07 janvier 2008

Ce soir vous aller tous mourir

L'année dernière nous n'étions pas ici, donc nous étions là-bas.
Je ne me souviens plus parfaitement de la date de ce que je vais raconter ; le 23? 24? 26? ou 31?
Quoiqu'il en soit, je descend de chez moi en laissant les enfants en haut, pour aller faire les courses. Ils sont grands et la bienveillance paternaliste du propriétaire fait merveille. Contrairement à beaucoup de français que des habitants du pays sont parfois venus insulter, personne ne nous a jamais insulté - quelques gamins se plaçaient parfois devant ma voiture dans les rues voisines, en me faisant des gestes plutôt vexants, mais il se trouve que je connais les gamins (pas ceux-là précisément), disons que j'ai le concept de gamin, je m'en supportais 130 depuis 5 ans, donc les facéties des pré-ado, quoique désolantes, ne m'émeuvent pas outre mesure (dans la mesure où il est facile de se prouver que généralement les adultes font pire, sans se forcer). Cependant je manque de patience, donc face à ces gamins gesticulants, pour ne pas m'énerver, je continuais d'avancer, au pas, en regardant la route entre eux et la voiture, ce qui avait l'avantage de me permettre de surveiller la vitesse de la voiture sans voir leurs visages, empreints de sentiments que, pour comprendre, je ne partage pas, car je ne suis responsable ni des la politique extérieure américaine, ni des politiques d'immigration française, ni de la colonisation, ni de la politique scolaire et éducative de leur gouvernement, ni de la mondialisation .
Bref. Donc ce jour-là je descends de chez moi. Je vais ouvrir ma voiture. Tiens, il y a un post-it sous l'essuie-glace, je prend le post-it, je le lis et je vois un petit dessin qui représente des bonshommes allumettes, une femme, un homme, et deux bonshommes allumettes de sexe masculin plus petits, et il est écrit : "Ce soir vous aller tous mourir".
Nous n'habitons pas l'Afghanistan, et les habitants de ce pays ne sont pas, historiquement parlant, d'une folle combativité. Comme me l'a dit un jour Si Mohamed, chaque fois qu'on a voulu nous conquérir, cela n'a pas été très difficile. Donc je me marre et monte dans la voiture : une blague de gamins (des claques et des coups de pieds au cul).
Je pars, et au premier carrefour avec la route qui mène à la capitale : barrage de police, tigres noirs, armes, et au moins six flics armés jusqu'aux dents. Fichtre. Pareil à chaque carrefour. Je vais faire mes courses. Le téléphone arabe transmet des infos sympa : on cherche les deux auteurs d'un casse ; la police en a tué un ; non, deux ; non, ce sont les auteurs du casse qui ont tué un flic ; non, deux flics ; ce ne sont pas des voleurs ; mais des terroristes ; ils ont fait un casse pour financer la guerre ici ; ce ne sont pas des voleurs. Ce sont des terroristes recherchés par la police ; il y a un camp d'entraînement à la frontière ; la police a essayé de les arrêter mais ils sont partis partout. Il y a eu un attentat dans un hôtel de la capitale ; une fusillade dans une bourgade voisine.
La dernière info sera supposée être la bonne : il y aurait eu un camp de terroristes à la frontière; ils auraient été trahis par des achats massifs et inusités de pains dans la boulangerie locale ; les forces de l'ordre (comme on les aime !) auraient pris d'assaut le camp et tué 23 personnes sur 26.

L'année dernière j'ai fait un petit billet là dessus (obscur, à dessein).
Et j'ai dit à l'Ours : on se tire, on se tire, on se tire.
Ils ne veulent pas de nous, ils ont raison, qu'est-ce qu'on fout là? Tirons-nous, laissons les pleurer sur tout ce que leur pays pourrait être et n'est pas à cause, surtout pas d'eux-mêmes, mais des Américains, d'Israël, de la colonisation, des extra-terrestres et tout ça.
Bon. A part ce petit message de menace (écrit et dessiné, j'en suis toujours persuadé, par un gamin qui avait du entendre parler du camp, il paraît que notre village avait fourni pleins de terroristes en Afghanistan, ça fournissait peut-être un sujet de conversation dans les chaumières), nous n'avons rien eu, rien (pas même un pneu crevé).
Efficacité de la méthode du potentat local : le nettoyage avec des méthodes simples, mais éprouvées. Il paraît qu'on arrête aussi les familles, mais naturellement je n'en sais rien: seule la rumeur renseigne et elle se contredit, la rumeur. Quoiqu'il en soit, on voit où ça nous mène, l'efficacité dans la répression.
Et nous on est partis.

03 janvier 2008

Métro

Ici, il y a un métro.
Bon, il n'y a qu'une seule ligne. Mais c'est mieux que rien.
Quand on prend le métro, on est à la montagne en une demi-heure. Pas de la montagne où on skie (pour skier c'est plus haut et on ne skie pas, ici, on peut faire de la luge, en se cachant c'est interdit je crois).
Il y a dans une ville voisine un parc avec un terrain de cross. Nous y avons donc été en métro (avec vélos).
Et là j'ai une question.
Est-ce que les gens parlent dans le métro à Paris? (Il ne me semble pas mais bon).
(L'Ours, interrogé, me dit : Mais non, ils parlent pas, ils font la gueule).
Et est-ce qu'ils parlent dans le métro à Madrid?
Parce qu'ici, c'est assourdissant. Ils parlent et ils rigolent tout le temps.
Du coup je m'interroge. Impossible de me souvenir pour Paris.
NB : les vélos sont autorisés dans le métro mais pas les chiens. Sauf les chiens d'aveugle. Du coup j'ai appris (et oublié) comment ça se dit en espagnol - si je le relis ça me reviendra. Un mot qui me fait penser à lézard.

31 décembre 2007

Bonne année

Je souhaite une bonne année à tous ceux qui passent, à ceux qui me lisent régulièrement, à ceux qui commentent... et à ceux qui ne commentent pas, mais que j'aimerais bien connaître. Faire la fête c'est toujours sympa quand on en a envie, moi cette année je le fais ultra simple et en famille, après des années de "fêtes" imposées ou semi. Pas de belle-famille, pas de pseudo amis. Les enfants commencent à être grands, et c'est eux ma famille... La seule amie qui me reste, à Paris, va manger une bûche en regardant un film. On est sur la même longeur d'onde.
J'ai croisé aujourd'hui, au sortir des supermarchés remplis de gens, des personnes chargeant des voitures avec musique, boissons, costumes suspendus dans la voiture, repas... Je me souviens de fêtes énormes, dans lesquelles j'étais toujours un peu dépassée, où j'allais parce que je ne savais pas où aller... Aucune ne me paraissait appropriée, mais il y a des invitations socialement difficiles à refuser : non, je ne viens pas, je préfère passer le 31 seule chez moi... je n'osais pas, et j'avais peur d'être prise d'angoisse, alors je sortais. J'étais quand même prise d'angoisse, parce que je m'angoissais de ne pas m'amuser.
Après il y a eu les trucs entre français à l'étranger, plutôt mieux organisés, mais aussi décevants, sortes de concours sociaux. Etre invité chez les Untels, c'est mieux que chez les Trucs, et chez les Choses c'est le summum. En plus, pas moyen d'aller dormir tôt (du coup je vais squatter des lits au hasard des chambres, pour dormir, personne ne s'en rend compte sauf l'Ours qui me cherche dès que je disparais, il me connaît, il a honte que je dorme à deux heures, alors qu'il a tout autant envie que moi de rentrer, mais "ça ne se fait pas").
Je ne sais pas si tout le monde le fait en France, mais le truc kitch, marrant mais chiant en même temps, c'est le petit paquet, vous savez, confettis et trompettes, et à minuit tout le monde souffle et lance des confettis. Est-ce que je ne fréquentais que des gens bizarres, ou tout le monde fait ça? Après, c'est la valse des SMS. Dans ces fêtes, je suis trop triste pour boire beaucoup, donc je vois tous ceux qui sont un peu trop pompettes et vacillent et envoient des SMS ou soufflent dans les trompettes ; chez certains, très terroirs, il y a quelques montrages de zizis, et quelqu'un vient me voir en espérant que je ne suis pas choquée - j'ai une tête à être choquée par les zizis, faut croire. Je ne suis pas choquée mais angoissée parce que je ne trouve cela ni drôle, ni approprié, ni opportun. Il m'est arrivé de rire devant le spectacle pitoyable d'homme éméchés faisant des strip -tease, mais c'est un rire amer et je n'arrive jamais à trouver ça drôle, comme me le disait une amie, "tu ne te lâches jamais", je ne sais pas si je me lâche, mais pas le 31 devant Machin qui montre son zizi, je suis sûre en plus que mon air absent gâche la fête de certains. Je ne me comprends pas, je ne porte pas de jugement négatif sur ceux qui s'amusent, j'aimerais m'amuser aussi.
C'est mon côté pimbêche. Irrémédiablement, je ne peux pas faire autrement.
En revanche, quand je vois The Party, je hurle de rire. J'ai même mal au ventre à la fin. Là non plus je ne sais pas pourquoi, je ne me dis pas, tiens, je vais rire.
J'aime bien les blagues trash. Ah, j'en ai fait une hier. Il y a ici des pères Noël qui grimpent sur des échelles de cordes, des rois mages aussi, sur des échelles de cordes, à la queue leu leu, parfois les rois mages sont suivis de Père Noël.
Je dis à mon fils aîné : C'est marrant, hein. Les Espagnols ont des âmes d'enfants.
Fils Aîné : Ben, on n'est plus en....(le pays d'avant).
Moi : Non. Remarque, ils pourraient mettre des petits moutons en peluche aux portes.
Fils Aîné (il est en phase Lapins Crétins) : Oui, la gorge tranchée.
Moi : Oui, avec des jets de sangs clignotants.
Bon. Ouais, c'est moyen. Mais ça me fait rire (désolée).

29 décembre 2007

la poesia es una arma cargada de futuro : Andaluces de Jaen

J'adore cette chanson, sous toutes ses formes, et pas seulement Paco Ibanez (bien que j'adore aussi Paco Ibanez).

Un lien Paco Ibanez, qui explique au débuit que depuis le temps qu'il chante on lui envoie de l'huile, il n'est pas sûr qu'elle soit bien de Jaen, mais il continue de la chanter, les spectateurs comprendront pourquoi. Ensuite, j'adore la façon dont le public la chante, même si on perd un peu de vue la chanson, et Paco Ibanez.
Un lien pour la chanson chanté par quelqu'un d'autre, avec une guitare comme j'aime derrière.
Paco Ibanez otra vez, enregistrement plus classique, son un peu pourri, ou c'est moi.

la chanson :
Andaluces de Jaén,
a ceituneros altivos,
decidme en el alma:¿quién,
quién levantó los olivos?
Andaluces de Jaén,
a ndaluces de Jaén.

No los levantó la nada
ni el dinero, ni el señor,
s ino la tierra callada,
e l trabajo y el sudor.
Unidos al agua pura
y a los planetas unidos,
los tres dieron la hermosura
de los troncos retorcidos.
Andaluces de Jaén.

Andaluces de Jaén,
a ceituneros altivos,
d ecidme en el alma: ¿de quién,
de quién son esos olivos?
Andaluces de Jaén,
a ndaluces de Jaén.

¡Cuántos siglos de aceituna,
los pies y las manos presos,
sol a sol y luna a luna
pesan sobre vuestros huesos!
Jaén levántate brava
sobre tus piedras lunares,
no vayas a ser esclava
con todos tus olivares.
Andaluces de Jaén.

Andaluces de Jaén,
aceituneros altivos,
decidme en el alma: ¿de quién
d e quién son esos olivos?
Andaluces de Jaén,
andaluces de Jaén.

Miguel Hernández


Le poème entier :
Andaluces de Jaen,
aceituneros altivos,
decidme en el alma:
Quien, quien levanto los olivos?
No los levanto la nada,
ni el dinero, ni el señor,
sino la tierra callada,
el trabajo y el sudor.

Unidos al agua pura
y a los planetas unidos,
los tres dieron la hermosura
de los troncos retorcidos.
Levantate, olivo cano,
dijeron al pie del viento.
Y el olivo alzo una mano
poderosa de cimiento.

Andaluces de Jaen, aceituneros
altivos, decidme en el alma:
Quien, amamanto los olivos?
Vuestra sangre, vuestra vida,
no la del explotador
que se enriquecio en la herida
generosa del sudor.
No la del terrateniente
que os sepulto en la pobreza,
que os pisoteo la frente,
que os redujo la cabeza.
Arboles que vuestro afan
consagro al centro del día
eran principio de un pan
que solo el otro comía.

Cuantos siglos de aceituna,
los pies y las manos presos,
sol a sol y luna a luna,
pesan sobre vuestros huesos!
Andaluces de Jaen, aceituneros
altivos, pregunta mi alma:
de quién, de quién son estos olivos?
Jaen, levantate brava
sobre tus piedras lunares,
no vayas a ser esclava
con todos tus olivares.
Dentro de la claridad del aceite
y sus aromas, indican tu libertad
la libertad de tus lomas.

24 décembre 2007

Joyeux Noël

Joyeux Noël à tous !
Je suis d'excellente humeur ; pour des raisons diverses, nous avons déjà fêté Noël. Nous recommençons chez des amis ce soir. Ce sont des Noëls assez originaux, peu typiques mais on s'en fout.
Une amie qui m'a appelé hier m'a remonté le moral, involontairement. Comme je lui parlais de la dichotomie affreuse de la blogosphère, soit anti-Sarko (Sarko = Hitler = Pétain ), soit-pro Sarko (Sarko = ah enfin un qui va nous sortir du marasme, alors qu'on attend toujours de voir ce qu'il fait, à part des rodomontades), elle m'a fait ramarquer qu'il en allait de même, il y a longtemps, avec Mitterrand, un Dieu pour certains et un Démon né pour détruire la France pour d'autres (je me souviens même de la mère d'une amie, d'extrême droite, qui m'avait sorti une théorie abracadabrante comme quoi Mitterand était un envoyé des Forces Obscures parce qu'il avait tout fait pour que la pyramide du Louvre ait 666 pièces - ou c'était un copain, qui m'avait dit ça, je ne sais plus).
Mon amie m'a dit, désabusée : "Bouah, tu sais, c'est toujours la même chose, avant c'était Mitterand, maintenant c'est Sarkozy".
Je me suis sentie mieux, c'est bizarre : j'ai vu tout d'un coup ce grand chambard un peu hystérique qui mélange tout : critiquons les options de Sarko (enfin pas moi parce que la politique m'emmerde) mais ni lui ni son parti ni ses partisans n'ont inventé la magouille, la concussion, la malhonnêteté et l'arrivisme.
Si l'autre fofolle avait été élue, nous aurions d'autres affaires, mais rien de mieux, peut-être pas la fête au fric et aux financiers, mais la fête aux faux-cul, aux menteurs, et aux donneurs de leçons qui s'en foutent plein les poches par derrière en regardant ailleurs.
Octave n'était pas sympathique du tout ; mais les Romains ont eu ce qu'ils méritaient ; probablement nous l'aurons aussi ; pour le même raison. C'est de la faute de tout le monde, moi y compris, je devrais me battre et je ne me bats pas, personne ne se bat, notre civilisation se termine.
Les Démocraties finissent en Principats.
Oui, c'est pas gai, mais bon. C'est pas triste non plus.
Joyeux Noël.

20 décembre 2007

le temps passe

Eh oui et moi je ne fais rien parce que j'ai trop de trucs qui se bousculent.
En général, fin novembre (donc là on est bien fin novembre, non?) je passais aux élèves de troisième Nuit et Brouillard.
Nous (les vieux) avons été bercés de reportages, films, romans sur le thème mais il ne semble plus être très à la mode. En France je ne sais pas ; mais dans les pays arabes pas trop.
Voilà les liens. Si vous êtes dans une période de tristesse, ne regardez pas. En revanche, si un jour vous êtes en super forme et que vous vouliez vous mettre à broyez du noir, passez directment à la seconde partie.
Ce film a toujours rendue les classes muettes ; au début ils se taisent, après avoir constaté avec dépit que c'est souvent en N&B. Puis ils regardent, accrochent doucement. La première partie les accroche, la deuxième les saisit et dans les dix dernières minutes, pendant lesquelles je quitte la salle, pour pouvoir ressurgir en toute dignité et pas en larmes à la fin, les mêmes soupirs, les mêmes cris, tous les ans. Ils réagissent tous de la même façon, les yeux fixés sur l'écran, le visage exprimant la stupéfaction et l'horreur.
Au début je les préviens que je ne parlerai pas après, parce que je ne pourrais pas ; pourquoi, madame, ne pourrez-vous pas? parce que je ne pourrais pas, c'est tout. Je vous passe ce film pour ne pas avoir à vous faire le cours, car il est plus efficace que tout ce que je pourrais dire. Tout est vrai, et souvenez-vous que seule une vraie démocratie peut nous préserver de ce que l'homme peut faire subir à l'homme. Je vous le dis depuis le début, mais maintenant vous allez voir. Et encore, même en démocratie, il faut être prudent, les Allemands avaient une démocratie jeune (bon, plutôt mal née) mais elle a vite dérapé.
Première partie.


Deuxième partie.

17 décembre 2007

L'étoile de ceux qui ne sont pas nés

Un roman de Franz Werfel.

Je ne sais pourquoi, quelque chose de douceâtre et d'écoeurant dans la vie politique actuelle me ramène toujours au dégoût que j'ai ressenti à la chute de l'Etoile de ceux qui ne sont pas nés. Un roman de Sf pas comme les autres, écrit par un ami de Thomas Mann et Hermann Hesse, avec cette ambiance surranée, très viennoise, molle, mourante, comme dans Le jeu des perles deVerres (et puis un génie du titre, pour les deux, non?).
Il n'est probablement pas indifférent que l'un traite d'une société parfaite qui a horriblement résolu le problème de la mort (L'étoile de ceux qui ne sont pas nés). L'autre traite de l'impuissance de la culture (Le Jeu des Perles de Verre).
Je suggère la lecture de ces deux livres, si vous vous sentez gais, par exemple, et que vous souhaitiez vous sentir tristes. Mais surtout Franz Werfel, qui gagne à être connu.

Bon, pour rigoler, hein, et pour Dja, desfois qu'elle vienne ici, un petit coup de Mafalda.


C'est un peu la même idée, mais en mieux.
Il y a un blog Mafalda en français.
Il y a aussi un site en espagnol.