16 novembre 2007

Thucydide : histoire de la guerre du Péloponnèse

Eh bien, la fin de l'histoire sera brève. Les protagonistes étaient les Athéniens (impérialistes) et les Méliens (petit état indépendant). Les Méliens ayant refusé de s'allier avec les Athéniens et de se battre avec eux, contre Sparte et les autres cités anti-athéniennes, les Athéniens attaquent les Méliens, les battent, massacrent les hommes adultes et vendent les femmes et les enfants comme esclaves (la méthode ancienne pour rentabiliser les guerres).

Quand j'étais enfant, j'avais une vision ascendante de l'histoire : au fur et à mesure, me disais-je, les choses allaient de mieux en mieux. Quand j'ai rencontré ce type dans le train, Eduardo Galeano ou pas, il m'a demandé quel pays je préférais. Comme une petite courge de treize ans, je lui ai sorti tout de go que je ne connaissais aucun pays à part la France, mais que je savais que c'était le plus beau pays du monde. D'ailleurs, ai-je précisé en réponse à son silence souriant, tout le monde le dit alors ça doit être vrai. (ça c'est de l'argument!) je maudis rétrospectivement ma bêtise, mais en tout cas j'étais sincère. Je croyais que la vie humaine allait de mieux en mieux, et que la France y avait une part importante. Les "méchants" étaient rares, pensai-je, et d'ailleurs il y en avait de moins en moins.
Quand j'ai quitté la France, je pouvais encore croire à peu près cela. Avec des nuances. Il est évident que maintenant, tout ce bel édifice s'est écroulé. Je me suis sentie très bête, très petite bourgeoise, française, et surtout très triste. Les règles régissant le monde, si elles n'étaient pas ascendantes, alors, comment les expliquer? Eh bien, ce sont les classiques qui me l'ont dit : pas les gauchistes énervés, ni les cyniques de droite. Le monde est horizontal et répétitif. C'est dans la Bible aussi, au début du livre de la sagesse. Le soleil se lève, le soleil se couche, et la terre tient toujours. Les hommes sont des êtres de pouvoir, et le sage doit s'en tenir écarté (relire Sénèque). On peut aussi plonger dedans, mais le monde est fou, de plus en plus, et les tempêtes de plus en plus violentes. On ne sait plus où sont les gentils et les méchants, ils sont partout, même parmi les victimes.
Donc, relire les classiques aide à comprendre le monde. Avec une rigueur intellectuelle reposante et tranquille, ils ont observé ce qui les entourait et compris la vie humaine, non pas seulement celle de leur époque mais celle de toutes les époques.
Ce texte, à moi, ex-naïve de gauche, petite bourgeoise pétrie de bons sentiments, en révolte polie contre son milieu de droite française traditionnelle (il faut entendre ma tante, de 76 ans, dire d'un air sérieux : tout de même, Sarkozy, depuis qu'il est là, il a fait plein de choses! - je n'ai même pas eu le courage de lui demander quoi, nous étions dans une ambiance tellement proustienne, et je ne sais pas si vous avez remarqué mais il n'y a pas de place pour la contestation politique chez Proust, au milieu des fleurs, des madeleines, des robes du soir, des escaliers en volutes que l'on descend lentement, le son des revendications meurt tout seul), ce texte disais-je me fournit une clef d'explication simple; les hommes cherchent le pouvoir; toutes les formes d'organisation politique organisent l'accès au pouvoir. En politique extérieure, les choses sont encore plus simples : l'une de mes amies, comme moi, quoique moins bourgeoise à la base, mais créature d'illusion comme moi, me l'a bien résumé il y a sept ou huit ans : dans la vie, soit tu bouffes, soit tu te fais bouffer. Il nous a fallu tant d'années pour en arriver à cette conclusion ; je me fais pitié. Quoiqu'il en soit, dans le texte au dessus, c'est mieux dit.
J'aime ce texte parce qu'il me rassure. Face à la folie du monde, il me propose une analyse rigoureuse et abstraite. Pour lutter contre le désordre extérieur, qui tend à envahir notre espace intérieur, en provoquant le désespoir et un sentiment d'impuissance et d'injustice, il permet d'établir un calme intérieur, une rigueur, et même une courtoisie, refuge et réponse à ce que nous voyons autour de nous.

11 commentaires:

Anonyme a dit…

Vaut mieux être une ex-naïve de gauche qu'une connasse de droite!
Très beau post, t'as de jolis restes bobos, je dirais même que tu couves une rechute! je t'inviterais volontier aux deux magots pour en discuter autour d'un café si l'occasion se présente!

antagonisme a dit…

Je couve probablement une rechute parce que je suis en Europe. D'ici, il est plus facile de croire que tous les pays pauvres sont des victimes de tous les vilains pays riches. Quand on est ailleurs, tout devient tellement compliqué. Que fait-on de tous ces bons sentiments inemployés?

Anonyme a dit…

Voilà ce qui s'appelle prendre du recul ! Je souscris complétement à ton beau texte sur la relativité, temporelle et géographique. Les faits sont têtus ; ils courent sur 20 000 ans. Le 20° siècle en son milieu a été marqué d'une atrocité sans nom sur le sol européen, qui anéantit pour longtemps toute idée de progrés.
Malgré tout, ne pas oublier qu'il faut se battre pour faire avancer la tolérance et reculer l'obscurantisme, faire avancer la santé dans le monde et reculer la faim, par exemple.
L'inverse de la naïveté généreuse (plutôt de gauche), ce peut être le cynisme fataliste (plutôt de droite à mon sens). Non ?

Anonyme a dit…

Antagonime, pas besoin d'être en Europe pour le croire! Et puis faut pas avoir peur de rechuter!

antagonisme a dit…

Delest : Ecoute, là je sais pas ce que je choisis, je suis en stand-by. Je suis un peu déconcertée par tes 20 000 ans. On manque de faits avant l'écriture, et elle a été inventé il y a 3000 ans. Avant, doit-on parler de faits? Je n'oublie rien de ce que tu évoques, mais l'ampleur de la tâche me démonte.
M1 : si, c'est plus facile de le croire en Europe, parce que'on est plus loin. Et de plus loin, on ne discerne pas tous les petits couacs, tous les petits trucs qui énervent. Cependant, je crois que je suis si peu claire et allusive que tu te méprends peut-être sur ce que je pense. D'ailleurs, je ne sais pas toujours moi-même exactement ce que je pense.

antagonisme a dit…

http://parisienne-en-exil.blogspot.com/2006/10/de-la-tolrance.html
Un lien parce qu'il y a un rapport avec ce que j'écrivais l'année dernière. Enfin pas de lien mais copier-coller barre d'adresse etc, machin.

antagonisme a dit…

Zut, ça marche pas tant pis. Je vais dormir.

Anonyme a dit…

Antagonisme, non, je pense que c'est assez clair, en tous cas je peux comprendre!
Le copier-coller machin marche, la Tolérance est la vertu des faibles me disait un prof de Géopo, moi je pense que le concept même de la Tolérance est un concept raciste BCBG, l'autre, soit on l'aime soit on l'aime pas, soit on est ouvert soit on l'est pas, la Toérance revient a dire : je ne t'aime pas, tu me fais chier, mais je te tolère. ça ne va pas plus loin mais c'est déjà un bon début!
Je ne sais pas si je suis clair?!

antagonisme a dit…

Oui, tu es clair. La tolérance est un bon début. Car l'autre, c'est tout le problème, est parfois difficile à accepter, je veux dire à accepter vraiment, au fond de soi, pas juste en surface. Quand les différences sont trop importantes, l'autre est un problème. Mais l'autre nous renvoie à nous-même, à ce que nous pouvons accepter et supporter, et ce que nous ne pouvons pas, ou que nous acceptons difficilement. On ne peut alors plus tricher : l'autre passe, ou ça casse. Si ça casse, c'est triste, même si c'est inévitable. S'efforcer à la tolérance, c'est donc un bon début - en attendant la perfection.
As-tu la conquête de l'Amérique, de Tzvedan Todorov? Je crois que ce livre a inspiré la controverse de Valladolid (avec laquelle j'ai assommé deux classes entières de quatrième l'année dernière ; ils ont découvert qu'il y a des films en couleurs encore plus chiants que des films en n&b ; et moi je me suis sentie super mal au moment de la conclusion apr le légat du pape, avec les deux ivoiriennes de ma classe ; en deux secondes l'ambiance a changé, et je me suis maudite... Enfin, je ne crois pas les avoir traumatisée, car elles m'aimaient terriblement bien, les pauvres, mais tout de même, quelle claque j'ai pris. Cela a occasionné des débats, c'était bien en un sens.)

Anonyme a dit…

Antagonisme, le tout c'est d'accepter l'autre dans sa différence et se faire accepter aussi dans sa différence. L'autre ne nous renvoie pas a nous même, mais c'est l'image de nous même que nous voulons retrouver dans l'autre! et c'est là où ça casse!

antagonisme a dit…

pas bête... Je vais y réfléchir. Nous voulons que l'autre soit comme nous. Oui. C'est vrai.