16 octobre 2007

Peuples sous occupation interne

Bien que je n'ai pas envie de parler de l'actualité, surtout celle qui déchaîne le sentimentalisme des blogueurs au chaud dans leurs démocraties qu'ils peuvent taxer de dictature pour se faire des frissons et se donner l'impression d'appartenir à l'histoire, voici un lien vers un texte qui exprime, mieux que je ne saurais le faire, ce que je pense à propos de certains pays.

J'ai déjà évoqué, à ma façon, ce thème dans de précédents billets. Mais il est infini. Il ne faut pas craindre d'en parler trop. Même pour moi, de retour au chaud dans une démocratie, c'est une douleur.

Un extrait de ce texte magnifique :

L’occupant interne peut prendre toutes les formes organisationnelles : familles maffieuses comme dans ce pays , parti idéologique comme au Cambodge ou en Corée du Nord , juntes militaires comme en Algérie ou en Birmanie, minorité conduite à sa perte par des hommes sans scrupules comme en Syrie. Partout le régime fonctionne à la manière d’un virus envahissant une cellule .et s’emparant de la machinerie de l’ADN pour se nourrir, se répliquer, diffuser dans le corps, l’affaiblir et finir par le tuer. La machinerie dont s’empare l’occupant interne est celle de l’Etat. La police n’a plus pour fonction de défendre la société contre le crime organisé, mais de défendre le crime organisé contre la société. La Justice est là pour couvrir d’un voile de légalité les exactions de la police. Les libertés individuelles et collectives, surtout la liberté de parole, sont muselées. Les ‘’élections ‘’, quand elles existent, font partie d’un simulacre de démocratie qui ne trompe personne. Tout cela a pour objectif ultime de concentrer le maximum de pouvoir, le plus Longtemps possible dans les mains des occupants pour s’adonner en toute impunité à leur péché mignon : la prédation. Cette dernière n’est pas seulement économique. Elle est aussi morale et symbolique. On ne s’empare pas seulement de l’essentiel de la richesse mais aussi de tous les honneurs, de toute la dignité qui n’est plus une caractéristique intrinsèque de la personne humaine, mais une faveur concédée aux serviteurs et refusée aux traîtres et autres ennemis. On ne sait pas calculer le coût d’un tel régime. On sait simplement qu’il est prohibitif. Le nombre de prisonniers politiques, celui des torturés et des exilés, la quantité d’argent public volé, ne sont que les symptômes aigus de l’infection. Il y a les effets à long terme qui eux passent inaperçus. Les systèmes bancaires, de santé, de justice et d’éducation sont gérés par un mélange de corruption, d’irresponsabilité, et d’incompétence. Ils finissent, en l’absence de toute évaluation et réformes, par tomber en ruines, avec les effets que l’on imagine sur la population et que l’on imagine moins sur les générations futures. Si l’on ajoute à cela le délabrement moral dû à l’atmosphère de peur, d’impuissance et d’indignité générale, on mesure le degré de souffrance endurée. La société occupée commence d’abord par imploser à travers l’augmentation des inégalités, de la criminalité, du suicide, des divorces, de troubles psychiatriques. Puis un jour elle explose comme par un réflexe de survie. C’est le terrorisme à l’Algérienne ou à la Saoudienne, ou bien l’insurrection civile comme aujourd’hui en Birmanie et demain dans de nombreux autres pays occupés.

Moncef Marzouki

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