07 juillet 2007

Hypocrite?

Je reprends le problème de l’intégration, cher à Libertad, et je le met en relation avec un billet très touchant écrit par Chiboum.(Et je fais même un lien hypertexte, alors que je suis super paresseuse, c’est pour quand les liens en soufflant dessus ?)

J’ai mis un commentaire sur son blog mais je partais trop dans une autre direction, c’était trop axé sur moi donc je vais faire un billet ici.

Je suis arrivé il y a sept ans, pour deux ans, ou peut-être trois. J’avais déjà passé six ans dans deux pays étrangers, donc j’avais ma technique : ne pas essayer de s’intégrer, ça prend trop de temps, et en quelque mois on n’a pas le temps : non, plutôt foncer dans le tas et prendre ce qui vient. Une sorte de spontanéité désordonnée et protéiforme.

J’ai d’abord passé un an dans une petite ville où je me suis mortellement ennuyée. Pas de bibliothèque, pas de cinéma, pas de librairie, et je n’aime pas la plage – de toute façon j’habitais tout près.

Tous les locaux que j’abordais étaient fuyants. Il faudra que je raconte une histoire, précisément, qui m’a beaucoup surpris. J’ai pensé très vite à Route des Indes, et à une caractéristiques des Indiens évoquées par le livre : Les Indiens ne disent jamais non. Ici non plus. Les gens disent oui tout le temps, mais ils ne font pas ce qu’ils disent. Maintenant, à leur façon de dire oui, je sais si le truc va se faire, mais avant je ne « sentais » rien et j’étais souvent déçue. Attention, ce n’est ni de l’hypocrisie ni du mensonge, les gens ne disent pas non pour ne pas froisser leur interlocuteur. Je précise que je suis devenue comme ça. Je n’ai aucune vergogne à dire oui, puis à abandonner en disant « bin finalement non ».

Exemple de dialogue :

- Est-ce que les livres de sixième sont arrivés ?

- Normalement.

- Vous pouvez aller vérifier ?

- Non, ils ne sont pas.

- Alors quand ?

- demain, ‘nch’Allah.

- Vous m’avez dit ça hier.

Mimique d’excuse.

A petite dose, ça passe, mais au bout d’un moment, vous vous mettez à vivre dans un univers flottant, sans règle, sans dates, où les choses peuvent avoir lieu, ou pas, ou les évènements eux-mêmes décident de leur existence, et où vous flottez entre eux avec une désinvolture rêveuse. Ça n’est pas désagréable en soi, si l’on s’y abandonne, mais voilà, je ne m’y abandonne pas. Par moment, je suis en rage. Enfin j’ai mis au point cette année LA stratégie, l’amabilité têtue : c’est courtois, mais têtu. Je fais chier poliment, donc à la fin je suis servie.

Bon, bref.

Au cours de mon séjour, ma situation a évolué et je me suis vue rester dans le pays pour beaucoup plus longtemps (quand l’Ours envoie des CV avec son travail ici, ça casse tout de suite le CV ; depuis qu’il a annoncé aux chasseurs de tête qui l’ont dans leur dossier son nouveau job il reçoit des propositions d’emploi autrement plus intéressantes ; le boulot qu’il a trouvé, c’est la clef de la serrure de la porte de la prison). J’ai donc été plus attentive à ce qui m’entourait, ou attentive dans un esprit différent.

Je suis entourée de nombreux Français, de locaux et d’étrangers.

Sauf quelques personnes qui me détestent farouchement parce que j’ai pris parti dans des histoires les concernant, j’ai la réputation d’être sympa, le genre gentille. Un monsieur du pays a dit à sa femme que j’étais un ange. Pour certains de mes collègues locaux je suis la seule Française pas mariée à un local sympa (ou presque sympa). Ils me parlent dans la langue fleurie du pays, « tu nous connais », « nous avons tellement d’estime l’un pour l’autre ». Ces mots, pour moi, ne veulent rien dire, mais je suis moins critiquée ou regardée comme une étrangère que d’autres (il faut dire que certains collègues « glissent » au milieu des locaux sans les voir, avec un manque de courtoisie hallucinant).

Pour mes collègues français je suis rigolote et sympa, en gros. Certains soulignent mon dynamisme, alors que je ne me sens pas du tout dynamique.

Pour d’autres personnes, j’ai l’image d’une fille sympa. Cette année j’ai pris des distances avec beaucoup de gens, mais toujours courtoisement et beaucoup de gens m’invitent car ils veulent m’avoir une dernière fois. Donc, je ne suis pas trop antipathique.

Cependant, ce qui est évident, c’est que la réaction des gens est finalement liée uniquement à mon attitude, courtoise, donc, et pas à ce que je suis. Lorsque parfois je dis des choses qui montrent que je ne suis pas si courtoise, ou que la courtoisie est une simple façon d’être en société, les gens s’amusent et réagissent en disant : « Ah ! Mais en fait, tu n’es pas si … »

Or, mon objectif n’est pas d’être hypocrite. Je suis courtoise parce que cela facilite les choses, et parce qu’aucune personne de mon entourage ne mérite vraiment ma mauvaise humeur. Je n’ai pas envie de balancer mon ego et mes états d’âmes à la figure des gens.

Mais au final, cela crée un décalage entre ce que je suis et l’image que je donne de moi.

Est-ce que je suis une hypocrite ?

J’estime plus convenable de donner à mes sentiments un vernis policé : dois-je au contraire critiquer, émettre des remarques sincères qui peuvent être blessantes ?

Je trouve que les gens ont un ego énorme, mais gonflé, qui se blesse et s’irrite à la plus petite remarque : il m’a regardé… elle a eu l’air de dire que…. Elle n’a pas à …. Je suis incapable d’accorder la même importance à des remarques, regards ou réactions. La plupart du temps, je m’en moque. Donc, on me prend pour une gentille, ce que je ne suis pas : je critique, je râle, j’ai des antipathies, mais discrètes.

Suis-je hypocrite ?

(Je précise que quand je suis mécontente de quelqu’un, je me débrouille pour le lui dire, clairement et courtoisement, en lui laissant une porte de sortie pour son ego ; mon objectif est que l’on revienne le plus vite possible à des relations efficaces ; j’exprime mon mécontentement, mais c’est tout ; il y a aussi des cas où je ne maîtrise rien, où je suis injuste, rageuse, emportée… Ils sont rares, justement parce que je me contrôle).

Alors, suis-je hypocrite ?

9 commentaires:

Anonyme a dit…

probleme informatique. Impossible de poster un article sur mon blog.Je voulais vous répondre , à toi et à Pablo, alors je m'installe ici.Je peux?? ;-)

Pablo: "tuer la mère" c'est une idée de Freud? C'est dur pour moi, son malaise est en moi maintenant.
Elle a déjà vu Tanguy, elle a trouvé ça drole...Et puis un tanguy à la maison ne la dérangerait pas je crois, si il se comporte comme elle le souhaite.Mais un jour elle m'a dit "on ne va pas encore t'entretenir pendant 5 ans!!" Elle est malade, elle ne peut pas penser de façon logique.Et puis je suis partie pour faire 5 ans d'étude...

Toi: "La magnanimité a du bon" je suis d'accord. C'est ce que je fais depuis peu, depuis que je sais qu'il est impossible de lui faire accepter quoi que ce soit.Et je fais tout ce que je veux, sauf que je ne peux rien faire sans son fric.Ma liberté est illusoire. Je suis loin mais je pense tout le temps à elle. Bref, je pars en Espagne c'est ce qui compte.

Sinon je repense souvent à cette question d'intégration. ça n'existe pas. On ne peut pas se métamorphoser, le poid de la culture de notre pays d'origine est trop lourd. De toutes façons on garde notre accent, notre physique...Je posais cette question parce que j'èspère quitter cette ville, ce pays un jour et j'ai peur de toujours me sentir étrangere.

et hypocrite je ne sais pas (il est 2h30 , pas vraiment envie de lire l'article maintenant). Je suis souvent hypocrite, on l'est tous un peu puisqu'on ne montre jamais qui on est vraiment et de toutes façons nous ne le savons pas.Moi qui croyais que les adultes se connaissaient vraiment je découvre en lisant les blogs que je me trompais...C'est décevant.

Merci à l'hote de ce commentaire qui n'en est pas vraiment un.

Libertad

Anonyme a dit…

ça a marché!!!!!
milagro!!

Libertad

antagonisme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
antagonisme a dit…

Mais non, ce n'est pas décevant, c'est juste qu'on se fait des illusions sur l'âge adulte. Les adultes sont comme des enfants, mais leur système neurologique est plus développé.
Ce qui est dur c'est que ta mère soit toujours en toi, ça c'est un problème que je connais bien. L'éloignement aide.

Anonyme a dit…

(Ce n'était pas facile à lire ton commentaire chez Chiboum, Anta ! : j'ai eu du mal même à copier-coller le texte de la petite boîte sur mon bloc-notes !)

C'est vrai qu'il s'agit là de sujets différents, même si très étroitement liés : l'hypocrisie, l'identité que nous révèle (ou nous attribue) le regard des autres, l'intégration à une communauté ou un groupe...

Tu le dis, la sympathie, la courtoisie, rendent la plupart des choses beaucoup plus faciles dans la communication avec les autres. Le "problème" c'est que les autres, en général, ne voient de toi (de nous) que cette attitude qu'on a envers eux (la plupart d'entre eux ne voient même pas une image de ce qu'on est) : sympathique, antipathique, si on les écoute ou on leur rend un service quand ils en ont besoin... c'est tout ce qu'ils savent de nous, tout ce qu'ils veulent savoir. C'est une partie très superficielle de notre identité —mais ça en fait partie.

Il y a une autre partie de notre identité qui se fait par la relation avec les autres, par l'interaction et l'échange avec les autres (enfin, pas avec "tous les autres", si je puis dire !). Ou plutôt il y a une partie de notre identité qui est ces relations, ces interactions, ces échanges. (Comme notre pensée qui n'est pas dans les neurones, mais dans les connections entre celles-ci, dans les synapses). Des échanges qui nous changent, qui nous font avancer (mais avancer où — peu importe), qui nous montrent d'autres points de vue que peut-être on accepte, ou pas. C'est plutôt à ce niveau-là, l'intégration, j'ai l'impression.

(J'ai revu hier, 18 ans après, The Accidental Tourist, de Kasdan. Il y a certains problèmes du personnage joué par William Hurt qui ont à voir avec ce problème d'identité à travers les autres : à travers Kathleen Turner qui le voit d'une certain façon et l'empêche d'être autrement ; à travers ses frères et soeur qui le ramènent à son identité familiale, d'appartenance à une famille bizarre et étrange ; à travers Geena Davis qui lui permet pendant un certain temps dans le film de se retrouver de fáçon plus intime, plus "véritable"... Je reviendrai ailleurs, peut-être, sur ce film...)

Il y a aussi nos pensées profondes, nos expériences, nos vécus, nos désirs, nos aspirations, nos inquiétudes... qui font partie de notre identité. À combien de personnes on peut les communiquer, même d'une façon très partielle ?

Alors, pour revenir à ta question. Pour les choses importantes (mais quelles sont les choses importantes ?) personnellement je préfère qu'on me parle clairement, en face (même si des fois il y a aussi des codes pour le faire qui facilitent les choses des deux côtés, aux deux interlocuteurs). Je n'aime pas par exemple qu'on me laisse entendre qu'on m'aime (au sens large du terme) rien que pour m'utiliser d'une façon ou d'une autre (ou de la pire façon, en fait !) et me traiter avec un mépris humiliant par la suite (je pense à deux épisodes de nature différente qui me sont arrivés il y a deux ans) : ça oui, ça c'est de l'hypocrisie. Mais sinon, un peu de sympathie ne peut faire de mal à personne !

Après relecture de tout ce que tu racontes, j'ose finalement te répondre : non, je ne crois pas que tu sois hypocrite.

P.S. qui n'a rien à voir. Tu parles des fois d'ouvrir plusieurs blogs dans le futur ; je me demande si tu ne devrais pas regarder d'autres plateformes comme WordPress, ou carrément avoir un domaine à toi où tu fabriquerais ton blog en utilisant les outils soit de WordPress soit de DotClear qui te permettent plus facilement que Blogger d'avoir plusieurs sections différentes ou même indépendantes dans un seul blog. Tes lecteurs t'en seraient très reconnaissants (dans cet éventuel futur, je veux dire) ;-)

Anonyme a dit…

Merci pour ce lien, alors, inséré à la force du poignet !

Etre hypocrite c'est dire quelque chose qu'on ne pense pas.

La courtoise est un principe de bien-vivre en société.

Après c'est toi face à toi-même quand tu te regardes dans la glace, ce que tu dis et les pensées qui sont derrières, mais lu comme ça, non, je ne crois pas que tu le sois...

Anonyme a dit…

je ne te trouve pas hypocrite, juste un peu dans la peur de déplairee c'est tout

antagonisme a dit…

Pablo : Je vois ce que tu veux dire, mais je ne comprends rien à tout cela. Je vais aller voir pour Wordpress mais Dotclear a l'air compliqué. Je déteste les manipulations, je suis une utilisatrice basique et je tiens à le rester. Quand je réalise un diaporama au bout de dix minutes je suis énervée.
Khey : Je crois que tu as mis le doigt sur le problème. je sais maintenant pourquoi j'ai écrit ce message, alors que je regrettais de l'avoit fait.
Anne : Je ne sais pas ce qui s'est passé quand j'ai commenté chez toi, ça a fait un truc bizarre mais je ne sais pas pourquoi.

Anonyme a dit…

Comme j'ai aimé ce que tu as écrit.
Un éternel questionnement, être en accord avec son intériorité et l'extériorité, est toujours un dilemne.
Tu n'es pas hypocrite, tu as compris, que le sage ne parle que lorsqu'on l'écoute.
Nous sommes entourés de gens très fragiles, et d'autres avec un ego en béton. On a envie de le casser au marteau piqueur.
Le relationnel est passionnant et si difficile.
Les mots filtrés, et ceux qui sont partis malgré nous.

Déjà écouter, je crois que cela commence ainsi.

Et c'est sans compter le dialogue avec nous mêmes.

Bonne route, je reviendrai te lire.