Drame chez les quatrième; 10 redoublements sur une quarantaine d'élèves. Certains vont passer après entrevue avec le chef.
Ma question est la suivante : ils ne travaillent pas en cinquième, glandent en quatrième, comment peuvent-ils s'imaginer que tout va bien? Ils sont dans une logique du temps gagnée qui m'écoeure : je ne fous rien, je suis limite, je passe, l'année suivante je recommence... En seconde c'est l'hacatombe, et pour certains, qui, avec une ridicule vanité, pensent que, le jour où ils s'y mettront, ils y arriveront (un peu comme les drogués qui croient pouvoir s'arrêter quand ils veulent), c'est l'effondrement, car ils ne savent pas ce que c'est que le travail, l'effort, les exercices maintes fois répétés et qui ne servent à rien en apparence, jusqu'au moment où...
Je ne comprends pas... Moi non plus je ne fichais rien. Je détestais l'école. A chaque conseil de classe je rentrais la tête dans les épaules. Je savais bien qu'un jour ça se terminerait, tout ça... J'ai eu de la chance, je ne me suis plantée qu'en fac, et là j'ai découvert que les leçons s'apprennent, les exercices se refont, etc. Mais dans ma période où je ne fichais rien, je ne croyais pas que je travaillais, et chaque fois qu'on me faisait la morale, je savais bien qu'on avait raison.
Mais eux, non. Cela me démonte. J'en ai un à la maison, je sais comment ils fonctionnent. Il se met devant son livre, le regarde intensément, le lit, et au bout d'un moment, vient me dire : ça y est! J'ai travaillé. En fait, travailler, pour lui, c'est s'abstenir de jouer pendant un certain temps. Je lui demande s'il sait sa leçon. Il me répond : en tout cas, je l'ai apprise (après, si la leçon apprise n'a pas voulu rester dans sa mémoire, il décline toute responsabilité : il a rempli son contrat). Moi, je l'engueule et je lui explique que ça n'est pas ça, travailler. Il m'écoute, soupire, lève les yeux au ciel... Mais cahin-caha, il apprend deux trois trucs, assez laborieusement.
Les autres sont pareils, sauf qu'ils croient vraiment que travailler c'est parcourir une leçon des yeux.
Un jour, j'ai dit à un cancre notoire (charmant, grande famille indutrielle, qui me traitait avec une condescendance bienveilllante, genre petit personnel) : "Combien d'heures travailles-tu chez toi le soir?"
Il m'a regardé avec incrédulité : "Combien d'heures? "
Alors, lui ai-je dit avec mon sérieux de prof, tu ne peux améliorer tes résultats.
Cette fois, c'est avec amusement qu'il m'a regardé.
Améliorer ses résultats? Une idée de prof.
Cela me démonte. Le savoir est quelque chose qui n'a pas de valeur chiffrable. Il n'y a rien de plus important sur terre, après l'eau, l'air et la nourriture, puisque sans savoir on ne peut rien faire. Quel que soit ce savoir, il faut savoir faire quelque chose : cultiver une terre, fabriquer un objet, résoudre des problèmes. Plus le monde est complexe, plus l'acquisition des savoirs est complexe.
Bon, moi je suis spécialisée dans un savoir de base, qui sert à former l'esprit, et dont l'utilité n'apparait pas dans un premier temps. Mais quand je tiens ce discours à mes élèves, je les vois avoir pitié de moi.
Je ne suis pas une "vraie prof". Les vrais prof sont très flexibles par rapport à ça. Ils s'en foutent. Ils savent que ce qu'ils font est bien.
Moi j'ai envie de tous les envoyer se faire f***, ces petits merdeux... Je ne suis pas une vraie prof.
06 juin 2007
Conseils de classe
Publié par antagonisme à mercredi, juin 06, 2007
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5 commentaires:
Bonjour, Anta,
Peut-être tu n'es pas «"une vraie prof"», mais t'es fidèle à tes convictions sur le métier et t'es très critique avec toi même. Donc : peut-être tu n'es pas non plus «une vraie prof» (bien que là, je n'étais pas d'accord avec toi sur la suppression des guillemets : ""), mais je suis sûr que tu es une excellente prof (pas à "leur" manière, en tout cas —heureusement—). Sinon ces conseils de classe ne te décourageraient pas autant, d'ailleurs.
Allez, bonne journée et bon courage jusqu'à la fin des cours.
Pas evident de garder l'espoir... et le bon sens.
Je vous lis toujours avec le meme plaisir, et... le meme desespoir que celui que je peux decouvrir face a l'absurdite de ce ** de monde...
Bon courage !
Je ne sais pas si le goût de l'effort et du travail qui est une bonne chose en soi évidemment, quelque chose de noble, d'instructif et de constructif, est une bonne chose dans la société. Moi qui l'ai toujours eu, qui ai beaucoup travaillé sans que mes parents soient "derrière moi" comme ont dit, je ne vois pas trop ce que ça m'a apporté socialement comme personnellement d'ailleurs. "Forte" de cette expérience, je pense que faire "un minimum" à l'école me paraît amplement suffisant... Histoire de réserver son énergie pour plus tard...
Ah, voilà une idée intéressante pour un prof!!! Bien sûr que faire le minimum suffit. Mais le minimum, justement. En dessous du minimum, c'est exagéré.
Pablo :merci pour tes remarques. Prof est un métier terrible. J'aime ma matière, et j'ai du renoncer à l'enseigner (il faut appeler un chat un chat : le contenu du programme est nul - ce n'est pas une façon de parler). Ensuite, le travailavec des enfants est très complexe, et avec mes gosses de riches c'est à la fois triste (car il y a des enfants dans des situations terribles - la possession de piscine et de 4x4 ne garantit pas tout), difficile ( ils ont tout : pourquoi travailler? QU'auront-ils de plus?) et vexant (les parents me prennent pour une domestiques ++++).
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