02 juin 2007

Incohérences

Nous sommes le 2 juin, je déménage dans un mois et demi si tout va bien et un truc horrible est en train de m'arriver : je me sens triste de partir.
triste? triste? Moi? De quitter ce pays? Moi?
Je suppose qu'on ne vit pas impunément sept ans quelque part sans s'attacher. Je me demande à quoi, d'ailleurs. Je ne passe pas mes journées dans la palmeraie.
Les imbéciles d'ici, si ça tombe, dans deux ans, dans trois ans, je les comparerai aux nouveaux que j'aurai connu (vous remarquerez que je suis super positive et très sociable!) et je les trouverais sympa. Je crains fort, là-bas, de tomber dans l'expat de classe internationale, ex-co, école de commerce vous voyez.
Pire que cela, je pourrais tomber dans le rien du tout, fréquenter trois mères de famille obsédées par les magasins de vêtements pour enfant ou l'amélioration des résultats scolaires de la progéniture, qui déploreront la qualité des programmes télé espagnols, par exemple, ou adoreront TF1 ou Noche de Fiesta (j'avoue un truc : j'adorais cette émission tout en la trouvant complètement crétine; en français, j'aurais détesté, en espagnol je trouvais cela géniale). Je ne sais pas. La variété des gens que je peux détester est infinie. Mais tant qu'à faire, je préfère qu'ils soient consul ou chef d'entreprise : la pose dégoûtée fait mieux, vous voyez?
Qu'est-ce qui était bien ici?
Eh bien, je crois que ce sont mes élèves qui vont me manquer. En fait je crois que j'aime bien être prof. Mais je veux moins travailler. Prof, mais juste un peu.
Bon, vous, vous croyez qu'un prof ne bosse que dans sa classe. Le reste du temps il baguenaude. J'ai passé 22 heures à faire cours et 18 à corriger des copies cette semaine. Plus je suis fatiguée et plus je corrige lentement. Après il y a un jeu que je prépare avec d'autres profs, il faut taper les questions. Nous avons eu une réunion et la semaine prochaine ce sont les conseils. 15 heures de cours, avec 10 heures de correction, ce serait cool. Et pas de conseils.

Et corriger une copie c'est se taper ça (une copie moyenne):
(Le thème était la mondialisation des échanges).
Mais qu'est-ce qu'ils ont appris, m..?
Vous admettrez qu'ils ont besoin d'apprendre à structurer leur pensée, non? (si tant est qu'ils pensent).
Finalement non, je vais prendre d'autres photos des copies de mes élèves et tout va très bien aller, je les regarderais dès que je me sentirai nostalgique.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

1.- Je comprends bien ta tristesse. À part tout ce que tu dis, il y a ceci : très probablement, tu ne reverras jamais plus tous ces gens, ce pays-là où tu habites. Je te citerais une phrase de la 3e partie de Métamorphoses d'un mariage, de l'écrivain hongrois Sándor Márai, que j'ai lu il y a quelques mois (en trad. espagnole), mais je l'ai prêté... : c'était à propos des sentiments qu'on éprouve lorsqu'on sait qu'on est en train de voir quelqu'un pour la dernière fois dans notre vie.

2.- Tu as de la chance : même si Noche de Fiesta n'existe plus (enfin, je crois), tu pourras la remplacer par plusieurs émissions encore plus aberrantes.

3.- En lisant la copie de la photo, je me demande si c'est toi qui leur a parlé de cette histoire de pétrole, ou bien c'est l'élève en question qui a eu ces idées qu'il a si mal comprises et exprimées... En fait, ce qui m'a le plus frappé c'est que dans toutes les écoles françaises du monde, il paraît, on exige aux élèves ces cahiers ou ces feuilles aux rayures Seyès : je suppose que Là-Bas ils n'existent pas non plus en dehors de quelques papeteries qui les vendent à des prix abusifs ? Et ce qui m'a fait rêver aussi est cet objet en bois que je n'ai pas identifié, au coin sup. droit de la photo, ainsi que ce petit morceau de ta table de travail à partir duquel j'imagine une atmosphère que tu perdras à jamais...

Anonyme a dit…

(Deuxième essai)
La mujer justa de Sándor Márái.

antagonisme a dit…

Je ne sais plus quelle était la question, mais elle ne traitait pas directement du pétrole, plutôt du commerce, des échanges ou des énergies. Si mes élèves sont obsédés par le pétrole, c'est en raison des évènements actuels, car très peu sont français.
On trouve des feuilles seyes partout ici, seule la qualité diffère. On n'en utilise pas en Espagne? Mais qu'est-ce que je vais acheter? Il va falloir que tu m'expliques, à moins que le Hermano Director ait pitié de moi et me briefe sur tout, car pour moi la feuille seyes est aussi inhérente à la scolarité que le bic ou la gomme.

Anonyme a dit…

Soit tu acheteras des feuilles Seyès à prix d'or (si aux Hespérides c'est comme à Madrid, où autour du lycéefrançais fleurissent des librairies-papeteries spécialisées en matériel français), soit tu te les acheteras en France (nous on le fait chez le Carrefour) lorsque tu y iras en vacances...

Si j'avais plus de temps, je devrais créer moi aussi un blog parallèle pour parler d'autres choses, comme par exemple l'école de ma fille. Je raconterais comment, avant son entrée au lycéefr, je croyais qu'elle, étant française -bon, binationale- elle aurait droit à un enseignement gratuit : il s'est avéré qu'il s'agit d'une des écoles les plus chères de la ville (à moins que, les parents, en plus d'être français l'un d'eux —comme c'est le cas— habitent sous un pont —ce n'est pas le cas, pour l'instant au moins—). Mais le pire c'est l'ambiance parmi la plupart des parents : comme le dit Amélie Nothomb quand elle parle du Lycée de NY, dans "Biographie de la faim" :

C'était un établissement snob, réactionnaire, méprisant (...) Il y avait là une majorité de Français, mais aussi des Américains, car inscrire sa progéniture au Lycée français était pour les New-Yorkais le comble du chic.

Et bien, pareil ici, sauf qu'ici il y a une majorité d'espagnols. Dont une partie non négligeable méprise la France (!) et dont les enfants, après des années de scolarité en français, parlent mal, mais mal, cette langue : tu devrais écouter quelques copines de ma fille avec l'accent épouvantable des locaux (je suis local mais j'arrive à le dissimuler un peu mieux quand je parle en français) : sans mentionner l'accent fil(le)s à papa qu'elles ont en espagnol, qui te donne envie de les étrangler.

C'est pour ça que je te comprends assez bien des fois quand tu écris sur tes élèves ou sur leurs parents : ce ne m'est pas complètement étranger. Par contre, tes récits sur les français expatrié(e)s me semblent plus exotiques, parce que ma compagne a toujours refusé de s'associer au Petit Monde des Français d'Ici ; et pourtant j'ai le soupçon que beaucoup des traits de ce que tu racontes sont communs au cercle des français expatriés de Madrid.

Je crois que je m'égare un peu, là, non ?