31 octobre 2007

Souvenirs

Souvenirs. La nostalgie est un truc bizarre. Les jeunes filles voilées me manquent. Je n'ignore pas tout ce que le voile signifie, mais je trouve aussi que l'on se prend la tête pour le mauvais truc. Quand on montre la lune, l'imbécile regarde le doigt. Le voile est la partie émergée d'un iceberg et on se demande pourquoi seul ce petit morceau de vêtement fait crier. Tout ce qu'il y a derrière le voile (une société intolérante, où la femme est peu respectée), on peut très bien l'avoir sans le voile (et même sans islam). Il n'est par ailleurs pas du tout certains que ces deux jeunes filles, que je ne connais pas du tout, soit les plus malheureuses, ni les plus heureuses. Si l'on veut (à supposer que ce soit le cas, et pas juste pousser des cris) résoudre des problèmes, alors ne nous attaquons pas au voile, mais à l'éducation des femmes, à la démocratisation, etc. Le voile tombera, ou pas, et ce petit morceau de vêtement pourra alors avoir tout son charme, et perdre son rôle exaspérant de symbole.



30 octobre 2007

Repas

Lorsque j’étais plus jeune, j’étais organisée avec indifférence et je faisais toujours les corvées à la dernière minute. Par exemple, mettre la table, ce que j’avais rarement à faire vu les horaires de mon mari ; et quand je la mets pour les enfants, c’est au pas de course.

Depuis qu’ils sont plus grands c’est différent. Ils mangent vraiment des repas et en observant une amie j’ai redécouvert l’eau tiède : à savoir que lorsqu’une famille mange ensemble, cela peut être un bon moment familial, un bon moment passé ensemble : si tout le monde aime le repas, si tout le monde s’amuse, c’est vraiment important. Mon amie était prof et pas catho : j’ai des amis cathos qui m’avaient parlé du repas, moment de partage, mais ils m’énervaient. Chez ma copine, j’ai réalisé que c’était du vécu. Avec une grande patience, elle faisait participer sa fille à la confection de certains plats, ou de certaines parties du plat. Mes enfants m’ont parlé de repas chez certains copains, où « on se poile trop » - pourquoi on se marre pas chez nous ? (Parce que les repas stressent maman) Dans ma belle-famille aussi le repas est un moment ; en fait, ils ne font que manger, devant le journal de la 1 ; et entre deux ils meublent, vaquent vaguement, font la vaisselle, la sieste, les courses, en vue du deuxième moment de la journée : le repas du soir. Ils sont tous gros, stupides, avec des maladies cardio-vasculaires, un diabétique, etc. Je les déteste.

Mais tout de même j’ai redécouvert l’importance du repas. J’ai redécouvert que c’est bien de mettre la table avant : cela donne l’impression que le repas est attendu. Pourtant je n’ai pas. Cela fait femme au foyer. J’ai horreur. C’est épidermique. J’y suis allée par étapes : avant, je ne mettais que les assiettes. Mon mari me lançait : on mange avec les doigts, aujourd’hui ? Maintenant je mets les couverts en plus, et les verres au dernier moment. Enfant, je mettais la table complètement, jusqu'au sel, et au beurre, et à la cruche d’eau.

Mon mari fait la cuisine aussi ; mieux que moi. Nous avons chacun nos spécialités ; il met le couvert, prépare les apéritifs, avec une dextérité que je n’ose imiter parce que cela fait femme qui s’occupe de sa famille, je sais, je suis une femme, j’ai une famille, mais il y a des images qui ne passent pas. Je sais par expérience qu’il fait une excellente maîtresse de maison (repassage inclus … ) quand il a le temps.

N’empêche, mon cœur se serre quand on passe à table. Il faut le faire : tout le monde a besoin de manger, je n’ai pas beaucoup fait la cuisine depuis cinq ans… et en plus j’aime assez cuisiner. Mais ces images ne passent pas. Je me sens autre, pas moi, prisonnière.

Entre deux repas classiques (ce soir : poulet sauce suprême, la version volaille de la blanquette de veau, un truc qui jette mais qui est super-simple), j’intercale des grèves (il prépare les repas) ou des apéritifs dînatoires ; hier il a fait des bruchettes ou bruschettas.

Après le repas il fait la vaisselle. Ou il la fait faire à ses fils. Je ne me plains pas (je précise).

Mais j’ai du mal tout de même. Quelque chose qui serre dans le ventre.

27 octobre 2007

Pluie

Aujourd'hui, je sors pour faire des courses. Arrivée au rez-de-chaussée, surprise : il pleut. Chouette! Cela fait six mois que je suis en robe d'été (sauf, bien sûr, lors de mes vacances en France). Je remonte fissa, troque ma robe contre un pantalon noir, mode, un top bariolé et une veste bleue en skai imitation croco, des chaussures noires à noeuds et zou je redescends.
Eh bien il ne pleut déjà plus.
Lassants, ces pays où il fait toujours beau.

26 octobre 2007

Paris

Cet été, j'ai pris des photos de Paris. Je vais les mettre en ligne peu à peu.
Il a été très difficile de faire des photos. Photographier ce qui me plaît et me touche, c'est dur. Je prends la photo, bon, ça fait souvenir, mais elle perd son sens. J'ai réalisé à cette occasion que je ne sais pas ce qui, pour moi, est Paris, c'est-à-dire, quel doit être l'objet de ma photo. Certains objets anodins me plaisent, mais je ne songe pas à les photographier. Je ne suis donc pas contente de mes photos. Mais elles correspondent à quelque chose néanmoins.

Zut

Je suis tellement en colère contre moi que j'ai la pêche. Je dois arrêter de me plaindre. La vérité c'est que c'est toujours comme ça, je devrais m'y être habituée : je ne suis jamais contente. Quand je suis à la montagne, je fantasme sur la mer; seule, je veux être entourée; entourée, j'aspire à la solitude; forcément, mécaniquement, ça coince.
C'est un état d'esprit que je connais bien, c'est le mien de puis toujours.
D'accord, il y a des moments difficiles, mais au global j'en ai retiré plein de choses. Certes, je n'ai pas eu la vie que je voulais - vous savez pourquoi? Parce que je n'en ai eu qu'une, et que je suis paresseuse, en plus, alors que j'en voudrais dix. Une confession : enfant, et même jusqu'à mes vingt ans, dotée d'un sens des réalités absolu, je voulais être Arsène Lupin; chercheur au CNRS (en physique ou chimie; alors que je suis nulle en maths, en science et que j'ai un bac littéraire); parler trois langues; être actrice (alors que je suis timide, sauf depuis que je suis prof); entraîneuse dans un bar; danseuse de cabaret (je ne sais pas danser, et n'ai jamais fait le geste de prendre des cours). Avec tout ça, à la fin je rentre chez moi, je me dis que je suis nulle et je passe trois heures à bouquiner, et encore deux heures au tél avec une copine (maintenant je ne téléphone plus mais je lis toujours).
Je dois faire un effort pour apprécier les moments que je vis; pas mes fantasmes; ni ceux que je regrette; ni ceux que j'espère : sinon c'est la voie ouverte au désespoir.
En outre, actuellement, j'ai beaucoup de temps, et je fais quelque chose que j'ai toujours fait, voulu faire, même si parfois j'ai arrêté ou recommencé : j'écris. C'est plutôt contemplatif; et j'ai besoin d'être seule. Du coup, je m'enivre de ma propre tristesse, comme les enfants que l'on gronde et qui pleurent et encore plus de se voir pleurer et finissent par être hors d'état, hystériques (mes enfants n'étaient pas comme ça; moi, si).
Si le boulot que je guigne me tombe dans les bras comme je le crois, dans deux mois je serai une active woman qui court partout avec sa petite voiture et son portable (une vie que je n'ai pas encore eue). Sinon, j'aurais de toute façon du temps pour écrire.
Voilà; je me redresse. Je respire. J'analyse les faits avec lucidité. Je me dis parfois que je fais ou commence peut-être une dépression; mais je ne pense pas; très peu d'activité me redonne la pêche, je ne crois pas que ce serait le cas si j'en avais une.
J'ai le spleen. Mais j'ai pas que ça à foutre, d'avoir le spleen. Je me trouve dans une situation exceptionnelle : j'écris comme jamais, à croire que j'ai trouvé la méthode. Je ne sais pas ce que cela donnera : pour l'instant j'écris. J'ai déjà essayé de me dire que j'allais renoncer à l'écriture, parce que j'écris est trop mauvais. Mais ça n'est pas une solution. C'est comme si je renonçais à manger. Ou comme si je décidais de ne me nourrir que de soupe. C'est faisable, mais le manque est immense. Alors j'écris. Je ne suis pas contente de moi; en fait, j'ai décidé il y a deux ans de ne pas attendre d'être satisfaite de ce que j'écris. Ma satisfaction, c'est le but. Je ne sais pas où il est. Mais il me faut me mettre en route, malgré les obstacles. Je travaille minutieusement, laborieusement. Il me semble avoir un château à construire, avec une petite cuillère et un baton. Je n'aime pas cela. Je voudrais faire autre chose. Mais dès que je fais autre chose un regret amer me lancine. Je fais monter en neigne des émotions et des idées qui balaient mon esprit jusqu'à la nausée : mais il faut. Je suis irritée d'émotions comme une peau qu'on a frotté; mais il faut.
Je n'ai pas le temps de pleurer, pas d'être malheureuse, en plus je dois faire le ménage et préparer les repas. Le soleil brille, je lis des blogs sympas, je fais quelque chose que j'aime, même si c'est dur.
Hop.

25 octobre 2007

Difficulté d'être

Est-ce qu'on peut remplacer une vie qu'on n'a pas eu par le récit et le fantasme de celle-ci? Je n'ai pas eu ma vie, celle que j'aurais voulu, mais je ne sais pas pourquoi. Comme si tout avait déraillé il y a longtemps, mais je ne sais pas pourquoi.
Ou peut-être que je rêve trop; je ne sais pas m'en empêcher; mon esprit va tout seul.
Exemple : Une terrasse, un jardin au delà, pas large, un jardin de banlieue ou de petite ville balnéaire; le jardin est limité par une haie verte et quelques arbres.
Un peu de vent, un air frais; c'est le matin. Sur la table en bois qui boîte, on amène des bols, les couverts, le pain, le lait, puis les confitures, la cafetière; une odeur de pain grillé sort de la cuisine toute proche. Quelqu'un crie qu'il faut ramener le pain, les croissants réchauffés au four et le miel.
Un arbre se penche au dessus de la table; des vasques de fleurs suggèrent la limite de la terrasse; un enfant vagabond glisse dedans; cris et rires.
Je n'ai jamais vécu un tel moment; je l'ai peut-être vu dans un film, peu importe lequel. Des moments réels, dans ma belle-famille, que je n'aime pas, ou chez la femme de mon père, que je voudrais bien aimer plus, m'ont fait vivre des matins similaires, mais pas identiques.
Mais je rêve de l'avoir vécu. Je rêve d'avoir été intégré au groupe doux et confus qui le vit. Ils auraient, quelques qu'ils soient, été ma famille, plus ouverte et agréable que la réelle, toute confite, étroite et refermée.
Je suis amère de ma vie, peuplée d'êtres détestables. Une famille sèche, une belle famille écoeurante, des amies qui s'évanouissent, mon coeur qui se dessèche - est-ce que je peux remplacer cela par le récit de rêves?
C'est peut-être le moment pour moi de regarder partition inachevée pour piano mécanique.

23 octobre 2007

Ado

Fils Aîné a du réviser avec moi ce week end un contrôle d'histoire et apprendre la conjugaison anglaise, qui, tous les deux jours, s'effondre dans son esprit comme un paquet de linge sale.
Je le sais, tout ce qui est grammatical n'a qu'une prise limitée sur son cerveau; il est au bord de la dyslexie. Il raisonne en maths, il raisonne en science, mais retenir la forme négative de I work, il ne peut pas.
J'aime mon fils; il y a treize ans, c'était un adorable petit bébé rose et plein de boutons, le pauvre, c'était mon Titou. Je me réveillais la nuit pour l'empêcher de se gratter. Je lui ai fait et je lui fais toujours des bisous pour lui dire que je l'aime. Il avait d'adorables petits pieds roses dont j'embrassais la palnte en lui disant des trucs gentils.
Mais voilà. Samantdi a écrit un texte auquel je ne peux hélas que souscrire. Maitenant il a des pieds immenses, avec des ongles longs et sales; je dois me battre pour qu'il se lave; il a mauvaise haleine. Il ne parle que de prouts et de rots. C'est affreux. Je lui ai lu des poèmes de Victor Hugo et de Baudelaire, pourtant. Bon, il a des bons côtés, mais sous une couche de crasse et de grossièreté qui m'accablent totalement. D'où ça vient? A quel moment j'ai loupé le coche?
D'un autre côté, il m'embrasse tous les soirs sur le bras ou l'épaules en me disant "ma maman chérie". C'est de la manipulation. J'enrage.
Récit, écourté, de mon samedi.

Fils Aîné se lève à dix heures; et m'informe qu'il ne se sent pas l'envie de travailler dès le matin. Il se trouve que j'ai hélas l'expérience de mon fils et que je sais que, hélas encore, la compréhension ne sert à rien. Quand il se lève comme ça, lui dire que pas de problème, je comprends, eh bien tu n'as jouer une heure à la PS2 et après tu travailleras, eh bien, cela ne fait que repousser le problème. Je le sais pour avoir déjà essayé. Donc, je ne le fais plus. Je rassemble mes forces pour jouer le rôle de la mère chiante : un rôle que j'adore. Je maintiens fermement : non, tu vas travailler dès maintenant, comme ça tu auras fini plus tôt.
- Mais je ne sais pas quoi faire, dit-il. Je n'ai rien à faire. J'ai fait tous mes devoirs.
- Tu ne sais pas par coeur le cours d'histoire. On avait dit que tu apprendrais par coeur ou à peu près tout le cours pour faire les résumés.
- Je parle même pas espagnol.
- On avait dit en Français.
- Plus tard.
- Non, maintenant. Et puis l'anglais. Tu vas avoir un contrôle.
- C'est un contrôle oral. Je peux rien apprendre.
- Et le contrôle écrit?
- C'est dans un mois. Je vais pas réviser maintenant.
- réviser? Réviser? Mets-moi le verbe to work au présent progressif.
- Je ne sais pas. Je l'ai jamais appris.
- S'il te plait, cela fait trois ans que tu fais de l'anglais.
- Eh bien je sais pas quand même.
- Si, tu sais.
- Non.
- Bon, dans ce cas-là tu vois bien qu'il ne s'agit pas de révision. Tu dois apprendre.
- J'ai mal à la tête. je veux jouer à la Play.
- Moi je ne veux pas. Lève -toi et va travailler.
- Non.
(Il était allongé sur son lit)
Au bout d'un moment (une demi-heure)
- Lève-toi et habille-toi.
- Je peux pas.
- Pourquoi?
- Tu veux pas.
- Hein?
- Tu veux que je travaille.
- Je suis désolée, je ne comprends pas.
- Tu m'as pas dit de m'habiller, tu m'as dit de travailler.
- ..........
- Si, c'est vrai. Si tu m'avais dit de m'habiller, je me serai habillé.
- Habille-toi et va travailler.

Bon, je crois que c'est suffisant. Nous avons eu ce genre de dialogue pendant environ deux heures, jusqu'à midi. A midi il s'est mis à son bureau et a commencé à travailler avec une atroce mauvaise volonté. Vers midi quarante cinq, comme le soleil, sa bonne volonté est apparue. Ses demandes d'aides sont devenues pertinentes, il a appris son anglais et son histoire en environ une heure et demie.

Je ne comprends pas pourquoi il ne s'y met pas tout de suite. Sûrement une façon de chercher à s'affirmer. Si au moins il travaillait quand on le lâche! Je ne serais pas sur son dos; mais j'ai déjà essayé : il ne fout rien si je ne le harcèle pas.

Je pourrais le lâcher et m'en moquer. Mais je ne veux pas. Je ne lui demande pas d'être le premier de la classe, mais d'apprendre à l'école, un minimum. En plus, je ne veux pas qu'il redouble : désolé, mais l'école privée c'est cher. Je ne peux pas tout lâcher : je veux qu'il exploite un minimum de ses capacités; souvent, je souhaite qu'il soit majeur et que je puisse me dire : je suis libérée de la contrainte de le harceler.

Ce qui est affreux, c'est que moi ça me détruit, mais pas lui : une heure après, alors que j'angoisse de cette matinée à se disputer, il est de nouveau le petit garçon affectueux que je connais. Quand je lui dis : mais pourquoi m'obliges-tu à crier et à m'énerver? Il me dit : "Ah, ça? Pfff" Il a déjà oublié, ou on dirait qu'il l'a oublié, et ce qui l'agace, c'est que je lui en reparle.

Ces conversations folles que j'ai avec lui me rendent folle, vraiment. Il m'arrive de lui dire : "tu fais tout pour me forcer à m'énerver, mais je ne me mettrais pas en colère". Et je vois juste après dans son regard que non, il ne le fait pas exprès pour me mettre en colère, et c'est moi qui l'ai blessé en lui prêtant des intentions mauvaises qu'il n'a pas.

Je dois apprendre à ne pas me laisser envahir par un sentiment d'angoisse et de désespoir dans de tels moments. Je dois y réfléchir. D'où vient ce sentiment? Je suppose que ses refus me mettent dans une position d'échec. Je ne peux pas m'empêcher, en quelques secondes, d'imaginer un avenir terrible; c'est une projection d'angoisse, mais elle a quelque caractères de réalité. Ensuite je suis prisonnière de l'angoisse. Y penser, pour la prochaine fois.
Je sais. Je vais me préparer un livre à lire pour ces moments. Cela me permettra de sortir de ces angoisses qu'il déchaîne en moi.

Je rappelle que j'ai un autre enfant; avec lui tout est zen. Il fait ses devoirs sérieusement, avec quelques clowneries au milieu; mais jamais il ne se bloque dans des refus : il fait ses devoirs, sans excès de travail, ce que je trouve très bien; recommence s'il a mal écrit, en râlant un peu; puis termine, et va jouer ou lire. Tout coule, tout est fluide.
Mais avec l'aîné, tout peut déraper.

J'essaie de positiver tout ce qui va bien. Il a eu le contrôle, lundi; me l'a raconté; et je l'ai félicité de ses réponses, parce qu'il a vraiment essayé de bien faire.
En fait, il faut que je tienne quand il ne veut pas travailler: parce que je sais que sinon, il ne travaillera pas. Je le sais pour avoir essayé. Mais après, dans notre bras de fer, je dois rester au dessus du débat, et ne pas être atteinte par ses tentatives de déstabilisation; au contraire : il a besoin de ma fermeté, pas de ma colère.
A retenir. Pas facile.

18 octobre 2007

Installation, suite

Hier, Fils Aîné, de retour de l'école, m'a informé de ce qu'il parlait maintenant avec des camarades, selon les voeux de sa coordinadora, et il souhaite même les retrouver vers six heures le soir pour aller faire du vélo.
Petit Garçon parle aussi avec ses camarades. L'autre jour, il m'a fait la remarque suivante : "Ze sais pas comment ze fais, ze parle même pas espagnol et ze bavarde dézà avec Juan Antonio". Trop fort, non?
Ouf; un poids commence à m'être ôté; sept ans dans le pays précédent avaient créé des liens; ils connaissaient toute l'école (forcément, vu la taille : 150 en primaire, un peu moins au collège), ils étaient comme des poissons dans l'eau; un peu trop : l'un de mes collègues parlait de "Club med" à propos de l'école.
Quant à moi, je cire des meubles depuis plusieurs jours, et, bien que j'ai des mains rougeâtres, j'en suis assez satisfaite - voire très, mais je me sens d'humeur critique en ce moment. En effet, nous avions fait faire ces meubles chez des menuisiers divers, du coin de la rue (de plusieurs rues), parce que j'ai passé mes 11 premières années d'expatriation à vivre dans des meublés, sous prétexte de voyager léger et de n'être attachée à rien (sauf mes livres); j'ai eu succesivement un canapé à grosses fleurs roses et bleues, un canapé à fleurs vert, marron et jaune, nuance pisseux, et, la grande classe, un canapé bleu roi avec des angelots et des torsades dorées, façon Second Empire, revu dans le style arabe; en table : une table genre conforama bas de gamme, en aggloméré, avec les plaques qui se décollent; une table genre meuble en pin suédois avec une plaque de verre dessus (pas trop mal, mais je déteste les plaques de verres), et une table hexagonale toute petite, genre moderne/design/restau qui se la joue/rose cendré/ pas pratique. Après quoi j'ai jeté l'éponge, dessiné des meubles hyper simple etdemandé à des menuisiers de les faire.
L'ensemble est pas mal, sauf les détails; par exemple, le plateau de ma table de salle à manger, que je voulais exactement aligné avec les pieds, sans rebord, a légèrement diminué de volume et il est donc à trois millimètres en retrait par rapport aux pieds. Bien fait pour moi, je n'avais qu'à dessiner plus classique. Cependant, je suis assez contente : les meubles ont plutôt souffert du voyage : mais un coup de cire teintante, et les voilà de nouveau, non pas comme neuf, mais vivants et dans mon salon. Il y a quelque chose de chaud et de vivant dans les meubles en bois; ils étaient exsangues il y a une semaine, ils frétillent maintenant dans mon salon et me remontent le moral.
Demain, entretien d'embauche... j'en ai déjà eu un, pour une autre boîte, dans l'humanitaire, mais avec des conditions de travail, surtout horaires, prohibitives : si, encore, les enfants étaient adaptés! celui-là semble plus classique; s'ils me prennent, c'est une chance pour moi : c'est un poste en entreprise, et mon CV ne les a pas refroidi (au contraire). J'ai rédigé une lettre de motivation assez désinvolte où j'expliquais le lien entre prof et leur poste; c'était plutôt tiré par les cheveux, mais je n'arrivais pas à me concentrer, je l'ai vité rédigée, j'ai demandé à mon mari si ça allait, il m'a dit pfff, de toute façon ils les lisent à peine, et quand je les ai rappelé ils se souvenaient de moi. Les horaires ont l'air lourds (mais moins affreux que les autres). Selon l'Ours, ils doivent être attirés par mon niveau d'étude, mon espagnol (les espagnols que je rencontre me disent très gentiment que mon espagnol est estupendo, surtout que j'ai l'accent du sud de l'Espagne, ce qui apparemment les fait marrer, muy gracioso, mais il me semble passer mon temps à bafouiller ou articuler - comment prononcer ejercito, merde?), ma vie errante (pour une fois que ça sert), mon goût pour la nourriture (pléonasme, je suis gourmande comme tout, mais épicurienne - en fait c'est ce que m'a dit la dame "épicurienne" - elle ne connaît pas le sens littéral, parce que je suis épicurienne, mais au sens propre, pas galvaudé - mais je ne lui ferais pas de cours, promis, promis, sinon elle va se sentir critiquée et puis la doctrine d'Epicure va à l'encontre de l'utilisation moderne du mot, alors si elle veut que j'aime bouffer, ce que j'aime d'ailleurs, mais intelligemment, je vais aimer ça!) - et c'est tout. C'est bien, parce que j'ai pas grand chose d'autre à proposer. Enfin, j'ai déjà bossé en entreprise, mais c'était, mon Dieu, il y a - oh.
Je crois qu'elle a aimé aussi que je lui dise que je veux une vie professionnelle stimulante.
Moyennant quoi, je suis donc angoissée d'être prise (les horaires, et puis c'est loin) et angoissée de ne pas l'être (qu'est-ce que je peux trouver d'autre et de bien?).

16 octobre 2007

Peuples sous occupation interne

Bien que je n'ai pas envie de parler de l'actualité, surtout celle qui déchaîne le sentimentalisme des blogueurs au chaud dans leurs démocraties qu'ils peuvent taxer de dictature pour se faire des frissons et se donner l'impression d'appartenir à l'histoire, voici un lien vers un texte qui exprime, mieux que je ne saurais le faire, ce que je pense à propos de certains pays.

J'ai déjà évoqué, à ma façon, ce thème dans de précédents billets. Mais il est infini. Il ne faut pas craindre d'en parler trop. Même pour moi, de retour au chaud dans une démocratie, c'est une douleur.

Un extrait de ce texte magnifique :

L’occupant interne peut prendre toutes les formes organisationnelles : familles maffieuses comme dans ce pays , parti idéologique comme au Cambodge ou en Corée du Nord , juntes militaires comme en Algérie ou en Birmanie, minorité conduite à sa perte par des hommes sans scrupules comme en Syrie. Partout le régime fonctionne à la manière d’un virus envahissant une cellule .et s’emparant de la machinerie de l’ADN pour se nourrir, se répliquer, diffuser dans le corps, l’affaiblir et finir par le tuer. La machinerie dont s’empare l’occupant interne est celle de l’Etat. La police n’a plus pour fonction de défendre la société contre le crime organisé, mais de défendre le crime organisé contre la société. La Justice est là pour couvrir d’un voile de légalité les exactions de la police. Les libertés individuelles et collectives, surtout la liberté de parole, sont muselées. Les ‘’élections ‘’, quand elles existent, font partie d’un simulacre de démocratie qui ne trompe personne. Tout cela a pour objectif ultime de concentrer le maximum de pouvoir, le plus Longtemps possible dans les mains des occupants pour s’adonner en toute impunité à leur péché mignon : la prédation. Cette dernière n’est pas seulement économique. Elle est aussi morale et symbolique. On ne s’empare pas seulement de l’essentiel de la richesse mais aussi de tous les honneurs, de toute la dignité qui n’est plus une caractéristique intrinsèque de la personne humaine, mais une faveur concédée aux serviteurs et refusée aux traîtres et autres ennemis. On ne sait pas calculer le coût d’un tel régime. On sait simplement qu’il est prohibitif. Le nombre de prisonniers politiques, celui des torturés et des exilés, la quantité d’argent public volé, ne sont que les symptômes aigus de l’infection. Il y a les effets à long terme qui eux passent inaperçus. Les systèmes bancaires, de santé, de justice et d’éducation sont gérés par un mélange de corruption, d’irresponsabilité, et d’incompétence. Ils finissent, en l’absence de toute évaluation et réformes, par tomber en ruines, avec les effets que l’on imagine sur la population et que l’on imagine moins sur les générations futures. Si l’on ajoute à cela le délabrement moral dû à l’atmosphère de peur, d’impuissance et d’indignité générale, on mesure le degré de souffrance endurée. La société occupée commence d’abord par imploser à travers l’augmentation des inégalités, de la criminalité, du suicide, des divorces, de troubles psychiatriques. Puis un jour elle explose comme par un réflexe de survie. C’est le terrorisme à l’Algérienne ou à la Saoudienne, ou bien l’insurrection civile comme aujourd’hui en Birmanie et demain dans de nombreux autres pays occupés.

Moncef Marzouki

13 octobre 2007

Une terrible solitude

Tout va bien, les choses se mettent en place. Comme l'année dernière, mais différemment, les minutes s'écoulent poliment, les unes après les autres, mais chacune est une petite flèche empoisonnée. Toutes blessent, la dernière tue.
Derrière une facade convenable, correcte, une vie ordinaire et même satisfaisante, il n'y a rien et j'en ai marre! Pourquoi les choses ne peuvent-elles pas aller, tout simplement? Comment font les autres? Les autres ont des familles, des amis, des vies sociales. Ma famille est lamentable, et même ceux qui sont à peu près convenables me semblent pourris de névroses. Je n'ai plus d'amis véritables, et puis je passe les gens à ce point au crible de mes mésaventures anciennes que pas un ne peut en réchapper.
Il fut un temps où je crois, j'étais toujours contente de rencontrer de nouvelles personnes. Mes dernières "amitiés "ont été si affreuses que je me méfie de tout, ce qui n'est pas agréable, mais c'est plus fort que moi. Je veux être seule, alors qu'en société je m'amuse toujours, mais les heures qui suivent ces bons moments sont suivies de tels dégoûts que la solitude, avec son amertume, me paraît préférable.
J'ai appris à me méfier des gens disponibles. Si vous arrivez dans un nouvel environnement et qu'une personne est aussitôt disponible pour s'occuper de vous, alors qu'ancienne dans l'environnement, elle devrait être occupée, et n'avoir qu'une fraction de temps à vous consacrer, je trouve cela suspect. Ai-je raison? Mon expérience me montre que oui. Or, j'ai rencontré une telle personne, avec enfants, et je m'inquiète de l'avenir. Pourtant, je sais à quel point les pensées négatives sont néfastes, mais c'est plus fort que moi.
Mon environnement précédent avait pour lui l'ancienneté; il était rempli de mensonges, je n'étais qu'une écorce, mais tout allait très vite, j'étais très occupée et même si ce vide me pesait, mes activités m'emportaient. Aujourd'hui, le vide de ma vie nouvelle éclaire cruellement ma situation. Certes, je réussirai probablement à m'étourdir d'activités, ici aussi, mais qu'est-ce que cela signifie?
Comment font les autres? Pour mon malheur, je ne vois que mensonges partout. De loin, je vois des gens dont la vie me paraît enviable, avec amis, famille, harmonie. Chaque fois qu'il m'est donné de me rapprocher d'eux, je découvre un néant similaire au mien, dont ils ne sont, je crois, pas toujours conscients. Est-ce ceci, la vie humaine?
Il m'arrive de croire en Dieu, de sentir Dieu, comme une chaleur créatrice. Mais pas en ce moment. Je ne l'ai pas assez cultivé, probablement. Je ne sens que le froid, le vide, le néant. Tant pis. Ce petit jeu me fatigue, je me suis assez laissé dire qu'il nous a créé pour que nous nous tournions volontairement vers lui, j'en ai marre, il n'a qu'à faire un geste, ou nous créer moins cons, plus perceptifs - merde. Ou sans libre arbitre, je ne sais pas, mais ces petits jeux intellectuels, marre.
S'il n'y avait pas les enfants. Je' ne suis gaie que pour eux. Je leur fais des sourires, des blagues - j'espère que le néant ne se voit pas trop.
Certes, un déménagement, le changement de pays, tout cela perturbe. Mais le mal est plus profond.

11 octobre 2007

Aujourd'hui

J'aurai voulu avoir quelque chose à dire, pour dire.
J'aurai pu raconter que j'ai emmené mon fils à l'école ce matin.
Que j'ai rendu visite à une dame dont le mari parle beaucoup, et ne se tait que parce que nous sommes plus "baroudeurs" qu'eux, moins aventuriers, mais plus de pays. Expats dans la surenchère.
J'aurais pu raconter que j'ai fait une super sauce tomate la semaine dernière, que je l'ai congelé, et préparé un couscous hier avec, et aujourd'hui des pâtes, excellentes.
Que mon mari n'a pas eu de congé depuis 15 jours - workalcoholic.
Que j'aime être ici, mais l'ailleurs me manque.
Que grâce à Sophie et aux tsunamis, je n'ai plus envie de Valparaiso (et pourtant, le nom!).

Mais cela n'a aucun intérêt. Je sens cependant que je vais me remettre à critiquer (les Français) - un peu de temps, pour avoir du grain à moudre.

La matin, je descends dans l'avenue, longe le parc dont les senteurs poivrées m'enivrent et font commenter mon fils; nous récitons les tables de multiplications; nous marchons doucement en parlant jusqu'à l'école. Parfois l'aîné vient avec nous. Puis je rentre et me prépare le thé.

10 octobre 2007

RAS

Avant, j'étais énervée, j'en avais marre de tout, des gens, du pays, tout.
Je voulais partir, aller n'importe où, surtout en Espagne.
Je suis en Espagne (encore que... ).
Je nage donc dans le bonheur.
Encore que : le bonheur devient vite ennuyeux.
M'ennuie-je? Non.
Mais je n'ai pas grand chose à dire aujourd'hui. Mon Dieu, ça me fait peur.
Avec un peu de chance, ça me passera.
Finalement, j'ai envie d'aller à Valparaiso (rien que le nom!!!) mais : avion + terremoto + tsunami + je suis sûre qu'il y a des cafards (il n'y en a pas dans mon immeuble). Je vais commencer par ne pas bouger, et on verra après.
Suggestion de lecture (ans rapport avec quoique ce soit, ou presque) : Le Poisson Scorpion, Nicolas Bouvier. Langue fine, ciselée, un peu trop, et il s'agit du Sri Lanka.

05 octobre 2007

Erreur de manipulation

A la suite d'une erreur de manipulation j'ai effacé un commentaire de Sophie et ma réponse. Quelle nouille. Je ne peux pas les retrouver, mais je vais essayer de reformuler ma réponse.
Vous êtes européen. Vous vous intéressez aux autres civilisations. Vous êtes une âme sensible. Les malheureux à travers le monde vous touchent. Vous trouvez que c'est affreux. Vous avez de bons sentiments et vous êtes contents de vos bons sentiments.
Vous allez dans un PVD. Dans le monde arabe, par exemple, comme moi. Ou ailleurs. Vous cotoyez des locaux riches, vous bossez avec ou pour eux, en dirigeant des locaux pauvres. Leur pauvreté n'a rien à voir avec elle que vous connaissez. Ils vivent dans des maisons qui sont des cubes de béton sans eau chaude, parfois sans électricité. Leurs enfants vont à l'école à cause du "salaire" que votre entreprise leur verse, si on peut appeler ça un salaire. Ils ne sont pas très dégourdis, pas très travailleurs, pas très honnêtes. Même si vous les comprenez, vous avez du mal avec certaines odeurs, et puis tout mettre sous clefs, ce n'est pas dans vos habitudes, même après la disparition de votre appareil photo, qui vaut un mois, ou un an, de leur salaire(ça dépend de la qualité de votre appareil photo). Les gens qui ne viennent pas au boulot sans prévenir, qui baclent le travail et font perdre une semaine, c'est dur aussi à supporter parce que vous êtes là pour faire tourner le truc, vous, et même si vous avez le de lapeine pour eux, si vous perdrez le job c'est vous qui êtes dans la merde, après, chez vous ou ici. Vous auriez du faire de l'aide humanitaire, peut-être, mais là, c'est trop tard, vous êtes là, vous avez une famille, et faut que la boîte tourne.
Parmi les locaux, certains vous comprennent très bien, et n'ont pas assez de mots méprisants pour qualifier leurs concitoyens : ce sont les riches. Vous êtes mal à l'aise quand ils parlent de leurs employés. Vous avez le respect de l'autre, vous, même et surtout s'il est pauvre et démuni. Les locaux envoient leurs enfants dans des écoles plus chères que celles où vous mettez les votres. Leurs enfants ont la PS1, la PSP 2, la PSP, un lecteur MP3, un lecteur MP4, un Ipod, un téléphone portable de l'année dernière, et celui de cette année, des fringues de marques comme si elles sortaient par magie de l'armoire. Votre fils se sent pauvre à côté : pas facile d'expliquer à votre belle-mère que non, il n'a pas dit merci pour le DVD offert à son anniversaire parce que, euh, maintenant, pour lui, un (1) DVD ce n'est rien. Vous expliquez à votre fils que, primo, vous n'êtes pas millionnaire comme les parents d'Ahmed ou de Flora, et de toute façon le luxe c'est honteux sans la culture. Votre fils s'en moque. Il veut quand même la PSP (ou l'Ipod).
Les locaux vous invitent à des fêtes. Vous buvez du champagne au bord des piscines. Vous commencez à aimer ça. Que nous sommes loin des frites-poulet du resto U (le menu premier prix, avec un yaourt et une pomme). Leurs maisons sont moches, mais on voit que ça a coûté cher. Vous méprisez. Quand vous invitez les locaux chez vous, vos maisons sont belles, avec des meubles esthétiquement pensés, mais on voit que ça n'a pas coûté cher. Ils méprisent aussi.
Vous aimez votre femme de ménage. Elle est bien. Mais un jour elle part, et ne revient pas, avec une paire de lunettes qui vous appartenait. La suivante vient une fois sur trois, et casse un truc par jour. Vous la virez. Vous expliquez à une copine en France que c'est impossible de trouver une femme de ménage et elle vous dit "Te plains pas, tu as une femme de méange!". Vous essauyez de savoir si l'intonation dans sa voix c'était du venin, ou la fatigue, ou un effet d'écho dans le téléphone. Vous ne parlez plus de femme de ménage. La suivante a besoin d'argent parce que son fils est en prison. C'est triste, et en plus son mari la bat. A ce stade, vous commencez à penser avec irritation qu'elle aurait pu mieux choisir son mari, mieux gérer son couple et éduquer ses gosses, m.... Vous culpabilisez. la pauvre. Avec la vie qu'elle a. Vous lui donnez de l'argent, mais la semaine suivante rebelote (sa fille à l'hôpital). Combien a-t-elle d'enfants? Vous dites que non, mais ça fait radin. Vous avez vu sa maison. Vous vous sentez nulle. Vous prenez une autre femme de ménage et vous êtes très désagréable avec elle dès le début. Après, vous reprensez à ce que vous disait Najiba sur sa femme de ménage quand vous êtes arrivée : vous la trouviez odieuse? Maintenant, l'odieuse, c'est vous.
Le joli coeur de la classe, Mohamed, a le dernier Ipod machin truc avec toutes les options comme il faut et votre fils revient à la maison en disant que, de toute façon ,comme la richesse n'est rien sans la culture, et que les petits Africians meurent de faim et pas nous, il va continuer d'écouter sa musique sur le lecteur cd du jurassique que vous lui avez fourgué. Oui, affrimez-vous avec fermeté. On est pauvre, lui criez-vous. Je sais, dit-il avec froideur. Vous ne vous sentez pas super nette. Pauvre, avez-vous dit : manque de décence si l'on pense à la femme de ménage.


J'arrête parce que je n'ai plus le temps.
La solution, au moins provisoire, à tout cela, ou du moins ma solution, c'est de partir.
Ma question, à propos de Sophie, c'est : est-ce la même chose en Amérique du Sud en général et au Chili en particulier? La réponse m'intéresse pour mon avenir. Je pourrais bien m'y retrouver un jour.
Les échos que j'ai sur le Brésil sont similaires à ce que je décris.

Ce matin j'étais plus philosophico-poétique, je trouve.
Je vais dire la même chose autrement. Est-ce qu'un Européen de notre genre, éduqué à une bienveillance paternaliste envers les malheureux du monde qui ne sont souvent pour lui qu'une abstraction, peut vivre agréablement dans un PVD avec comme le disait Sophie dans son commentaire, des différences sociales marquées, c'est-à-dire écartelés entre les riches, vers lesquels il est mécaniquement rejetés, par l'école où il met ses enfants, les restaurants où il dine, les magasins dans lesquels il fait ses courses, et les pauvres, tellement pauvres et n'ayant pas grand chose à perdre, et de plus peu éduqués, donc potentiellement dangereux, malheureux, malhonnête (dans notre logique occidentale - c'est-à-dire qu'est-ce que le vol quand on n'a pas grand chose? un transfert de richesse, c'est tout. Une petite parcelle de richesse prise à celui qui en a tant), soumis à des gouvernements tyranniques et injustes et donc peu sensibles à la notion de justice, de correction, d'honnêteté, toutes valeurs qui ne peuvent exister véritablement que dans un système organisé et structuré?
Je ne sais pas si je me fais bien comprendre sur ce point. Si, dans votre quotidien, vous savez que vos droits seront bafoués régulièrement : on va prendre votre place dans la queue parce qu'on connait le chef de bureau; le gouvernement a saisi le compte de la boîte pour laquelle vous avez travaillé depuis trois ans et tout le monde sait bien qu'il ne rendra pas l'argent; le médecin ne soigne pas votre fils parce qu'il s'occupe d'un client riche. Pourquoi, le jour où votre chef laisse trainer son portefeuille, ne le lui prendrez-vous pas? Votre vie, c'est vous qui vous la faites, et dans le système, tout le monde est contre vous. En fait, la vie dans les PVD, c'est Battle Royal, avec de temps un temps une personne bonne qui réussit à se maintenir contre le courant, et le soutien de la famille, l'unité élémentaire.
J'exagère? je ne crois pas.
Une bonne nouvelle, au fait, dans la série, tirons-nous d'ici, enfin de là-bas : Sana a réussi à obtenir un visa pour un boulot ou un stage rémunéré dans sa branche, sur un sujet qui la concerne exactement, super. Du coup j'ai peur pour elle, si ces papiers ne sont pas pile en règle, si elle doit passer par la France, avec ce qui s'y passe en ce moment (elle ne va pas en France, mais dans un pays voisin, mais des gens ont été arrêtés parce qu'ils n'avaient pas leurs papiers alors qu'ils n'allaient pas en France, mais passaient par le territoire : faire du chiffre, si j'ai bien compris).

04 octobre 2007

Valparaiso

Il y a des gens qui habitent Valparaiso, rien que le nom, rien que le nom me fait rêver... Bon, je pense aussi à l'avion.
Pourtant, j'attends avec impatience la suite des récits de Sophie; je veux savoir si, vraiment, des européens comme nous peuvent vivre dans un PVD; plus ça va et plus je doute. Mais je suis peut-être négative; et puis vivre ça ne veux rien dire : vivre un an, vivre deux ans, passe.... Mais dix ans?
En totale contradiction, je suis nostalgique du monde arabe. Les muezzins me manquent; les jeunes filles voilées, gracieuses comme des fleurs, me manquent. Evidemment, il y a aussi des choses qui ne me manquent pas. Mais c'est terrible comme le souvenir embellit les choses.
Ici, j'espérais rapartir à zéro : me retrouver seule, isolée, m'ennuyer et avoir de nouveau envie de rencontrer des gens. Raté. Je connais déjà trois personnes; le téléphone sonne et je dois dire que non, je suis prise. Et ça recommence. Vous savez quoi? Avant, j'avais toujours envie de rencontrer des gens; et cela se sentait; et les gens, inconsciemment, vous fuient quand vous, inconsciemment, vous émettez des signaux désespérés de recherche d'amitiés. J'avais donc du mal à rencontrer des gens (ce qui est une façon de parler; malgré tout ce que j'écris, je suis un pot de miel social : je ne sais pas comment l'expliquer, mais je finis toujours par connaître plein de gens). Je mettais donc trois quatre mois avant d'avoir des copines. Maintenant je fuis; je dis non, je suis désolée; je me plonge férocement dans des livres; je parle à tort et à travers en me disant que je vais dire des conneries et que ça va faire fuir les gens. J'ai l'impression que ça ne marche pas.
Ou alors c'est autre chose : le boulot de l'Ours. Est-ce que c'est ça? Comment le savoir?
En tout cas je suis déjà en train de gérer mes week-ends sur trois semaines. J'en ai déjà marre des ces gens; mais ils ont des enfants et les miens ont un peu besoin de voir du monde. Je sais ce que c'est que d'avoir des parents isolés socialement. Pas de ça.

Installation

En un mois j'ai fait le gros, maintenant je gère au coup par coup.
D'abord inscrire les enfants; le grand est inscrit depuis belle lurette dans une école privée dont il s'avère qu'elle est L'école locale, mais il a fallu aller à la consejeria inscrire le petit; avec le contrat de location; donc signer le contrat de location, faire la queue à la consejeria, inscrire et attendre - par très longtemps, qutre jours après la rentrée du grand, mais Petit Garçon me demande depuis trois mois "elle est où mon école?" tant que nous étions loin, il était facile de tenir, mais sur place ça devenait dur. Il s'avère que son école est à dix minutes à pied, et que, bien que publique, elle est bien. (et dire que je suis une petite fille de la communale! ici, il y a une tension entre public et privé : les pauvres vont dans le système public, on dirait, et les riches dans le privé - je shématise peut-être avec précipitation, mais il y a de ça).
Depuis qu'ils vont à l'école tout va mieux et depuis octobre c'est la journée complète : je ne vois plus le Grand.
Ensuite s'installer dans l'apart choisi par l'Ours qui m'avait dit au téléphone avoir trouvé un appartement moins petit que tous les autres, mais sur un ton tel que j'avais l'impression que c'était un grand studio. résultat, le salon salle à manger a la taille de notre premier appart en France (50 mètres carrés - ça va).
Faire les courses... bon, ça va.
Attendre le déménagement : un mois. Emballées le 13 juillet, nos meubles ont quitté le port ifriqyien le 27 août, sont ensuite passées par l'Italie, pour arriver ici le 19 septembre; les douanes ont ensuite fait je ne sais quoi, il a fallu donner des papiers, et hier elles ont débarquées chez nous.
Petit garçon s'est fait une copine française à l'école, pourvue, fort pertinemment, de trois soeurs; elles ont follement sympathisées avec les miens et comme nous habitons à côté du seul parc de la ville... les enfants s'y retrouvent pour jouer en bande. Grâce à ces petites filles, l'arrivée des garçons a été excellentes.
Fils Aîné a attaqué, non sans suspicion, l'école espagnole (en VO). Il a très vite compris (ses deux ans d'espagnol d'il y a sept ans, plus la fréquentations de quelques espagnols durant nos premières années en Ifriqyia n'y sont probablement pas étrangers). Il le comprend à l'écrit et à l'oral, sauf quand les gens parlent vite (c'est-à-dire qu'il comprend une fois sur deux, mais c'est pas mal). Depuis quelques jours je crois qu'il parle un peu.
Petit Garçon fait les maths sans trop de difficultés, mais en lengua il rame à sec. Qu'à cela ne tiienne, lui ai-je dit, il finira bien par y arriver. Il fait donc tous ses exercices avec une bonne volonté flegmatique qui n'appartient qu'à lui. "Quand ze comprendrai, soupire-t-il, ce sera mieux; mais pour l'instant, ze n'ai pas le soix".
Fils Aîné travaille, c'est la première fois que je le vois travailler; c'est même un peu trop; il a des devoirs dans toutes les matières tous les soirs. Des problèmes archidurs en maths (je n'y comprends rien, mais en maths, je ne suis pas une référence), des questions en lengua et en sociales, des exercices en anglais. Il est écoeuré. Il travaillait moins à l'école française. Mais il fait face pour l'instant avec bonne volonté, bien qu'il soit crevé le soir (six heures dans l'espagnol, plus deux heures de devoirs). Il faut absolument qu'il se mette à devenir efficace dans son travail, il perd beaucoup de temps. Quand il râle, je lui dis : "Tu as raison de te plaindre : tu vas devenir bilingue, tu apprends l'anglais, tu fais des calculs en maths, tu fais travailler ton cerveau, tu t'adaptes à des choses nouvelles et tu stimules ton intellect; pas de bol; tu aurais pu végéter dans une ignorance crasse mais tu te bouges : ce n'est vraiment pas de chance".
Bref, au global, vive les voyages.

03 octobre 2007

Trompettes, hautbois, musettes, etc

Enfin, enfin, enfin. Maintenant que je me suis habituée au clavier espagnol... je suis chez moi., avec clavier français.
Je serai plus bavarde demain.