23 décembre 2006

Courage

Je suis performante sur Noël. Je l'ai abordé avec appréhension, mais maintenant j'y vais à fond. On commence avec Saint-Nicolas, et on finit avec Los Reyes magos, los que traen regalos a los ninos. Résultat : ils ont des cadeaux deux fois. Il y a chez moi trois sapins, et des lumières partout.
Sur Noël, je suis fière. Suradaptée.
En revanche, je déteste les anniversaires (autre festivité socio-financière). Je déteste tous ces merdeux mal élevés qui débarquent chez moi, et plus encore leurs mères, dans la surenchère de la maternité exacerbée - et plus encore leurs sourires inutilement aimables. Les unes jettent leurs gosses en bas et disparaissent pour trois heures, les autres s'incrustent ici et regardent autour d'elles - et je ne correspond pas au profil (pas le bon quartier, un appart au lieu d'une maison, est-ce que j'ai du fric ou pas?). Je me cache dans l'ahurissement et je passe toute la journée à chercher les petites cuillères et à servir le thé. Jouer les idiotes me sert de tampon.

Le jeu social se passe bien en ce moment, je maîtrise. Je me demande juste à quoi ça mène? Pour l'instant, au moins à ce que mes enfants n'aient pas la réput d'avoir une mère folle. Mais après? je me sens curieusement esclaves de toutes les micro-satisfactions d'amour-propre qui m'échoient. On m'a vu au pot du consul, avec tous les beauf du coin. Bon, je suis copine avec des sortes de "personnages" locaux. Serrage de mains, salutations. A quoi ça mène?
Dans mon boulot, le dégoût que m'inspire les amitiés nouvelles et fifilles ne m'a pas fait fuir tous mes collègues (comme c'est le cas habituellement). Tout en gardant une distance de femme occupée et dotée d'une intense vie mondaine hors-relation de travail, je me suis mêlée poliment aux festivités proposées, sans (je crois) faire la grimace sur ces anciennes assoiffées du sang frais et de la fantaisie des nouveaux profs et qui les aident, les transportent, leur donnent toutes les adresses et déploient autour d'eux un charme, une amabilité un empressement impossible à refuser. Tandis que j'observe, pleine de mauvaises pensées (ces gens qui ne peuvent vivre qu'à 25), je me demande si je ne deviens pas seulement une vieille conne jalouse. Mais je ne crois pas. Hier, ma collègue en quête d'amis (elle a épuisé son stock d'anciens) m'a demandé (enfin - ça fait trois ans qu'elle ne veut pas me poser la question) : "Mais tu sors avec qui, toi, à part nous?"Hein? J'ai des amis hors du boulot (et je n'en ai pas l'air)! Elle aimerait bien que je lui en fourgue deux-trois, histoire d'étoffer son groupe. Mais non. Je me fais ma collec, moi aussi. J'ai besoin de contrebalancer les uns par les autres. Un excès d'industriels vulgaires amusants mais exhibant leurs frais (moi, quand je rentre en France, c'est 6 000 euros ), ou leur voiture (j'ai changé mon Rover 800ttx Turbo pour un Sioux Evasion 332 CC Turbo à injection bi-latérale) m'oblige à des fréquentations plus littéraires (Ah, bien sûr, Duras, c'est une autre façon d'écrire, mais de toute façon, après Proust, qu'est-ce qu'on pouvait faire?) ou autres (Tu sais combien de temps il faut pour construire une scène comme celle-là? de toute façon, pour construire une image il n'y a plus que les frères Cohen). Cependant, ne jugeons pas trop vite l'industriel: il a son charme : il fait des blagues bêtes mais marrantes, il picole, il est pourvu d'enfants qui jouent avec les miens à la PS2, ça les occupe. Parfois il vit des turpitudes amoureuses marrantes, il trompe sa femme, il couche avec la bonne, il l'épouse, c'est très désordonné... l'intellectuel, ici, est nettement plus austère. Il parle tout le temps et comme il n'a pas d'enfants, les miens se réveillent tôt parce qu'ils n'ont pas joué tard (mais moi j'ai dormi tard et j'ai bu, ça ne m'arrange pas). L'intellectuel couche localement, lui aussi, mais avec sérieux. Il ne se vautre pas, il communique avec la population locale.
Certains industriels arrosent tout le repas au champagne, par frime. Mais moi, ça me va. Le champagne, je le bois.
(C'est pas la meilleure marque, car l'industriel parvenu a mauvais goût - mais je ne dis rien).

Tout ça ne répond pas à ma question première : à quoi bon?

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