09 juin 2007

Arrêter de se prendre la tête.

Je n'en ai pas marre d'ici, j'en ai marre de faire la même chose de puis sept ans. Partir fournira un chagement bienvenu mais dont les effets peuvent être pervers : je pars, avec moi-même, toujours. Dans un lieu plus fun qu'ici, mais voilà tout.
Peut-être, me dis-je parfois, qu'il n'y a rien de mieux sur terre que le n'importe où où l'on est : Paris me fait rêver, mais je m'illusionne moi-même : je rêve du passé, de mes années d'étudiante, finalement fort ordinaires, mais qui ne reviendront plus, ce qui leur donne un charme et un relief qu'elles n'avaient pas quand j'étais fauchée et que j'allais dans les rues du quartier de Saint Sulpice en enrageant de ne pouvoir me payer un restaurant et de n'avoir personne avec qui y aller (car je fantasmais déjà sur les restaurants et j'avais déjà des amis qui n'aimaient pas sortir au restaurant - c'est un truc que je ne comprends pas : comment je fais pour être aussi incohérente, même involontairement).
Un blog m'apprend que d'une certaine façon, Los Angeles n'existe pas; peut-être que Paris n'existe pas non plus, ni New York (autre sujet de fantasme). D'ailleurs, je ne sais pas pourquoi j'écris peut-être : rien n'existe, sauf le reflet du monde dans notre esprit.
Avant de partir je vais prendre des photos, ici : elles existeront un peu, quelles qu'elles soient et quel que soit ce que je mets dedans.
Je voudrais qu'elles montrent non pas ce que j'ai vécu du pays car mon vécu est laborieux, difficile, douloureux même, quoique pour de mauvaises raisons. Je me suis fait déborder par le monde et sa mesquinerie et je n'ai rien su gérer; alors qu'il suffisait de l'ignorer, mais j'ai du construire, à la truelle, un rempart et une tour pour m'en protéger. Vains efforts; on ne construit pas de remparts. C'est ridicule. C'était une idée que j'avais quand j'étais enfant, parce que je manquais de force. Il faut voler au dessus, et le regardant en souriant, ou en riant. Sénèque a écrit des choses très bien là-dessus (on peut toujours faire confiance à un type mort il y a 20 siècles pour parler des vrais problèmes de la vie). Le problème, c'est que j'ai construit le rempart et la tour, et que je suis toujours tentée de les utiliser.

Sénèque : (c'est moi qui bidouille une traduction)

Tu devrais penser qu’il ne faut pas s’exaspérer des erreurs. De quoi parle-t-on ? De se mettre en colère contre quelqu’un qui tâtonne dans l’obscurité ? Contre des sourds qui n’entendent pas les ordres ? Contre des enfants, qui négligent leurs devoirs et s’intéressent aux âneries de leurs camarades ? Pourquoi ne te mettrais-tu pas en colère contre les vieux, les malades, les fatigués ? Entre autres inconvénients de notre condition mortelle, on trouve l’aveuglement, et non seulement la nécessité mais l’amour des erreurs. Pour ne pas s’emporter contre une seule personne, il faut pardonner à tous, il faut excuser le genre humain.

Le sage, tranquille et imperturbable devant les erreurs humaines, non pas ennemi, mais correcteur des défauts, sort de chez lui tous les jours dans ces dispositions d’esprit : »Je vais croiser beaucoup d’alcooliques, de débauchés, d’ingrats, d’avares, de tourmentés par l’ambition ».Il regardera tous ces maux avec la bienveillance d’un médecin pour ses malades.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'ai l'impression que Paris existe bel et bien. Je suis venu ici (ici c'est donc Paris) en 1984 pour la première fois ; la dernière, c'était il y a cinq ou six ans (à part une escale à l'aéroport de Roissy en 2005). Je suis arrivé hier soir et je vais passer un peu plus de 24 heures : je n'aurai pas le temps de faire grand-chose, mais ça m'est égal. C'est une ville qui m'est familière, même si je me promène dans des rues que je ne connais pas. Ce n'est pas parce que ce soit une grande ville, ni que je sois venu pas mal de fois ces dernières 23 dernières années... c'est quelque chose que je n'arrive pas à saisir ou à exprimer, quelque chose qui définit Paris d'une façon unique, univoque. (J'allais ajouter CQFD mais ce que je dis ne démontre rien, ça rajoute plutôt à ce que tu dis, car je parle du reflet de Paris dans mon esprit).

Tu parles aussi de remparts. Je me suis promené hier sur ceux de Saint-Malo, non loin desquels il y a la cathédrale gothique. J'aime beaucoup les cathédrales gothiques vues de l'intérieur, leur spiritualité, leur structure, la lumière irréelle qui rentre à travers les vitraux. Je ne suis pas croyant (je ne le suis plus depuis longtemps), mais j'ai vu des bougies et j'ai eu très envie d'en allumer une : pas pour moi, mais pour quelqu'un, et c'est alors que j'ai pensé à toi : donc j'ai mis deux euros dans le tronc, je l'ai allumée et je l'ai posée à côté des autres, devant l'image. J'ai pensé que peut-être tu aurais fait ça, donc je l'ai fait un peu à ta place. J'en ai pris deux photos pour que tu voies.