27 août 2006

Veuve Tarquine et Dieu

Veuve Tarquine et Dieu

Veuve Tarquine, incontournable dans le monde des blogs, a placé sur son blog un sigle (je ne suis pas forte en blog'jargon) qui proclame "Blog sans dieu".
Depuis, une avalanche de commentaires s'est déversée sur ce message, d'un tel niveau de bêtise que je n'ose pas les lire en entier - ça me donne envie de vomir.
Or, j'ai de nombreuses observations à faire par rapport à cela.
La première : j'ai été très vexée de me rendre compte que mon commentaire, que je voulais zen et tolérant, après avoir été placé à la suite des autres, ait été supprimé. Je ne sais si c'est intentionnel ou non. Ce matin, vexée, je me demandais si V.T. ne supprimait pas les commentaires tolérants pour laisser les commentaires hystériques. Ces commentaires conforteraient sa vision négative de la religion. Après, je me suis même dit qu'avec un peu de chance elle les écrivait elle-même. Après je me suis demandé pourquoi je me polluais l''esprit avec des suppositions plus insultantes pour moi que pour elle.
La deuxième : j'ai été vexée de m'être vexée parce que quelqu'un a supprimé mon commentaire sur son blog. Quelle futilité! Quelle fragilité! Je ne peux me laisser toucher par ça.
La troisième : j'ai eu envie de parler de Dieu. Enfin. Si l'on peut dire. Une autre fois.
La quatrième : l'un des commentaires, celui qui m'a le plus choqué (car beaucoup sont essentiellement loufoques, obscurantistes, ou polémistes), reprend un texte d'un jésuite polémiste qui donne, dans son journal, un récit épouvantable de la mort de Voltaire. Pour capter, situons dans le contexte (rapidement). Le contexte, c'est le XVIIIème siècle et le monde intellectuel et littéraire parisien et européen. La jalousie (comme dans le petit monde des blogs) y est intense. Voltaire est une célébrité, il a énormément d'esprit, de succès, d'argent, tout ce qu'il faut pour exciter l'envie et la jalousie. Après sa mort, les anti-philosophes, catholiques, se font une joie de salir sa mémoire par tous les moyens possibles. Et, dans ce texte, le récit de la mort de Voltaire, sa mémoire y est abominablement salie. Je n'en dirais rien parce que cela me dégoûte. Qu'on ne puisse même pas laisser tranquille la mémoire d'un mourant, voilà qui me bouleverse, même si cela a eu lieu il y a deux siècles. L'intolérance catholique de l'époque n'avait aucune pitié. Celui qui a copié ce texte dans le blog de Veuve Tarquine est-il stupide au point de prendre ce texte pour argent comptant? Cela donne une nouvelle dimension à l'intolérance et à la connerie humaine.
Voilà un
lien relatif à la mort de Voltaire, mais pas le texte qui m'a choqué. (pour celui-là, cherchez le nom de l'auteur sur Google). Il montre l'homme tel qu'il est : au moment de mourir, il a du se mettre à croire, ou céder à la pression sociale - peu importe, d'ailleurs. Pour Dieu, seul compte le coeur et il ne peut mentir. Refuser Dieu - mais pourquoi pas? refuser Dieu, c'est simplement refuser son offre, car il faut aller vers Dieu, il ne s'impose pas à nous. C'est donc, tout simplement, le non-accès à l'éternité, et la destruction (le feu étant le symbole de cet anéantissement, et non le moyen de supplices éternels).
Cinquièmement : j'ai pensé à un extrait de la Femme du Boulanger, mais je ne m'en souviens pas très bien. Le curé dit à l'instituteur (en gros) : Dieu ne punira pas l'incroyant d'avoir refusé de croire. Mais quand l'incroyant sera tout à coup confronté à l'immensité de l'amour de Dieu, il comprendra alors toute l'étendue et la stupidité de son erreur. Et ce sera la punition de l'incroyant : le pardon de Dieu.
Bon, je sais que quand on n'a pas la foi et qu'on lit ça, on ne peut que rigoler. Comme dans la chanson de Jacques Brel. "Si c'était vrai..." Mais franchement, la seule réaction devant Dieu, ça ne peut être que l'incrédulité. C'est trop beau pour être vrai. En plus, il y a plein de cons qui y croient, ça rend méfiant.
Sixièmement : j'ai continué à penser : mais pourquoi ça me fait quelque chose que V.T. écrive Blog sans Dieu. Je suis entourée d'incroyants. Mes enfants lèvent les yeux au ciel quand je leur dis que Dieu a créé le monde et qu'ils sont dans sa main. Ma seule copine croyante est devenue intégriste et en plus elle m'a fait un coup en vache. Moi, je crois en Dieu, je ne sais pas pourquoi Dieu m'a fait ça, il m'a donné la foi, comme on donne une voiture ou un livre. Je n'avais pas la foi et un jour je l'ai eu. Quand je parle de Dieu aux gens ils se marrent. Alors qu'est-ce que ça peut me faire que cette femme ne croie pas?
La première raison que j'aie trouvé : ses enfants sont trop beaux. Nom d'un chien, avec des visages comme ils en ont, elle ne se rend pas compte de la présence de Dieu dans sa vie?? (Certes, Dieu lui a fait un sale coup, on sait lequel, visiblement elle lui en veut, ça se conçoit)
La deuxième : j'ai lu sur un autre blog qu'elle s'appelle Aurélie. Que V.T. ne croie pas en Dieu, soit, mais Aurélie? Bon, enfin, admettons.
Après j'ai trouvé la vraie raison. Elle n'a rien à voir avec V.T. Une réaction aussi profonde, c'est un transfert.
Allez, c'est l'heure du psychodrame.
Quand j'ai dit à ma mère que je croyais en Dieu, elle m'a dit que "ça l'étonnait de moi" et m'a demandé pourquoi. Je lui ai parlé de l'amour de Dieu et de la présence de Dieu, que je sentais, que je n'étais devenue folle, que Dieu nous demandais de venir à lui, de faire ce choix, qu'il nous offrait la vie éternelle et la lucidité en échange d'un travail sur nous durant toute notre vie pour arriver à comprendre ce monde et à nous en détacher. Elle m'a écouté très sérieusement et elle m'a dit : "Bon, d'accord. Je comprends. C'est très intéressant. Mais si je ne veux pas?"
- Si tu ne veux pas quoi?
- Si je ne veux pas de tout ça, l'amour de Dieu, la vie éternelle et tout?
- Si tu n'en veux pas?
- Oui.
- Eh bien, si tu n'en veux pas, tu ne le prends pas. C'est un choix.
- Ah bon! Parce que je comprends. C'est très intéressant. Mais moi je ne veux pas.
Comment vous expliquer? Elle ne m'a pas dit que je rêvais, que j'étais folle et que ce n'était qu'un moyen de contrôle social, ou d'oppression du peuple ou je ne sais quoi. Elle ne m'a pas dit "comment peux-tu croire à ces balivernes?". Non. Elle m'a écouté. Elle paraissait me croire. Elle n'était pas choquée que Dieu ait créé le monde. Non, non, il avait créé le monde, il voulait lui offrir la vie éternelle, elle voyait bien le truc. Mais bon, elle ça ne l'intéressait pas. Elle avait son ménage à faire, ou sa fille à étouffer, alors Dieu, franchement, qu'est-ce que ça pouvait lui foutre? La conversation m'a pétrifiée. En tout cas, j'ai bien compris ce que c'était que l'orgueil humain et pourquoi il détourne de Dieu.
Et je répète : l'incrédulité est une réaction logique devant l'immensité de Dieu. L'insensé a raison de dire en son coeur : il n'y a pas de Dieu. Dieu paraît incroyable.
Mais concevoir Dieu, accepter son existence, et s'en détourner : non merci, pas pour moi.
Alors ça, ça me tue. Cela me rappelle cette femme qui se trouvait être ma mère et j'en tremble intérieurement.

Les enfants ont fini de regarder Charlie et la Chocolaterie sur Arte. Maintenant ils font les cons. Ils font ça très bien d'ailleurs. J'entends des rires et des chuchotis. Est-ce que je ris? Non. Je vais aller crier. Challenge : je ne m'énerve pas. Pourtant, c'est dur car leurs rires partent dans les aigus et ils tirent sur les rideaux qui vont leur tomber dessus un de ces jours. Et demain, pour se réveiller... Et la rentrée c'est dans une semaine. Il faut reprendre un rythme. Je vais rentrer dans la chambre et ils vont pouffer, se cacher sous les draps, dire c'est pas moi il fait que parler et moi je veux dormir etc etc.
Si je place ça dans un cadre plus vaste, genre cosmique, ça ne va pas aller. Cosmiquement parlant, pourquoi coucher des enfants sous prétexte qu'il est 22:42? Donc, même pour ne pas perdre patience, je ne dois pas placer ça sur un plan cosmique. Je dois juste être insistante. Fermement insistante. Pas cosmique. Pragmatique.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

C'est un tres tres beau texte que vous avez ecrit ici. Bien que je sois sans religion, il me touche profondement.

C'est peut-etre absurde et pretentieux de ma part de comoparer ma foi en l'etre humain a votre foi en Dieu, mais il suffirait de modifier un peu votre propos et il correspondrait parfaitement a tout ce que mon "optimisme demesure" suscite comme reactions.

Peut-etre ce qui me boulevrese le plus dans votre blog, c'est ce bruit etouffe de la beaute qu'on a dans les yeux et qui se heurte au monde. La violence cachee, qui detruit sans que cela ne se voie, parfois sans qu'on ne le voie soi-meme.

Enfin, je suis heureux de voir qulelqu'un de croyant ecrire quelque chose d'aussi beau sur la religion. Je ne sais pourquoi, ca me fait du bien.