11 février 2007

Deux jeunes filles

Deux jeunes filles, deux soeurs, me font lire l'arabe depuis un an. Charmantes et délicieuses, elles ont des traits de caractères qui s'affirmant un peu plus chaque jour me montrent toutes les difficultés du pays.
L'une d'entre elles est particulièrement douée : elle parle quatre langues et elle est en DEA (avec un vrai niveau DEA, pas un niveau pourri comme ici).
Néanmoins, elles sont toutes les deux paralysées et ne peuvent avancer. L'une d'entre elles arrive tous les dimanches, le ventre noué, avec des devoirs à rendre pour le lendemain et pour lesquelles elle n'a rien fait. Elle me répète, incantatoire : "je n'ai rien fait, je suis nulle, nulle, nulle..." je ne cesse de protester et elle rit un peu, gênée de ma tentative pour la consoler. "Mais je le sais, dit-elle, et c'est mon problème, c'est à moi de travailler et je ne le fais pas. oh mon Dieu, mon Dieu" et elle se prend la tête dans les mains.
Je l'ai envoyée aujourd'hui sur le site de la Boite à Images, elle a paru intéressée. C'est bon pour la culture, m'a-t-elle dit, avant d'ajouter : "Oh, je n'ai aucune culture, je suis nulle..." et c'est reparti.
La plus douée se regarde elle-même échouer, avec une lucidité désespérée. Il faut qu'elle termine son mémoire et elle ne le fait qu'avec une extrême lenteur. Elle voit l'estime de ses interlocuteurs occidentaux se transformer en agacement puis en mépris. Son directeur de Thèse français lui a dit qu'il avait des comptes à rendre à la commission qui lui avait octroyé une bourse. Si elle ne rend pas son travail, cela veut dire qu'il a misé sur une personne incompétente, il ne pourra pas lui renouveler sa bourse. Parfaitement consciente de l'urgence qu'il y a à rendre son travail, elle ne le fait pas.
Le décalage entre leurs possibilités et leurs actes est hallucinant. Je me demande si elles ne représentent pas leur pays, parfaitement capable de faire, mais incapable d'agir. Où se situe le problème? Probablement dans leur image d'elles-mêmes.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Cette conclusion me paraît très juste. Pour avoir moi aussi un peu ce problème, je dirais que c'est directement lié à l'estime de soi. Et l'ennui c'est le cercle vicieux : plus on attend, plus on doute de soi, parce qu'on sent que l'on déçoit quelqu'un. Je pense qu'il faut en venir à comprendre que de ne pas travailler ne punit que soi, et qu'on se déçoit soi-même bien plus qu'on déçoit l'autre. S'aimer soi-même veut dire : se donner la chance de réussir, se croire capable de réussir.
Enfin, je me permets cette réflexion. Parce que votre texte me l'inspire, et me parle beaucoup.

Anonyme a dit…

Et je suis un peu vous en négatif : je suis une exilée à Paris, pour tout dire.
(Mon blogue ne révèle pas la ville où je suis, je vous fais la confidence. Enfin...)