28 octobre 2006

A l'extérieur du jardin d'Eden

Aujourd’hui j’ai décidé de m’adresser directement à toi Seigneur, Créateur du ciel et de la terre (ça allait encore) mais surtout des hommes, hélas. Moi je crois en toi, je fais partie de ceux qui ne peuvent que croire en ton existence car en ta grande bonté, doué d’un sens de l’humour ( ?) que je ne suis pas certaine d’apprécier, tu m’as donné la foi – je me demande pourquoi, Seigneur, mais je ne me plains pas, note : car j’ai failli la perdre (tu m’as fait ça aussi) et j’ai compris l’horreur de se trouver dans un monde vide à taper sur des murs qui ne répondent pas. Heureusement tu m’as repêchée, Seigneur, ce qui fait que maintenant j’ai oublié la sensation exact de ce vide, mais je me souviens de la douleur de ton absence. Le monde qui m’entoure est rempli de toi, dans la lumière du soleil sur les arbres, dans le vent qui caresse parfois la maison mais qui secoue aussi les fenêtres violemment et me fait penser aux diverses catastrophes naturelles qui n’épargnent pas tes créatures, Seigneur, ce qui me donne à penser, même si je sais, car je le sens, que tu es un dieu d’amour – certains peuvent en douter, encore qu’on n’est pas partout et que dieu peut se manifester au milieu de l’horreur, mais pas seulement dieu, hélas, d’autres forces peuvent aussi s’emparer de tes faibles créatures. Et pas les meilleures (forces).
Je te vois, Seigneur, je te perçois. Partout. Dans les yeux de mes élèves, parfois, pas pour très longtemps, dans ceux de mes enfants. Dans les palmeraies. Dans les cours que je donne, quand je parle de la façon dont les hommes savent s’adapter aux milieux difficiles, je sais que c’est toi, en Prométhée ami des hommes, qui leur a donné ces armes, l’ingéniosité et l’intelligence.
Je me demande (avec humilité, car je connais ton pouvoir) pourquoi tu es aussi le Zeus furieux qui les met dans la m… ?
Et j’arrête de poser la question, car je sais bien ce que je suis (même si ça me vexe) je ne suis personne, seulement une créature. Je ne dois pas douter. Je sais. Si tu t’occupes des petits zoziaux, moi aussi tu vas t’occuper de moi. D’ailleurs je ne me plains pas (j’insiste), j’ai été franchement gâtée jusque là.
Je voulais juste écrire pour dire que c’est plus dur pour nous que pour Saint Augustin et que, beauté si ancienne et si neuve, si beaucoup tardent à t’aimer, c’est qu’on a du mal. Et que ceux qui t’aiment – ils le font bien ? Tu es content ? Parce que parfois on se demande. Moi, je sens ta présence, mais si ce n’était pas le cas, crois-moi, ça se passerait mal. Nous, on vient après la conquête de l’Amérique, les colonisations, les totalitarismes,l’holocauste et la politique extérieure américaine (depuis qu’ils se sont mis à en avoir une – une cinquantaine d’années). Et après, on a droit à quoi, Seigneur ? On ne pourrait pas faire une pause ? C’est sympa de nous donner le libre arbitre, mais visiblement c’était un piège, Seigneur. A quoi joues-tu ? C’est un jeu de PS2 cosmique ? Tes copains ont le même ailleurs, et après vous comptez les points ? Tu gagnes, ou il y a pire ? Parce que pour toi, c’est peut-être une expérience, ou un jeu, mais pour nous on est prisonniers ici. La vie on doit la vivre jusqu’au bout. Tout le monde ne peut pas croire qu’après on a droit au royaume de Dieu, parce qu’ici c’est souvent déprimant. Je ne dis pas ça pour moi.
Je connais moi-même la réponse. Eprouver la vanité du monde des hommes, c’est bon pour toi. Normalement, on doit tous réaliser à quel point ce monde est lamentable, et attendre patiemment que ça s’arrête pour entrer dans le royaume de Dieu. Mais pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi as-tu voulu nous donner la liberté de choisir entre cueillir la pomme ou pas, entre suivre Dieu et l’amour et ne pas le suivre ? On connaît le résultat et personne n’en veut. Est-ce pour que la liberté permette de composer le requiem de Mozart ? Ou la recherche du temps perdu ? Tu as fait une expérience avec tes copains. Il y en a un autre qui croit au management directif et toi tu as voulu lui prouver que la méthode laisser-faire est plus efficace. Oui, bon, il y a des dégâts collatéraux, de temps en temps on balance une bombe atomique ou on massacre un ou deux millions de nos semblables, mais d’un autre côté quelqu’un repeint le plafond de la chapelle Sixtine et ça, tes copains ne l’ont pas. OK. Alors est-ce que je peux changer de monde, Seigneur ? Je veux aller dans le monde d’un dieu directif, Seigneur. Je ne veux plus de la liberté que tu laisses aux hommes.

Reprends-moi la foi, Seigneur. Je n’en veux plus.

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