04 janvier 2007

Paternité

Un texte bouleversant de Kozlika, quoique sans rapport aucun avec ma propre expérience, me fait penser à mon père.
Son aveuglement, auquel je pensais l'autre jour, ne cesse de me surpendre.
Moi, passe encore. Je devais avoir l'air normale.
Mais ma soeur? Comment fait-on pour être le père de ma soeur et ne pas voir que quelque chose ne va pas?
Il est difficile d'expliquer ce qui ne va pas, et quelles en étaient les manifestations dans son enfance. Mais, déjà, l'absence d'amis, le repli sur soi, le rapport aux études et à l'école, cela aurait pu le frapper.
Il aurait fallu pour cela qu'il soit normal. Or, il ne l'est pas.
Mais qu'est-ce que la norme?
Quand on parle d'enfants violés par leur père, on parle de la mère qui, dit-on, "n'a rien vu parce qu'elle n'a rien voulu voir". Il ne s'agit pas là de viol, mais d'une relation destructrice et étouffante entre une mère et une fille et il ne l'a pas vue. Il continue de ne pas le voir.
Il me parle de l'Ours comme du "bon gars". Là non plus, il ne voit pas qui il a devant lui. L'Ours n'est pas un "bon gars".
Il m'a demandé déjà six fois ce que je faisais comme travail. Bon, il a le concept, il sait que j'enseigne. Le problème, c'est où et quoi? Il pensait que j'enseignais le français dans une école de langue. Il a fini par capter : l'histoire, dans un collège français.
Parce que je lui ai offert un porte clef avec le logo du collège, le drapeau français, la Tour Eiffel et le drapeau local, il m'a dit, vexé : "Ah! Ce n'est tout de même pas une école tout à fait française : ce drapeau, tu ne vas pas me dire que c'est le drapeau français".
Je lui ai expliqué le logo : une école FRANCAISE (d'où le drapeau français et la tour eiffel) dans un pays ETRANGER (d'où le drapeau étranger).
Il a fait : "Ah!" On aurait dit qu'il avait compris.
Le mépris, c'est quelque chose de terrible. En méprisant à ce point les deux demeurés qui m'ont élevé, je méprise une partie de moi-même car je discerne en moi des morceaux d'eux.
Qu'on ne vienne pas me dire qu'ils ne m'ont pas complètement raté et que je dois leur en être reconnaissante. Je ne me dois qu'à Dieu qui a implanté en moi (et pas très fort, d'ailleurs - il aurait pu faire mieux) le germe béni de l'esprit de contradiction.
Ma soeur, tout en pleurnichant, a bien plus que moi suivi leurs recommandations, surtout les non-dites. Résultat, à 35 ans, dépression, pas d'études, pas de travail, pas d'amis, et elle en est réduite à taper la famille pour survivre, alors qu'elle nous déteste tous. Le bonheur, quoi. Le résultat de l'éducation de deux abrutis aux idées étroites.

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