14 novembre 2007

La justice n'entre en ligne de compte dans le raisonnement des hommes....

... que lorsque les forces sont égales de part et d'autres; dans le cas contraire, les forts exercent leur pouvoir et les faibles doivent leur céder.
Le monsieur qui a dit cela vivait il y a deux mille cinq cent ans, à la louche. Il a inventé l'histoire, si ce n'est le concept, ce dont on peut débattre, ce que je ne ferais pas, au moins le mot, qui signifie enquête dans sa langue.
Le contexte dans laquelle cette phrase n'a pas été prononcée, mais aurait pu, voire aurait du l'être est le suivant.

Une puissance impérialiste a laissé déclencher une guerre contre elle dans le but de soumettre ses adversaires et d'en tirer plus de puissance. Cette puissance impérialiste est une démocratie. Son principal adversaire n'en est pas une. Si quelqu'un trouve que ces évènements ont quelque ressemblance avec des évènements récents, ... - ah?
Les impérialistes, dont le franc-parler me charme, envoient des ambassadeurs à un Etat secondaire, indépendant, mais plutôt alliés à ses adversaires.
Quelques extraits du dialogue :

Les Impérialistes :
De notre côté, nous n'emploierons pas de belles phrases ; nous ne soutiendrons pas que notre domination est juste, parce que nous avons défait [notre ennemi commun] ; que notre expédition contre vous a pour but de venger les torts que vous nous avez fait subir. Fi de ces longs discours qui n'éveillent que la méfiance ! Mais de votre côté, ne vous imaginez pas nous convaincre, en soutenant que c'est en qualité d'[alliés de notre adversaire] que vous avez refusé de faire campagne avec nous et que vous n'avez aucun tort envers nous. Il nous faut, de part et d'autre, ne pas sortir des limites des choses positives ; nous le savons et vous le savez aussi bien que nous, la justice n'entre en ligne de compte dans le raisonnement des hommes que si les forces sont égales de part et d'autre ; dans le cas contraire, les forts exercent leur pouvoir et les fables doivent leur céder.

L'Etat indépendant :
A notre avis - puisque vous nous avez invités à ne considérer que l'utile à l'exclusion du juste - votre intérêt exige que vous ne fassiez pas fi de l'utilité commune ; celui qui est en danger doit pouvoir faire entendre la raison, à défaut de la justice et, n'eût-il à invoquer que des arguments assez faibles, il faut qu'il puisse en tirer parti pour arriver à persuader. Vous avez, autant que nous, avantage à procéder de la sorte. En vous montrant impitoyables, vous risquez en cas de revers de fournir l'exemple d'un châtiment exemplaire.

Impérialistes (même pas peur):
En admettant que notre domination doive cesser, nous n'en appréhendons pas la fin. Ce ne sont pas les peuples qui ont un empire, qui sont redoutables aux vaincus, mais ce sont les sujets, lorsqu'ils attaquent leurs anciens maîtres et réussissent à les vaincre. Si du reste nous sommes en danger de ce côté, cela nous regarde ! Nous sommes ici, comme nous allons vous le prouver, pour consolider notre empire et pour sauver votre ville. Nous voulons établir notre domination sur vous sans qu'il nous en coûte de peine et, dans notre intérêt commun, assurer votre salut.

Et là, le petit état indépendant s'étonne, le naïf :
Et comment pourrons-nous avoir le même intérêt, nous à devenir esclaves, vous à être les maîtres ?

T'ar ta gueule à la récré, répondent les maîtres du monde :
Vous auriez tout intérêt à vous soumettre avant de subir les pires malheurs et nous nous aurions avantage à ne pas vous faire périr. (Ils sont sympas, tout de même, ils préviennent)

Le petit état indépendant, peu désireux d'attaquer la puissance du moment, argumente rationnellement :

Si nous restions tranquilles en paix avec vous et non en guerre sans prendre parti, vous n'admettriez pas cette attitude ?

Les Impérialistes (tout ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous) :
Non, votre hostilité nous fait moins de tort que votre neutralité ; celle-ci est aux yeux de nos sujets une preuve de notre faiblesse ; celle-là un témoignage de notre puissance.

Voilà de la politique positive. Pas de longs discours sirupeux, dans le style actuel, qui n'éveillent que la méfiance.

To be continued. La fin de l'histoire est bien.

10 commentaires:

Moukmouk a dit…

C'est étrange qu'il n'y ait pas de dieux dans ton truc. Dieu est du coté des forts et dieu justifie la force. C'est pour cela qu'en tant que faible j'ai une profonde haine pour tous les dieux.

antagonisme a dit…

Les dieux viennent après.

Pablo*NSN a dit…

Je n'ai pas bien compris, tu dis "le monsieur qui a dit cela" et après "le contexte dans lequel cette phrase n'a pas été prononcée" : tu as inventé le dialogue (qui d'autre part semble une traduction d'une langue morte) ? Éclaire-moi, s'agit-t-il de ta traduction d'un texte ancien à laquelle tu as ajouté ces savoureux commentaires en gras ?

antagonisme a dit…

Ce monsieur a écrit une histoire relative à une certaine guerre; son récit est réputé pour ses dialogues, que je cite. Ils sont très bien écrits, ça coule tout seul, mais les dialogues ne sont pas historiques, dans le sens où ils n'ont probablement pas été prononcé. On ne peut même pas être certains que l'esprit des véritables débats entre les partenaires et adversaires de cette guerre ait été respecté. Le seul élément historique sûr, c'est la chronologie (encore que parfois elle ne coincide pas avec d'autres sources : mais le mémoire humaine est faillible, et l'auteur a très bien pu se tromper; il y a un exemple de souvenir faux dans un livre de Blaise Cendrars, dont le titre m'échappe, évidemment : il fait allusion à un évènement, dont il a un souvenir, mais auquel il sait qu'il ne peut avoir assisté : quel tour lui joue sa mémoire?); et les évènements eux-même. Donc, l'ouvrage auquel je me réfère triche peut-être avec les intentions des protagonistes.
Il serait, en fait, étonnant, que les politiciens de l'époque aient été plus fins que nos politiques actuels; or, leurs discours, dans l'oeuvre de cet auteur, sont vraiment subtils; je pense, moi, que l'auteur laisse percer son analyse des choses à travers des discours qui ont du être beaucoup plus pragmatiques.
Donc, cet auteur fin a écrit il y a deux mille ans un texte qui, pour moi, trouve encore des résonnances dans les évènements actuels. Ces mots, jetés, en quelques sorte, comme on jetteraitune bouteille dans la mer du temps, peuvent ramassés par nous, lu, et nous parler encore.
Je dirais le nom de l'auteur après.
Je n'ai pas inventé le dialogue, il a donc été rédigé il y a deux mille cinq cent ans, mais il est peu probable qu'il ait vraiment été prononcé.

Pablo*NSN a dit…

Ah ! Merci !!

Anonyme a dit…

"L'histoire est un perpétuel recommencement." Thucydide, accessoirement auteur de "Histoire de la guerre du Péloponnèse".
J'ai bon? :)

antagonisme a dit…

You're right. Mais ça casse mon suspens, mince!!

Anonyme a dit…

désolé! j'ai pas fait une grande école pour rien au moins :o)

antagonisme a dit…

Ah! les études, au bout du compte, ça sert toujours (c'est bien aussi pour jouer au Trivial Poursuit).

Anonyme a dit…

c'est aussi utile et intéressant pour les curieux zincultes comme moi.J'ai bien aimé aussi ton éclairage sur le moyen âge,merci!