10 avril 2007

Immigration

Il y a quelques semaines, parlant avec Sana de l'immigration, je lui présentais sans réfléchir un lieu commun du style : "La France ne peut accueillir toute la misère du monde". Je sentais bien que quelque chose clochait, mais je ne savais pas quoi et puis, d'ici, voir tous les Ifriqyiens qui montent leurs petites magouilles pour les touristes ou qui débarquent à Lampedusa alors qu'ici ils se la jouent à bas les Occidentaux (Occidental = Bush = Israël), ça m'énervait.
Trois jours après, dans mon cours que j'improvise (j'ai honte, mais du temps où, pauvre naïve, je préparais mes cours, mes élèves n'y comprenaient rien, il y avait trop d'infos), devant les documents, je développe l'idée contraire (à ce moment, en cours je réfléchissais), à l'aide d'un message blog sur Rapa, et je raconte la vie de Rapa au milieu d'un silence de plomb (ignares, mais pas insensibles), avant de conclure que fermer à des gens poussés par un tel passé la porte de l'Europe est impossible, irréaliste, stupide et dangereux. En même temps, je me demande comment j'ai pu dire le contraire à Sana, moi qui, en toute incohérence, la pousse à partir de son pays!
Mes idées "politiques" sont si mouvantes que je les oublie moi-même.
Et puis le battage médiatique autour des sans-papiers m'a énervé, si je les connaissais, ces sans-papiers, ce serait peut-être différent, mais là tous les évènements dont j'ai eu vent (la rue Rampal, les trucs gare du Nord) ne me permettent pas de juger. Ici aussi, sans infos, mais avec le téléphone arabe, je la vois, parfois en quelques heures, se déformer, l'information. Alors en France c'est pareil. Je suis incapable de juger sur des paroles de journalistes, ou sur des vidéos de Dailymotion, même si elles me troublent ou m'interpellent. Ou bien si : je suis contre ce que je vois sur la vidéo, mais quelle part de la vérité la vidéo montre-t-elle?
Peu importe les vidéos, du reste. Il faudrait que je raconte ici deux ou trois histoires de petite désinformation, pour expliquer comment je ne peux plus rien croire - sauf ce qui est vraisemblable, ou général, comme on voit un paysage de loin. Dès qu'on me parle des intentions ou des motivations d'une personne, j'arrête d'écouter.
Je me souviens par exemple de parents d'ici qui n'ont jamais payé la halte-repas de leur enfant -sans raison, ou du moins, s'il y a une raison, je ne la connais pas. Cette situation a duré au moins quatre ans, et plus peut-être (mais passé une certaine année, je n'en suis plus vraiment sûre). L'enfant était par ailleurs charmant (maintenant, c'est l'un de mes élèves). Lorsque l'Association a voulu la leur faire payer, ils ont fait intervenir plein de gens, dont un sénateur des Français de l'Etranger, qui a appelé l'Attaché culturel délégué à l'Enseignement, qui a appelé le directeur de l'Ecole qui s'est retrouvé avec une enquête administrative sur le dos, sous prétexte qu'il avait exclu un élève de l'école sur demande de l'Association de PArents d'élèves, alors qu'il s'agissait d'une exclusion de la halte-repas; lequel directeur stressé par toute cette histoire a obligé l'Assoc' à reprendre le gamin, et donc les parents ont eu gain de cause. Ils ont payé deux trimestre de Halte-repas et ensuite ont recommencé à ne pas payer. Ces parents avaient des difficultés financières, ce dont je ne doute pas, mais je sais que d'autres parents dans des situations similaires payaient leur halte-repas.
Voilà l'histoire vu d'en dessous, mais vu d'audessus, les parents ont raconté à tout le monde que par méchanceté et pour leur nuire à eux les gens de l'Association ne voulaient plus accepter l'enfant et l'Assoc a joué le rôle du méchant. J'en faisais partie, de l'Assoc, à l'époque, et depuis je me suis bien gardée de remettre les pieds dans ce panier de crabe. Quand je suis devenue prof ils ont appelé aussi le ciel et la terre en argumentant à peu près pareil (mais le sénateur avait fini par apprendre le fin mot de l'histoire, comme tous les internvenants, et cette seconde fois les parents n'ont pas du tout été écouté), et en disant que ma situation ne me permettait pas d'être objective avec leur fille et qu'ils craignaient pour elle. Heureusement l'Administration est restée de marbre et la secrétaire leur a dit que mais non mais non, de toute façon s'il y avait un problème on me ferait des remarques etc. Il n'y a jamais eu aucun problème sauf que leur fille m'a foudroyé du regard pendant un an. Enfin, dans l'histoire, je faisais, pour tout un tas de gens, partie d'un groupe d'affreuses femmes qui avaient décidé d'exclure des enfants quand les parents ne leur plaisaient pas. Bon, d'accord, sur le long terme, beaucoup, mais pas tout le monde (je paie encore des inimitiés qui ont cinq ans, mais bon, il s'agit de personnes telles que je m'en fous), ont fini par se rendre compte que tout allait bien avec moi, que je tenais mes classes et que les enfants m'aimaient bien donc je ne devais pas être un monstre.
Quoiqu'il en soit j'ai expérimenté la désinformation, et je sais qu'elle est très insidieuse. Cela me rend incapable d'écouter les infos sereinement. Elles me paraissent partiales et mensongères, mais on ne sait jamais quelle partie est mensongère. Y a-t-il un authentique problème avec les sans papiers, ou est-ce seulement unthème à la mode? La seule chose qui me semble évidente, c'est l'actualité et l'utilisation du thème. Sarko se veut "ferme", d'autres l'en critiquent. J'ai du mal à croire que Sarko en vienne à faire une politique autre que la politique schizophrène de la France depuis des années, une politique du coup par coup, pas très pensée, dictée par les mouvances de l'opinion. Tout ce qu'il dit ne me semble que devoir rester des mots, donc je n'arrive pas à m'affoler. j'ai tort peut-être, mais il faudrait que j'ai des témoignages de personnes impliquées.
D'ailleurs il faut que j'arrête de faire semblant de parler politique, je déteste ça, je n'arrive pas à m'intéresser aux anecdotes : pour moi les hommes politiques sont tous dans les empereurs romans, sauf qu'ils doivent trouver un autre mode d'accession au pouvoir : l'élection. Je ne peux pas croire qu'un seul veulent autre chose que le pouvoir, c'est pourcela que les hommes de gauche me font peur, à cause de Staline, et depuis que je fais cours en Troisième. Avant, j'aurais volontiers affirmé que "Russians love theirs children too", mais depuis que j'explique aux élèves comment Staline a éliminé ses adversaires, j'ai peur des extrêmes, et avec tous ces assassinats de journalistes russes... Normalement, les non-extrêmes me semblent plus obligés au légalisme, mais ces élections sont inquiétantes de démagogie, de tous les côtés.
Je reviens à mes moutons. Je voulais parler de l'immigration. je voulais employer une image. c'est dur, hein, d'être bavarde.
L'Europe et les Etats-Unis sont des jardins. Jolis, arrangés, décorés, dans lesquels, d'ailleurs errent des enfants boudeurs qui ne vuelent plus jouer avec leurs jouets qu'ils connaissent trop. Hors de ces jardins, s'entassent dans des situations parfois intolérables de misère et de détresse cinq fois plus de personnes qui n'ont qu'une seule envie : entrer dans le jardin (on les comprend, non?).
Certains crient au désastre : le jardin ne peut contenir tout le monde : refoulons-les.
D'autres veulent les laisser entrer : ils ont le droit d'être heureux aussi, la vie est trop injuste.
Les deux sont vrais. On va en laisser entrer certains, et le jardin cessera d'exister. C'est comme ça. C'est la vie. C'est l'histoire, qui avance inexorablement. Au XVIème siècle, les Européens se sont jetés sur le monde entier pour le dévorer à pleines dents. Au XXIème siècle le monde entier se jettera sur l'Europe et sur sa créature, les Etats-Unis, pour les absorber. Et voilà. Et plus personne ne lira Proust. Ni Tite-Live.
Et moi je serai morte. L'histoire avance surement, mais lentement. On n'y peut rien. Et ces élections-là n'y changeront rien, ni les rodomontades ni les roucoulades.

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