les kilomètres défilent, système mécanique et non pas numérique), nous sommes allés au Jardin d'Eden (nombreux vents de sables du reste) et avons été invités par plusieurs personnes, ce qui nous a permis de rentrer un peu dans la vie locale (côté français).
Au Jardin d'Eden, règne au moins un potentat local (il y en a peut-être d'autres, mais je n'ai pas approfondi mes investigations). Appelons-le Si Ali. Il possède un hôtel, trois parcs d'attractions, et il a ouvert un autre hôtel dans un ville touristique du sud très pauvre en hôtel ou en infrastructures hôtelières (restaurant,etc) - plus tout ce que je ne sais pas. Il a deux fils, peu qualifiés, mais fils de Si Ali. Samedi soir, Le fils de Si Ali nous a réservé une chambre d'hôtel dans un trois étoiles du coin (quatre lits de planches dans une pièce sans fenêtre, genre troglodyte, et un restaurant cantine éclairé au néon qui a stupéfié mes enfants, petits snobs connaisseurs en hôtel dont le plus petit m'a dit ironiquement sur un ton de vieille anglaise des années trente débarquant dans un relais grec pourri: "Eh bien! je comprends pourquoi c'est un trois étoiles" - l'année dernière, pendant les vacances d'été, ils avaient bien apprécié le restaurant de l'Abbaye des Vaux de Cernay...). Le directeur était aux petits soins pour nous, et quand nous sommes partis de son bouge infâme, il a tenu à nous inviter dans son bureau (surchauffé alors qu'il faisait très frais de hors, voire froid - sur le porte de son bureau la plaque indiquait "Le Directeur", mot qu'ils adorent ici, un Directeur sans carte de visite, sans téléphone, naturellement sans ordinateur...) et a bien répété cinq fois à mon mari que nous devions saluer de sa part le fils de Si Ali, avec lequel il semble plus que désireux de travailler, car, naturellement, Si Ali fait trembler toute la population locale.
Nous avons ensuite été invité chez un Français, depuis très longtemps sur place, lié à un homme qui a très bien réussi localement, mais que je soupçonne d'être un parvenu. Il est lié à cet homme par mariage avec sa soeur, mariage étrange, que je connais par relation avec une amie commune. Rien ne va plus avec sa femme mais il reste sur place car il y a sa vie. Il habite une immense maison, nous en a prêtée une autre (en travaux), il dirige un centre de loisir qui marche très bien, propriété de Si Ali. Voilà un Français, au demeurant charmant, qui a réussi dans le sillage du potentat local. Sa vie est remplie d'anecdotes exotiques dans le genre de celles qu'on ne vit jamais à Bécon-Les-Bruyère. Il a dernièrement acheté une jeep de la deuxième guerre mondiale retrouvé dans le désert, comme beaucoup d'autres apparemment, en parfait état de conservation.
Puis nous sommes allés chez d'autres Français, des retraités qui se sont installés là et qui nous disent le pays comme des estringers, pas des adaptés. Leur discours est différent, plein de surprises : les femmes des maris locaux qu'on ne voit jamais, les hommes de 50 ans qui se marient avec des filles de 20.
Un anecdote intéressante : nous avons rencontré une française, journaliste, mariée depuis cinq ans à un Ifriqyien. Elle a vendu son appartement dans le 13ème pour lui, elle le croyait propriétaire d'une boutique, il n'était que vendeur, elle lui a cheté une boutique, elle a acheté une maison, mais le type qui lui a vendu le terrain et construit la maison n'en était pas propriétaire, résultat elle n'est en fait propriétaire de rien. Son mari touche 35% de ce que l'autre gagne en construisant la maison, puis en la réparant car elle est mal construite. Elle lui a intenté un procès qu'elle a gagné mais il est insolvable, elle ne récupérera jamais son bien. Elle ne veut pas admettre que son mari l'a arnaqué, elle ne veut pas voir que certains hommes épousent des françaises pour les plumer, ou pour les papiers...
Je reviens à mon hypothèse de départ : parce que, au Jardin d'Eden, il y a l'électricité, l'eau courante, des bâtiments administratifs, des internet café, nous croyons que la modernité est parvenue jusque là, mais seules ses formes extérieures sont parvenues, en fait, dans la vie et dans la tête des gens, rien n'est changé par rapport à il y a un siècle. On est dans L'homme qui voulut être roi. Pour réussir, il faut ménager les potentats du coin.
Adapté à notre petite vie : l'Ours et moi ne sommes pas des aventuriers. Nous ne nous imposons pas dans un monde suavage. Il nous faut des lois, et tout l'arsenal légilslatifs de l'Europe de l'Ouest, qui, quoiqu'on en dise, protège les faibles du pouvoirs que les forts tendent à prendre sur eux.
Ici, pour tous, c'est fight for life. Chacun pour soi et Dieu pour tous. Le continent est dans la merde et il faut se battre. Nous ne sommes pas des battants, voilà pourquoi on s'en va...
(Désloée de parler toujours de moi mais je me demande toujours pourquoi je suis si incapable de m'adapter).

04 avril 2007

Est-ce que?

Est-ce que c'est le pays ou l'âge?
Je deviens méchante, monstrueuse, agitée de colères que je n'avais pas auparavant.
Je regarde les gens et avant je ne savais pas ce qu'il y avait derrière; maintenant je crains de deviner et ce que je devine est toujours laid.
Autour de moi je perçois des jalousies; cela ne m'arrivait jamais auparavant, et quand des femmes me parlaient des jalousies qu'elles suscitaient je les prenais pour des folles. Suis-je folle?
Cela signifie que j'ai réussi ce que je tentais; est-il possible que cela soit aussi simple?
Toujours souriante; toujours dynamique; lachant des allusions à des personnes locales qui signifient "relations", à des activités qui signifient "je m'occupe très bien et sans vous", à des vacances qui signifient "fric"; habillée avec soin, parfois élégance, parfois négligence (mais faible sur les cheveux et le maquillage) - aurais-je réussi à passer pour une femme épanouie et riche?
Pourtant je m'ennuie; je me déçois; ils me déçoient tous; je suis radin.
Si c'est le cas, voilà la méthode, honteusement simple : "avoir l'air de ce que vous voulez qu'on croit que vous êtes".
Ici, c'est le royaume des apparences; j'ai réussi à ce qu'elles soient en ma faveur.
Il me manque un gros 4x4, mais ça peut passer pour un côté artiste.

Est-ce qu'après on réussit à redevenir normale? Est-ce je suis normale maintenant? Est-ce que je l'étais avant?
Et pourquoi ai-je fait tout cela?
Parce qu'ici, un signe de faiblesse et ils vous bouffent tous.
J'ai pas envie de me faire bouffer.

Je vais relire Thackeray.

03 avril 2007

Rien du tout

Quand il s'agit de ses enfants on stresse vite.
Il ne s'est rien passé. Ce matin mon collègue m'annonce qu'il a réfléchi et retire son rapport.
J'espère qu'il le collera et mon fils fera une lettre d'excuses, en précisant au passge qu'il a été dénoncé par un camarade (comme c'est monnaie courante ici, nous menons une campagne anti-dénonciation). La lettre montrera sa bonne volonté et comme elle racontera les évènements tels qu'il les a vécu, ça fera une sorte de preuve si cette histoire ressort des tiroirs. Dommage... J'avais déjà noté quelques numéros de téléphone et rédigé un brouillon de lettre... Je comptais remonter jusqu'en haut de l'AEFE, voire les Sénateurs...
J'ai remarqué, surtout ici, que n'importe quoi, dit à tout le monde, très vite et bien présenté, en insistant et sans en démordre, ça fait son effet. Une variante du "N'avouez jamais".
Le problème, c'est que bon, moi je suis prof. Je peux montrer les dents et protéger mon fils. Mais les autres?
A mon départ, je ferai peut-être monter la sauce.
En attendant, le rapporteur, il va falloir que je le coince. En attendant, je vais le signaler à tous les autres profs. Il y avait déjà eu des problèmes similaires l'année dernière, et ce garçon, brillant élève, se moquait d'élèves moins bons... Il n'a pas eu les félicitations à cause de cela (il faudrait les supprimer, ici, ça ne sert qu'à exciter les ambitions des pires gosses) - mais il n'a pas compris la leçon.
Oh que je suis contente de partir...

02 avril 2007

A part ça...

... les journées sont trop courtes, et dire que j'ai trainé tout le week-end.
Je n'avance pas dans les douze Césars.
J'avance en arabe. Ma prof est délicieuse (72 ans).
Ma lectrice locale (appelons-la Sana) va partir en séminaire en Slovaquie en juin. Elle est folle de joie. Elle doit elle aussi se tirer du pays, elle est trop douée pour rester. Ici, les gens comme elle finissent dans un placard. Plus encore qu'en France, c'est le pays des médiocres et des incapables.
Windows m'énerve. Il m'envoie des messages du genre "Vous êtes peut-être victime d'un logiciel piraté". Ah ouais, banane? Et ici, l'original, il est où? Il doit en avoir unseul dans le pays, dans le bureau de .... et les copies sont revendues dans tout le pays. C'est vilain,hein?
J'ai honte, là. C'est ma façon de lutter contre le grand capital. Dès que je serais dans les Hespérides, j'utiliserai Open Office et même après j'essaierai Linux (mais là c'est autre chose, et je suis une tanche en ordinateur).
En attendant, je fais comme tout le monde : j'utilise des logiciels p*r*t*s.

Dans ce pays, quand vous, par exemple, "c'est la famille de....." vous pouvez accentuer et dire "deueueueueu" - tout le monde comprend.

01 avril 2007

Ne pas être moi-même

Il faudrait que je devienne quelqu'un d'autre.
Ce que je suis : une petite bourgeoise pas très riche de la région parisienne, qui vit dans un autre pays.
C'est toute ma vie, je suis ça, on n'y peut rien.
Je n'en suis pas mécontente, c'est aussi bien qu'autre chose et puis moi j'aime bien la culture bourgeoise - c'est tout ce que j'aime dans le monde bourgeois mais je l'aime vraiment. Maisons, jardins, arbres, poésie, lycées parisiens, cours de piano, latin, etc...
Le problème c'est que de ma petite bulle confortable et rassurante de petite bourgeoise je me promène et je regarde hors de ce monde pleins de jardins et d'enfants, vaguement proustien.
Et là rien ne va plus, naturellement.

Tout me choque.

Tout -mais ce tout est incohérent.
Je suis choquée de la vision donnée des Perses dans le film les 300.
Je fais partie de la partie du monde qui s'en fout, culturellement et en voyant les choses superficiellement je suis du côté des Grecs.
Mais ça ne me satisfait pas; pourtant, dans mes études, dans mes traductions, quand j'étais au lycée, tout en fantasmant sur les Perses, je m'identifiais inconsciemment aux grecs (Léonidas, Thermopyles, ils se font tous massacrer plutôt que de céder, c'est beau c'est noble c'est grand - et pourtant on sait comment on écrit l'histoire, hein!)

J'ai lu 'Beloved" et je ne peux rester indifférente au problème moral soulevé par l'esclavage.
Le commerce des esclaves a bel et bien enrichi l'Occident.
On peut argumenter en disant que c'était les Arabes, ou les Juifs, qui vendaient des esclaves. C'est à dire que d'autres le faisaient aussi. Ou alors c'est eux qui ont commencé, alors c'est pas de notre faute. cet argument ne tient pas deux minutes, c'est comme les conducteurs des trains qui allaient à Auschwitz, ou comme Eichmann.
Je me souviens quand j'ai passé cette année la Controverse de Valladolid à ma classe de quatrième dans laquelle il y a deux ivoiriennes. Le silence est devenu palpable quand le nonce apostolique explique que pour ne plus exploiter et massacrer les Indiens d'Amérique il n'y a qu'à prendre des Africians et les employer comme esclaves dans les plantations... Je me sentais tellement mal et tellement triste que je n'ai même pas eu le courage d'en parler avec elles.

Et les idées reçues actuelles sur les Musulmans, tellement simples et tellement fausses?

Je n'arrive pas à avoir la force de faire face à tout cela. Cela m'écrase.
Le plus pratique est de ne pas y penser.

Mais quand j'y pense, je ne peux voir d'autre solution que la prière.

Ou alors, naturellement, le combat.
Mais ce n'est pas dans mes cordes, pas du tout...

Voyage, voyage

Pour ne pas oublier la chose capitale,
Nous avons vu partout, et sans l'avoir cherché,
Du haut jusques en bas de l'échelle fatale,
Le spectacle ennuyeux de l'immortel péché;

La femme, esclave vile, orgueilleuse et stupide,
Sans rire s'adorant et s'aimant sans dégoût;
L'homme, tyran goulu, paillard, dur et cupide,
Esclave de l'esclave et ruisseau dans l'égoût;

Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote;
La fête qu'assaisonne et parfume le sang;
Le poison du pouvoir énervant le despote,
Et le peuple amoureux du fouet abrutissant;

Plusieurs religions semblables à la nôtre,
Toutes escaladant le ciel; la Sainteté,
Comme en un lit de plume un délicat se vautre,
Dans les clous et le crin cherchant la volupté;

L'Humanité bavarde, ivre de son génie,
Et folle, maintenant comme elle était jadis,
Criant à Dieu, dans sa furibonde agonie:
«O mon semblable, ô mon maître, je te maudis!»

Et les moins sots, hardis amants de la Démence,
Fuyant le grand troupeau parqué par le Destin,
Et se réfugiant dans l'opium immense!
- Tel est du globe entier l'éternel bulletin.»