Depuis trois semaines, toutes celles qui m'abordent ne me disent que : il paraît que tu pars?
Et je constate un phénomène incroyable : chez les locaux ou les couples mixtes, presque tous ont la même réactions, dramatique dans sa sincérité : ils soupirent, ferment les yeux, blêmissent, et disent : tu as de la chance, vas-y, qu'est-ce que j'aimerai faire comme toi, etc.
Je ne parle pas des européens, qui, dans l'ensemble, ont choisi de venir ici et dont je dirais que la médiocrité mêlée au savoir-faire trouve à s'employer. Cette phrase semble méchante, il faut l'expliquer. Ici, la plupart des locaux sont très incompétents (les compétents sont à l'étranger, ou pris dans un système vicieux qui les rend incompétents - ex : ici, dans un boulot, il ne faut surtout pas prendre d'initiative, on ne sait pas ce que le chef va faire, donc les gens ne font rien; après quelques mois de vie ici, tout le monde connaît mille et une conséquences insupportables de ce système). Donc, les étrangers, disposant d'un savoir-faire précis, et d'une capacité d'initiative forcément supérieure aux locaux, sont précieux. En outre, les gens entre eux se tirent dans les pattes et se font des vacheries; très souvent, ils préfèrent avoir pour chef un Européen, car ils sont plus respectueux de la personne - même ceux qui, dans leur langage, ressemblent à de gros racistes de base, et c'est ça qui est déconcertant -en fait, même ceux qui sont de gros racistes de base, donnent aux locaux une ambiance de travail plus rigoureuse et plus égalitaire. Oui, car les locaux fonctionnent sur le principe des relations. Si untel connait untel, il va lui donner un poste ou une augmentation ou ne pas noter un retard, et donc, par relation, contact, laisser s'installer une relation d'injustice, qui répétée mille fois, va pourrir la boîte. Vous allez dans un salon de coiffure ou une boulangerie parce qu'il y a là unepersonne correcte, rapide, efficace, qui vous a plu et donc vous êtes satisfait du travail. (ça m'est arrivé, croyez-moi). Au bout de deux mois, vous constatez qu'elle a des problèmes avec son chef alors que les feigants qui l'entourent n'en ont pas. Ce n'est pas bizarre du tout, c'est que tous les feignants qui l'entourent lui pourrissent la vie et disent des saloperies sur elle au chef. Du coup, soit, par osmose, il faut qu'elle fasse comme les autres employés, elle devient molle, innefficace, malaimable; soit elle est virée. j'en suis à un point où chaque fois que je vois un employé dynamique et compétent j'ai envie de l'embrasser et de lui dire : "Toi, mon gars, tu vas souffrir".
Vous vous dites peut-être en me lisant que par la vertu du système capitaliste, une entreprise mal gérée dont tous les employés sont innefficaces et nuls va se casser la figure??? Vous rêvez. Pour le système capitaliste dur, je ne sais pas, mais ici, l'argent vient d'ailleurs, on ne sait jamais très bien d'où, mais pas des revenus générés par la boîte, qui sert plutôt de vitrine sociale.
Bref. Eh bien, les étrangers, même ceux qui émettent des réflexions mal séantes sur les locaux, ne gèrent pas leurs entreprises comme ça. Comprenez-vous? C'est plus fort qu'eux, ce sytème, ils ne peuvent pas l'appliquer, ils ne peuvent pas, sauf occasionnellement, par aveuglement, donner du pouvoir à un type nul, ou laisser une paresseuse faire la loi dans la chaîne; ils sont en lutte permanente avec ce système, qui tend évidemment à se développer. Parce que eux, ils ont besoin de la boîte pour vivre, pour gagner de l'argent et s'acheter des 4x4. Donc ils valorisent le travail, l'efficacité, etc. Et comme tout le monde préfère ce système-là, les boîtes des étrangers tournent bien. Donc les étrangers gagnent de l'argent, donc ils restent.
Mais les locaux... Le système que j'ai décrit pour une boîte, est valable pour tout le pays. Or ce système (croyez-moi, j'en sais quelque chose) est démoralisant, écoeurant, attristant. Vous qui me lisez, pensez que j'exagère, donc vous croyez qu'il reste un espoir. De fait, certains ont de la chance, et sont à des postes où ça se passe bien pour eux. Mais pas la majorité. Et ce sytème crée du désespoir : imaginez un peu : si rien ne sert à rien, si des années de travail voient la promotion et le mérite attribués à d'autres, comment ne pas être déséspéré? Pour ceux qui sont tentés de penser que c'est pareil en France, pensez qu'ici, les gens qui vivent avec une ampoule électrique pour toute la famille, tirent la chasse d'eau tous les deux jours et se lavent à un seau d'eau froide sont nombreux.
Donc, voilà comment, toutes sortes de personnes, dans des situations très diverses, riches ou pauvres, réagissent exactement comme des prisonniers à qui je dirais : ma libération, c'est dans un petit mois... Ils me regardent, poussent un cri, aspirent une goulée d'air... Je souris imperturbablement (pour tous les couteaux qu'on m'a préparé, même s'ils sont en fer-blanc, c'est l'intention qui blesse), et je dis où. Et là, ça tue.
Mais pour conclure, je voudrais juste insister sur un point : les gens qui réagissent comme ça sont des locaux, il s'agit de leur pays. Imaginez le déchirement intérieur que ça peut être (rien à voir avec l'esprit râleur des Français qui critiquent la France soit en l'aimant, soit expatriés aux Etats-Unis ou ailleurs où ils font ce qu'ils veulent - ou presque : rien ne peut être comparé à ce sentiment d'impuissance qu'on a ici). Je reviens sur quelque chose que j'ai déjà dit : il faut que tous les gens du monde puissent aimer leur pays et s'y sentir bien. Ce qui est loin d'être le cas. Oui, ma formulation fait nouille, mais je me sens nouille de toute façon. Pour cela, il faut leur donner les moyens de choisir la façon dont il est dirigé. Là, terrain glissant, et j'arrête, mais je sais à quoi je pense.
30 juin 2007
Partir
Publié par antagonisme à samedi, juin 30, 2007 17 commentaires
Champagne obligatoire
Il faudra retourner bientôt chez Si Mohamed. Notre prochain départ nous obligera à le laisser en charge d'affaires nous concernant et pour lesquelles nous aurons besoin d'un répondant, et la position de Si Mohamed, seigneur féodal, est incontournable.
Donc, re-champagne (on ne peut pas boire autre chose, en fait, c'est obligatoire; car nous pourrions oublier quel est cet homme puissant qui nous invite). Du coup, j'en ai la nausée, à force de me prendre la tête avec ça. Tant mieux. Si je me mets à détester le champagne : je boirais du Moscatel.
La salariat a du bon, surtout en Europe, dans des pays où il y a des lois qu'une écrasante majorité de personnes suivent, et qui ne font pas que décorer, et donner une patine moderne à des régimes sans nom.
Trop, c'est trop. J'ai l'impression d'être une coquille vide. Comment Si Mohamed fait-il? Je sais pertinement que ses intentions sont bonnes. Il ne veut que nous aider, à sa façon. Ce n'est pas de sa faute s'il est un seigneur et s'il embrasse comme un chef de clan. C'est de la mienne si je suis venue ici, si nous avons créé un truc, et si on veut partir. Si on ne s'adapte pas, on ne se plaint pas. Certaines personnes ont des postes assez importants pour pouvoir, face à lui, être des pairs. Avant, nous étions les objets d'un homme encore plus puissant localement, pas méchant du tout, mais bien décidé à ne rien faire pour nous - plus humain, mais aussi peu accessible qu'une multinationale. Parvenir jusqu'à Si Mohamed nous paraissait alors de bon augure. Nous pensions être plus libres, détachés du pouvoir de cet autre Si - mais non. Ici, on ne peut pas être, on ne peut qu'être sous, et plus il y a de gens au dessus, plus c'est intenable.
Seuls ceux qui dépendent de sociétés étrangères n'ont pas ce poids sur les épaules.
Publié par antagonisme à samedi, juin 30, 2007 0 commentaires
27 juin 2007
Argent
A propos de l'argent, l'autre jour, je me suis égarée. Ce que j'ai dit me paraît juste, mais je voulais dire autre chose.
La vie est courte, et ce qui me semble important, c'est de chercher à être heureux. pas forcément égïstement, mais être heureux, parce que de toute façon on mourra, alors autant enprofiter avant; et puis il y a tant que personnes malchanceuses, que se rendre malheureux est en quelque sorte indélicat : pour nous qui avons beaucoup de chance, le malheur est un luxe, le plus souvent.
(Moi je me plains tout le temps mais ici; dans ma vie j'essaie d'être gaie; la gaieté est positive même pour les autres).
Or, il fut un temps où je manquais vraiment d'argent, quand j'étais étudiante; en plus, j'étais entourée de filles riches, et mécontentes. J'avais assez d'argent pour vivre, bien sûr, mais rien pour les extras. Or, les extras font l'agrément de la vie. Mes copines allaient au restaurant avec leurs parents, stupides, et s'en plaignaient (moi j'ai toujours eu un faible pour les restaurants). On les emmenait au théâtre, les malheureuses.
Enfin, je ne me plains pas, Paris regorge d'activités pour les pauvres, il y a toujours des fêtes de ceci, fête de machins, j'ai vu en mon temps de nombreuses pièces de théâtres, souvent exécrables, lors d'une fête ou d'un festival, crées par le cousin de chose ou le copain de bidule, auxquelles je n'accrochais pas du tout et je restais sur le rivage des mondanités culturelles, nigaude; il fallait avoir aimé, adoré, je n'aimais jamais.
Je m'égare encore!!
Donc, recherche du bonheur, et en attendant, du plaisir (au sens large - ....).
Or, nous sommes dans une société qui crée des besoins artificiels qui doivent être satisfaits, et cette satisfaction procure un soulagement temporaire, jusqu"au besoin suivant.
Moi, je me suis aperçue que ces besoins (acheter une jolie robe, aller voir un film tentant) ne comblent que cette satisfaction immédiate. Il est beaucoup plus intéressant et enrichissant de chercher d'autres plaisirs ou d'autres satisfactions, que l'argent ne peut satisfaire. Ce qui ne veut pas dire ne jamais rien acheter non plus. Regarder autour de soi avec concentration pour voir des choses étranges, curieuses, insolites, jolies ou drôles, est un plaisir qui ne vaut rien et peut procurer de grandes satisfactions, souvent imprévues. On ne voit rien, pendant des jours, et soudain on voit quelque chose.
Beaucoup de choses peuvent procurer une grande satisfaction. Certaines, curieusement, sont difficiles à réaliser. Par exemple : je rêve depuis très longtemps de m'asseoir dans mon salon pour boire un thé. Mon salon devrait être rangé, et le thé pas ordinaire, dans une jolie tasse. Un truc proustien, quoi. Je serai seule, avec un livre, et je resterai assise au moins une demie-heure. J'essaierai de m'imprégner de l'ambiance et de me faire croire à moi-même que je suis une jeune femme sérieuse dans un appartement rangé, comme dans les pub des années 50.
Je n'ai jamais réussi.
En revanche, je me mets parfois dans un coin de mon appart et je regarde par les fenêtres à travers les fleurs ou les branches d'arbres et je me dis : ce que tu vois là, autour de toi, tout cela va bientôt disparaître comme si rien n'avait existé. Plus jamais je ne verrais cela, de ma vie. Ce sera, pour toujours, fini.
Je sais, ça fait nul. C'est mon côté culcul. Mais je ne peux pas m'en empêcher. C'est comme le dies irae du Requiem de Mozart, ou le moment de l'élévation du graal dans Parsifal. A raconter, c'est peu de choses, mais à vivre, c'est comme une infusion de poésie, pendant quelques secondes, dans une vie ordinaire.
Et cela, ça ne s'achète pas, ça n'a pas de valeur chiffrable, mais c'est aussi bien qu'une robe ou un film (sauf un film de Fellini). L'argent ne peut pas tout acheter, et je me méfie de ce que l'argent achète. Ce qui est donné par la vie est plus précieux, plus intéressant (pas forcément gratuit cependant).
Publié par antagonisme à mercredi, juin 27, 2007 3 commentaires
24 juin 2007
Champagne
J’aime le champagne, je l’ai déjà dit. Surtout bu au bord d’une piscine.
Bref panorama des circonstances durant les quelles je bois du champagne.
J’ai commencé en famille, pour des fêtes. Le champagne était alors étroit, conventionnel, sérieux, évident comme un horaire de travail. A la même époque, je buvais du pétillant de Touraine chez une copine, en refaisant le monde, et le champagne était pour moi une boisson de vieux cons snob.
J’ai continué lors d’une soirée de nouvel An d’une jeune fille école de commerce, extraordinairement bourge, faite comme un pot à tabac. Lors de cette soirée, un jeune homme m’a entretenu, sur la terrasse, du yacht de son père, et, bien que j’eux désiré avoir un père propriétaire de yacht (pas pour le bateau ; je n’aime pas les bateaux ; mais pour l’argent implicite, qui m’aurait bien plu), je me souviens d’être parti de la terrasse en rigolant, tant cette façon de parler de son yacht me paraissait lourde et ridicule. Mon opinion du champagne ne s’améliorait pas.
J’ai découvert le champagne ici, dans une connotation faussement jet-set très agréable. Quand c’est l’été (ça y est, là, c’est l’été), plusieurs personnes de ma connaissance invitent, font des repas au bord de la piscine et arrosent tout le monde au champagne.
On peut alors reprocher à l’ambiance quelque chose de superficiel et même pire ; mais quoiqu’il en soit, j’ai vraiment réalisé à quel point le champagne se boit au bord d’une piscine, à côté de bougainvillées et de lauriers-roses ; des murmures de voix et une musique légère y ajoutent beaucoup. La chaleur décroît doucement ; une brise se lève ; les feuilles des arbres s’agitent ; l’humidité se fait fraîche, odorante, amicale. La nuit vous enveloppe. Rien à faire. Le champagne parisien n’a pas la même saveur.
Donc, j’aime le champagne, mais uniquement dans ce contexte.
Mais le contexte que je décris est exclusivement sensoriel. Le contexte humain me pose problème.
Car il faut qu’il y ait des êtres humains, sinon c’est moins bien. Le murmure de voix ne doit pas être un simple murmure, il doit provenir de la soirée dont vous vous êtes (à peine) écarté – pour réfléchir un peu à Sainte Thérèse de Lisieux, par exemple. Si c’est le murmure des voix d'à côté, ça ne le fait pas.
Or, je vous décris le contexte.
Lieu : Maison, grande, riche mais sans aucun chic (type : nouveau riche sans goût), clim (si on veut rentrer), piscine, jardin, golf d’un côté, parc de l’autre. Absence de moustique (je précise ; parce que dans sa trivialité, le moustique estival peut foutre en l’air le truc ; je soupçonne des procédés chimiques).
Moment : juin (hier). Mais il faut que ce soit en juin ; juillet n’est plus une prémisse, août est trop engagé ; septembre peut convenir, voire octobre, avec un goût de fin, d’achèvement. Juin n’est pas l’été, il ne fait que s’approcher, il en a les caractéristiques, juin est le moment du basculement, du vol de quelques heures de soir d’été indues ; donc : juin.
Personnages : nombreux. Gratin local. Mélange de personnel officiel français ou belge - le belge donne une dimension européenne, toujours plus élégante ; l’anglais est cependant préférable, plus cosmopolite, avec toujours un relent d’empire, l’allemand plus technique, le russe inquiétant, le suisse riche, mais plus élégant que le luxembourgeois, par exemple, que l’on sent trop comptable; les autres nationalités européennes n’ont aucun intérêt. On ne parle pas des nationalités extra européennes, hormis celle du pays d’accueil, car cela fait mélangé donc vulgaire. On peut tolérer quelques épouses exotiques. Mais rien d’autre. Un homme d’affaire coréen, par exemple, fait tout de suite soirée d’affaire, et s’il n’est pas très bien élevé, inquiétant comme un russe – tous ces gens de très loin, on ne sait jamais d’où vient l’argent.
Il y avait un homme d’affaire coréen ; l’hôte fait des affaires avec
Passons sur le Coréen, d’ailleurs discret, quoique plutôt frustre, et dont seule la présence compte.
L’hôte : Si Mohammed, déjà évoqué. Féodal, vieillissant, déguisé en homme élégant.
Son épouse, Hélène, belge ; l’amie de l’épouse, allemande, le mari de l’ami de l’épouse, directeur ruiné d’un magasin de matériel photo (ruiné par le numérique).
Le directeur de l’école française, épouse et enfants ; deux attachés consulaires ; le directeur du centre culturel français ; des profs en famille; des chefs d’entreprises locales ; des DG d’entreprises locales (DG salariés) ; une prof de yoga ; une prof de piano ; quelques avocats, médecins, pharmaciens.
On fantasme déjà moins, n’est-ce pas ? Surtout dans les détails ; robes mal coupées, pendouillantes ; peu de talons pour les femmes, trois birkenstock, des chaussures à talons sans élégance, peu de bijoux, peu de maquillage (moi la première, j’avoue). Les chemises de hommes sont parfois tendues sur des ventres bedonnants, et deux profs sont en t-shirt tachés, celui qu’ils réservent probablement à ce genre de soirée, pour montrer leur dédain. Elégant dédain, avec tâche de gras.
Peu importe, faites comme moi, tournez vous vers les branches gracieuses des bougainvillées ; pensez à Swann en buvant votre champagne frais ; chuchotez :
Mais en allant au buffet, vous passerez à côté de Dario qui vous prendra dans ses bras. Dario, italien né en France, a monté une boîte avec Si Mohammed il y a quatre ans ; vous avez vu leur amitié commencer. Dario est marié à Samia, poupée barbie. Il fut un temps où Dario et Samia vivaient littéralement chez Si Mohammed ; ils y passaient leurs week-ends, Hélène ne tarissait pas d’éloges sur Samia, son élégance, sa délicatesse, son raffinement.
Puis Dario et Samia, dont l’usine se trouve à une trentaine de kilomètres de la ville où vous résidez, ont décidé d’habiter en ville, chez Franz, un étrange franco-allemand, locataire d’une immense maison palais en centre-ville. Franz, DG d’une énorme société locale, est présent également, et boit comme un trou en compagnie de Jean-François, bon jeune homme, issu des écoles chrétiennes, DG d’une société locale, pour des japonais.
Donc Dario et Samia vivent chez Franz, après avoir vécus chez Si Mohammed, et évitent l’un et l’autre toute la soirée. Par curiosité, allez écouter Hélène et Samia discuter : elles vous diront peut-être un mot de la brouille qui semble séparer les maris : mais non, elles se racontent des histoires de garagistes incompétents, et s’écoutent avec la passion que l’on met dans les conversations anodines, celles qui évitent de dire les choses ; aussi appliquées l’une que l’autre à s’écouter ne pas se dire ce qui les séparent, elles poussent des cris « Non ??? Il a dit ça ???? C’est Pas vrai !!!! »
Vous allez du côté de Franz, perdu dans une conversation avec le prof de SVT et un employé consulaire. Ils parlent des chinois, ils ont déjà pas mal bu. Dès que vous êtes avec Franz, vous lui faites remarquer que Samia et Dario évitent Si Mohamed. Ça marche, Franz part au quart de tour et vous raconte que rien ne va plus, Si Mohamed est mécontent de son association avec Dario dont l’épouse, Samia, soit disant directrice de prod, ne fait rien, et a un salaire trop élevé (Samia est d’un point de vue opposé, son salaire est inférieur au SMIG et elle estime que c’est injuste pour un directrice de prod, etc).
Vous vous souvenez de l’époque où Samia et Dario vivaient chez Si Mohamed et vous méditez sur la fragilité des relations humaines.
Franz continue et vous apprend que le Coréen qui se racle la gorge est le nouvel associé de Si Mohamed. Dario se sent mal parce qu’il est évident que le Coréen est autrement plus retors que lui ; la société de Dario ne court aucun risque, mais il est évident que Si Mohamed va s’en désintéresser. Samia, qui déplorait la mainmise commerciale de Si Mohamed dans la boîte, va enfin pouvoir trouver seule des clients, ironise Franz. C’est pour cela que Dario stresse. Jean-François se rapproche, chancelant, et vous sourie ; vous lui faites remarquer que sous ses petits airs, Franz est acide ; de quoi s’agit-il ? s’enquiert Jean-François qui semble avoir atteint le stade où des explications lentes et claires sont nécessaires. Il s’agit de Samia, coupe Franz, et Jean- François lève son verre en s’écriant : « Alors ! Si c’est une œuvre ! » Et il ajoute à mi-voix « Il s’agissait de lui trouver un travail, elle en a un, non, moi j’ai toujours dit le social n’est pas notre truc, nous on est des financiers. – Si en plus il faut la payer, ajoute Franz.
Vous êtes mal à l’aise ; vous n’appréciez pas beaucoup Samia, son maquillage, ses robes en lamé dorés et des chaussures à talons de
Allez vers Hélène ; l’épouse de Si Mohamed, vieille dame à chat et à tasse de thé, vous a longtemps paru délicieuse, avant que vous ne découvriez qu’elle est aussi vide qu’un vase sans fleur. Elle vous sourit. Vous essayez une conversation. Cela ne prend pas. Ça va ? Oui. Et les enfants ? Ça va aussi. Il fait chaud ? Oui, mais l’année dernière il faisait chaud aussi. Mais là, on est bien. Oui, il y a de l’air. C’est bon, le repas. Les gens sont sympas. Bon.
Le directeur de l’école française parle avec le responsable marketing d’une grosse boîte américaine ; ils se la jouent expats. Ils parlent de Singapour et de l’Amérique du Sud. Enfin, l’un parle de Singapour, et l’autre lui répond à propos de l’Amérique du Sud ; ils ne s’écoutent pas ; ils se prouvent mutuellement qu’ils sont des expats voyageurs.
Vous reprenez une flûte et vous allez caresser le chat ; finalement, il n’y a que lui de sympa.
D’où mon interrogation : pour boire du champagne dans les bougainvillées, il faut quand même supporter tout ce petit jeu social. Pas d’amis, pas de gentillesse, pas de culture. Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? Sans bougainvillées et piscine, sans la nuit douce qui vous entoure, sans le murmure des voix, le champagne n’a pas toute sa saveur ; mais avec tout cela, sa saveur se nuance d’amertume. Quel choix est possible quand on aime le champagne ?
Publié par antagonisme à dimanche, juin 24, 2007 10 commentaires
21 juin 2007
Souvenir
A cause des commentaires de mon précedent message, un souvenir très curieux me revient. Ce n'est pas la première fois.
(ça n'a rien à voir avec la teneur des messages).
Je suis dans un train entre Paris et La Bourboule avec ma mère. Ce train part de Paris à 12h56, je crois, c'est le thermal.
J'ai 13 ans, je suis en pleine phase de mal être, je me troucve grosse et moche (je ne suis pas grosse, par contre à l'époque, entre l'acné et mon air gourde je ne suis guère regardable) et je lis "Gog et Magog" de Martin Buber.
Dans le wagon il y a un type, je ne sais plus s'il est là depuis Paris. Il se met à me parler, de son propre chef. Je ne me souviens pas de la conversation, mais je trouve bizarre qu'on me parle. En effet, il me parle comme à une adulte et il a l'air de chercher à savoir ce que je pense. Je suis très mal à l'aise, car je me trouve nulle, bête, etc... Ma mère parle un peu avec lui, mais elle ne monopolise pas la conversation, elle a compris qu'il voulait me parler, de littérature, ou d'idées. Le type est sympa. Avant son départ, je lui fais remarquer que c'est curieux pour un adulte de parler à une enfant. Il me répond, du tac au tac, que ce n'est pas tous les jours qu'on rencontre dans le train des enfants qui lisent Martin Buber. Je regarde le livre que j'ai dans les mains, je l'avais oublié. Je rougis (parce que je suis très fière). Je demande au type son nom, et c'est là que ça se complique, car il me dit qu'il est journaliste et qu'il s'appelle - dans mon souvenir - Eduardo Galeano. Cela ne me dit rien et je dis "ah". En revanche, je trouve ça bizarre qu'il m'ait fit son nom et je l'ai toujours retenu.
Cela doit remonter aux années 80. Est-il possible que je l'ai rencontré? Il n'est pas descendu à La Bourboule, mais avant, peut-être à Vichy ou Clermont.
A part ça, les commentaires de Libertad et de Pablo me plongent dans des abîmes de réflexions. Moi aussi je me sens mal avec les Français, et on m'a déjà trouvé l'air espagnol ou arabe (libanaise).
Il faudrait que j'aille en Chine, pour voir si on me trouverait un air chinois.
Publié par antagonisme à jeudi, juin 21, 2007 5 commentaires
16 juin 2007
Proust
C’est l’un de mes auteurs préférés, peut-être pas le favori, parce qu’à force de le relire (il permet d’échapper délicieusement aux univers médiocres) je m’en suis un peu fatigué, mais le plus fin et le plus réconfortant.
Mais beaucoup de gens ne l’aiment pas ; on ne l’aborde qu’avec difficulté.
On n’est pas obligé de tout lire d’un coup. Moi, je relis toujours les mêmes parties.
D’abord le début.
Longtemps je me suis couché de bonne heure.
Le narrateur relate avec un luxe de petits détails qui caressent notre sensibilité et notre imagination l’heure de son coucher ; il craignait de quitter ses parents, et ceux-ci s’étaient mis en tête de l’aguerrir et lui faire passer ses angoisses et sa nervosité par une éducation voulue ferme mais qui n’est que celle d’un enfant surprotégé. Seul enfant perdu dans un monde d’adulte, il n’aspire à rien d’autre qu’à la présence de sa mère qui n’a aucune personnalité dans le livre, mais qui est sa mère. Bon, j’admets qu’on lui donnerait bien quelques coups de pied dans les fesses, mais c’est raconté avec une telle subtilité…
Je le cite car je m’exprime si mal :
Par tous ces côtés, une matinée comme celle où je me trouvais était quelque chose de beaucoup plus précieux qu’une image du passé, mais m’offrait comme toutes les images successives, et que je n’avais encore jamais vues, qui séparaient le passé du présent, mieux encore, le rapport qu’il y avait entre le présent et le passé, elle était comme ce que l’on appelait autrefois une vue optique des années, la vue non d’un moment, non d’une personne située dans la perspective déformante du temps.
Telle est notre vie, tels nous sommes tous, n’est-ce pas ? Mes deux Titou n’ont pas grand-chose encore mais dans 50 ans existeront en eux des milliers d’eux-mêmes qui réunis et superposés les composeront.
Et moi-même, qui ne peut me souvenir de
Proust à nouveau :
Alors la vie nous apparaît comme la féerie où on voit d’acte en acte le bébé devenir adolescent, homme mûr et se courber vers la tombe. Et comme c’est par ces changements perpétuels qu’on sent que ces êtres prélevés à des distances assez grandes sont si différents, on sent qu’on a suivi la même loi que ces créatures qui se sont tellement transformées qu’elles ne ressemblent plus, sans avoir cessé d’être, justement parce qu’elles n’ont pas cessé d’être, à ce que nous avons connu d’elles jadis.
C’est génial, non ?
Bon, il faut rentrer dedans. Mais ça vaut le coup, m… Surtout quand on voit ce qu’il y a à l’extérieur.
Et dans la troisième partie du Coté de Guermantes. Là, c’est extraordinaire ;
Swann, le héros, se rend chez les Guermantes en même temps que le Narrateur.
Les Guermantes sont invités à une soirée. D’abord, Basin, le mari d’Oriane, grand mondain, craint que le décès d’un membre de sa famille ne le contraigne à un deuil qui le priverait de la soirée : il espère que la nouvelle du décès ne leur parviendra pas avant leur départ. Ensuite, après une conversation légère, Swann, ami d’Oriane, mais ils ne se voient plus depuis le mauvais mariage de celui-ci, lui annonce, avec politesse, qu’il ne pourra la retrouver en Italie parce qu’il sera mort.
Proust :
Placée pour la première fois de sa vie entre deux devoirs aussi différents que monter dans sa voiture pour aller dîner en ville, et témoigner de la pitié à un homme qui va mourir, elle ne voyait rien dans le code des convenances qui lui indiquât la jurisprudence à suivre et, ne sachant auquel donner la préférence, elle crut devoir faire semblant de ne pas croire que la seconde alternative eût à se poser, de façon à obéir à la première qui demandait en ce moment moins d’efforts, et pensa que la meilleure manière de résoudre le conflit était de le nier. « Vous voulez plaisanter ? » dit-elle à Swann.
– Ce serait une plaisanterie d’un goût charmant, répondit ironiquement Swann.
Swann n’est dupe de rien, il sait que la duchesse sait qu’il va mourir, mais, prisonnier du monde dans lequel il vit, il n’insiste pas.
Mais (la politesse) de la duchesse lui permettait aussi d’apercevoir confusément que le dîner où elle allait devait moins compter pour Swann que sa propre mort.
Ironie, subtile, de l’auteur. Cette ironie désespérée et sans espoir qui traverse le livre lui donne une dimension pour laquelle je ne trouve pas de qualificatif.
Ensuite, Oriane invite Swann à déjeuner, et s’en va, car son mari la presse, très grossièrement, alors même que Swann vient de lui annoncer qu’il va mourir dans quatre mois. Mais au moment d’entrer en voiture, sa jupe glisse et Basin voit qu’elle porte des souliers noirs avec sa robe rouge. Il lui ordonne d’aller se changer. Oriane est gênée : il vient d’insister lourdement pour qu’ils y aillent, et donc, de congédier Swann, mais maintenant ils ont tout le temps, s’il s’agit de quelque chose d’aussi important que de coordonner sa toilette. Oriane, qui sent bien l’indélicatesse, cède, car toute éduquée et fine et intelligente qu’elle soit, elle n’en est pas moins soumise à la tyrannie de son mari. Elle remonte changer de chaussures, et Basin demande à Swann et au narrateur de partir, car Oriane les aime trop, s’ils restent elle va encore leur parler et elle sera épuisée.
Cette scène, plus que d’autres (mais à chaque lecture je redécouvre le roman), montre à quel point nous sommes tous seuls, désespérément seuls. Est-ce que ce n’est pas exactement notre vie ?
Ce n’est pas tout même si je peine à l’écrire. Chaque mot de Proust sonne comme une petite vibration subtile, et l’harmonie entre toutes ces petites vibrations procure une sensation d’amplitude, de respiration, de bonheur, de lumière, d’intensité.
Mais ce n’est pas tout. Prenons cette phrase.
Placée pour la première fois de sa vie entre deux devoirs aussi différents que monter dans sa voiture pour aller dîner en ville, Cette phrase suggère qu’Oriane est coincée, prisonnière, on pense à un triptyque dont elle serait l’élément central ou à un étau qui se ferme, ou au deux, et la tension impalpable entre ces deux images totalement dissemblables, l’une qui met Oriane au centre d’une œuvre, l’autre qui l’écrase, vraies toutes les deux, donne de la profondeur à l’image.
et témoigner de la pitié à un homme qui va mourir, Le patient anglais ? les infirmières de
elle ne voyait rien dans le code des convenances
Oriane est soumise à des règles, elle est somme toute très étroite d’esprit, avec toute sa culture et sa subtilité, et son code est aussi misérable que celui des convenance
qui lui indiquât la jurisprudence à suivre
elle ne sait tout simplement pas quoi faire, elle hésite, elle qui sait toujours tout dire, toujours parfaite dans ses réactions mondaines. Swann l’a piégé, pour la piéger il faut qu’il paie de sa personne, car il vit dans un monde très dur et très superficiel. On pense, fugitivement à Ehrengarde, une nouvelle de la subtile danoise Karen Blixen, dans laquelle une jeune femme noble à principes « piège » involontairement Casanova qui avait pourtant prévu de la posséder toute entière d’une façon très originale, et qui se retrouve pris à son propre piège. Oriane a mis Swann et sa femme au ban de la bonne société, au ban de son monde, impitoyable et cruelle. Swann ne lui en veut pas, il vient désarmé, faible, pour regarder des tableaux, pour, disons, communiquer par l’esprit avec elle, et tandis qu’elle le congédie, il prend le pas sur elle.
et, ne sachant auquel donner la préférence,
à nouveau la soumission d’Oriane, car elle aurait du donner la préférence à la compassion, naturellement, mais nous devrions tous le faire et arrêter tout ce que nous faisons maintenant parce que les Tibétains sont exilés dans leur propre pays parce que maintenant que j’écris et maintenant que vous lisez, un enfant meurt en Chine dans un hôpital psychiatrique pour les enfants d’opposants, parce qu’il n’a pas été soigné d’une appendicite parce qu’on s’en fout des enfants des opposants, et un autre, caché dans une cage d’escalier obscure, pleure parce qu’on s’est moqué de son bégaiement, et tout cela n’est rien à côté des réfugiés africains, une vielle femme, par exemple, qui a tenu jusqu’au camp mais qui est en train de mourir – vous le savez et moi aussi, mais nous ne savons pas à quel problème donner la préférence
elle crut devoir faire semblant de ne pas croire que la seconde alternative eût à se poser, de façon à obéir à la première qui demandait en ce moment moins d’efforts, et pensa que la meilleure manière de résoudre le conflit était de le nier.
Nous aussi. Nous nions. Parce que si on ne nie pas on est obligé d’arrêter toute notre vie.
« Vous voulez plaisanter ? » dit-elle à Swann.
C’est une blague ? On sait bien que la mondialisation c’est super chouette. S’il y a des SDF, c’est juste que c’est pas de bol, ils n’ont qu’à faire un effort.
Il y a bien plus que cela dans chaque phrase, bien sûr, mais je résume. Je peine tant à exprimer toute cette subtilité.
Publié par antagonisme à samedi, juin 16, 2007 4 commentaires
15 juin 2007
Aller voter
Voter, selon certains, ne sert à rien car les circonscriptions ne sont pas équilibrées entre elles. Il serait peut-être approprié alors de réclamer leur redécoupage, mais si aucun parti ne le fait, c'est peut-être parce qu'ils y trouvent tous un avantage - pure supposition gratuite, je n'en sais rien.
Mais il faut aller voter.
D'abord, parce qu'on en a le droit et que tant d'autres ne l'ont pas. L'abstentionnisme fait enfant gâté.
Ensuite parce qu'il faut soit créer une opposition, même limitée, soit renforcer légistimement le pouvoir en place. Il sera ridicule, ensuite, de descendre dans la rue toutes les trente secondes pour râler. Avant cela, on a des instances, peut-être pas idéalement représentatives, mais tout de même représentatives.
Même si on n'aime pas le Président, et si la politique évolue curieusement en France, le système démocratique est le meilleur du monde et c'est en le soutenant qu'on le renforce.
Ce qui se passe en France ou en Europe a déjà eu lieu. Les citoyens athéniens ont fait à leurs gouvernement (le fameux Périclès était en fait membre d'une grande famille, liée de très près à la royauté antérieure, les Alcméonides, et il a été élu 15 ans de suite sur des discours; il avait plein de copains liés à des scandales - religieux, bon, mais le contexte était diférent : disons qu'il ne devait pas avoir un grand respect intérieur, ni ses amis, pour les règles et les divinités) les mêmes reproches que nous leur faisons. On n'a cependant pas empêché les Athéniens d'élire quelqu'un d'autre : si les peuples sont des veaux, cela ne veut pas dire que le système soit mauvais.
Lorsque les Athéniens se sont tellement désintéressé de la politique, Athènes est morte (je schématise un peu, j'avoue, mais c'est l'idée).
Ou alors j'ai peut-être tort. Je me trompe peut-être.
Faisons une autre lecture des évènements : menée par un puissant, Athènes est une grande puissance; quand les démagogues s'en empare, le peuple n'utilise pas le système pour gérer l'état au mieux. Donc, la démocratie c'est de la m... (idée de l'extrème-droite française).
Donc ne votons pas.
Les députés seront élus par de moins de moins de gens, puisque plus personne n'y croira.
Ils modifieront la constitution et nous laisserons faire, car ceux qui nous alerteront, nous ne les croirons plus, puisqu'ils sont tous pourris. Nous croirons le plus politique, celui qui nous convaincra.
Des modifications successives alièneront peu à peu le pouvoir au peuple, mais des remises budgétaires le calmeront.
Des programmes télé triés sur le volet l'endormiront.
A l'école, on supprimera la littérature (on va dans ce sens), la philosophie et l'histoire géo : à quoi ça sert? Les langues étrangères et les sciences, ça c'est quand même un savoir pratique.
Dans une génération, ils ne sauront plus penser ni critiquer : râler bien sûr, toujours, mais on leur donnera de petits morceaux de satisfaction qui leur donneront de petits sentiments de victoires éphémères.
Puis, nous aurons, comme d'autres, des présidents élus à vie, et des députés présents pour le soutenir et non pour représenter la nation.
On sera heureux. Comme les Romains sous Auguste.
Publié par antagonisme à vendredi, juin 15, 2007 2 commentaires
Belle
Je nourris une passion coupable pour la chanson intitulée Belle.
Le prof de musique du collège, qui a remarqué que j’aimais la musique et que je possédais un étonnant mélange de culture et d’inculture musicale (mais en Espagne je vais devenir un génie de la musique, je vais faire des blogs sur tous les sujets qui m’intéressent), a tristement grimacé quand je la lui ai fait écouter.
- La ligne mélodique est très pauvre, m’a-t-il tristement dit. Et le rythme…
Oui. D’accord. Mais, à titre de comparaison, quand j’étais en France, j’aimais le jambon de pays (j’ignorais – peut-on imaginer une telle chose – l’existence du serrano) et le mauvais jambon sous vide honni par Jean-Pierre Coffe. Personne n’est parfait. (j’aime aussi YMCA et Abba, ce qui fait pouffer des tas de gens, du moins ceux qui sont assez vieux pour savoir ce que c’est…et qui croient que je tombe à genoux que devant Mozart, Bach et Donizetti – d’ailleurs je ne tombe pas à genoux devant ceux que j’ai cité avant ; ah oui, j’aime aussi certains chansons de Didier Barbelivien, on touche le fond, je crois – je n’aime cependant pas, voire je hais viscéralement Mireille Matthieu ; mais je crois qu’à moins d’être vraiment pervers…).
Pourquoi Belle ?
Primo, les arguments, quoique simplifiés, des trois amoureux, me touchent.
Deuxio, c’est avec émotion que je me souviens de l’auteur de cette histoire éternelle. On a beau avoir été un écrivain déifié du XIXème siècle, un tyran domestique, on a beau avoir écrit, et les plus beaux poèmes de la langue françaises, et des vers de mirliton, eh bien, il reste qu’une bonne histoire est une bonne histoire ; que le talent traverse les siècles ; qu’ à travers adaptations aventureuses, interprétations simplistes et mises en scène ennuyeuses, qu’une histoire de Victor Hugo puisse avoir encore un tel succès populaire me paraît un ultime hommage à son talent pas toujours fin, mais tellement puissant. Tous les profs de français que j’ai connu font la fine bouche devant Victor Hugo ; trop paternaliste. Ennuyeux. Gonflant. Cela me bouleverse. Comment peut-on être aussi oublieux ? Esmeralda, le prêtre tartuffe et tourmenté, Quasimodo, le soldat joli-cœur, Gavroche, Cosette, Eponine, Javert, Jean Valjean, tous ces personnages existent aujourd’hui partout dans le monde. Pourquoi ne pas le donner à lire, et à voir en vidéo, aux enfants ? Pourquoi ne pas en faire des adaptations plus inspirées (c’est vrai que, à part la comédie musicale, les adaptations sont souvent pompeuses) ? Pourquoi ne pas le situer en Afrique ? Voire en Asie ? Et une Esméralda arabe, face à un imam …. Non, là, c’est la bombe à coup sûr. Comment les gens peuvent-ils être aussi tartes (je pense aux profs de français) ?
(Je relis un coup Sénèque pour ne pas m’énerver).
Tertio, les hommes chantent en contre-chant et j’aime bien (bon, c’est léger).
La fin des Misérables (il fallait oser, enfin c’était le style de l’époque).
Sans doute, dans l’ombre, quelque ange immense était debout, les ailes déployées, attendant l’âme.
Un vers de mirliton (ça fait
La fin d’un poème sublime :
…..
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Tellement simple qu’on aurait pu l’écrire, n’est-ce pas ?
Publié par antagonisme à vendredi, juin 15, 2007 5 commentaires
12 juin 2007
Argent
Bien que je sois incapable de me situer politiquement, il y a des trucs (contradictoires au regard des idéologies actuelles) que je sais sur moi.
Ce n'est pas forcément intéressant, moi, mais un élément me paraît important : je déteste dépenser de l'argent.
Au premier regard, ça me donne l'air radin. Mais bien que je le sois un peu, ce n'est pas le problème. Ce que je déteste, c'est juste dépenser pour dépenser (le shopping, par exemple) ou, pire, dépenser pour avoir l'air d'avoir dépenser (ma montre est plus chère que la tienne).
Exemple : je déjeune avec plein de gens, dont un Belge, fort copain de Si Mohamed (chez Si Mohammed, d'ailleurs, toujours princier, champagne, piscine, mais ne rêvez pas, ce n'est Jet-set, ça coince sur tous les détails, chaises en plastoc et meubles comme chez C***t*r*m*, mais bon, je ne regarde que ma coupe de champagne et à l'époque j'aimais bien Si Mohammed). Bref. Le belge a une belle montre. Je lui dis : "Oh, tu as une belle montre!"Et il me répond (ça n'était pas écrit dessus) : "6000 euros", ce qui m'a coupé la voix, non par par le prix, mais ce type de réponse me laisse dramatiquement sans voix. Comme je suis nulle dans le débat idéologique, je lui ai dit que je n'admirais pas le prix, mais le design (et je serai capable de m'acheter une montre comme ça, sur plusieurs années parce que je ne suis pas siriche, si toutefois je ne craignais pas avant tout de la perdre, car je perds tout). Il s'est lancé dans un discours de base sur le thème de quand on veut de la qualité il faut payer, j'ai essayé de lui faire remarquer que ce n'était pas obligatoire, que la société pouvait être conçue différemment, mais il n' a rien écouté. Je déteste les débats avec des idiots et j'ai fait mmm-mmm ensuite. Je n'ai qu'à être cohérente et ne pas fréquenter ce genre de gens (mais j'adore trop le champagne, et ça se boit si bien en société, autour d'une piscine, entouré de bougainvilliers et de lauriers-roses, de préférence avec des serveurs stylés en gants blancs - il n'y avait pas de serveurs ce jour-là, et je ne vois plus ces gens, malgré mon goût pour le champagne, ils ne m'invitent plus, facile de deviner pourquoi : au milieu d'eux, je deviens, sans changer, une dangereuse gauchiste).
Bref. Dépenser de l'argent. Acheter un frigo; puis un autre, plus grand. Puis une chaîne HIFI? Puis un MP3, puis un MP4, changer le frigo, acheter une nouvelle machine à laver parce que l'ancienne fuit, un lecteur CD qu'on branche sur la télé, une télé plus grande parce que l'image est mieux, un écran plus parce que l’image n’est pas déformée, il ne faudrait surtout pas que les images du JT nous parviennent altérés sur les côtés… Voilà notre vie. Que nous le voulions ou pas, nous nous situons confusément dans cette logique. Un écran plat c’est quand même mieux – même moi je l’ai concédé sans réfléchir à mon mari, et tant qu’à faire c’est quand même mieux, mais mieux que quoi ? Qu’un écran pas plat ? Et alors ?
Présenté comme ça, cela semble dérisoire. Est-il possible que 2000 ans de civilisation judéo-chrétienne aient produit cela ? Que les descendants de ceux qui luttaient pour que le bonheur soit une idée neuve en Europe se soient transformés en consommateurs avides ?
La société de consommation nous rend fou. Je l’ai constaté ici, parce qu’il n’ya pas grand-chose à consommer ; il y a d’autres défauts. Les Ifriqiyiens se jettent d’ailleurs sur tous les petits morceaux de société de consommation avec une inquiétante avidité.
C’est délirant. On mange trop, on s’évite tous les efforts de déplacements, on grossit, on meurt de maladies évitées avec plus de faim et d’efforts. Mais on ne songe même pas à s’interdire de manger, ou alors cela devient maladifs ; il y a tant à manger que le refus de nourriture est maladifs. Dites donc à vos copines mères de famille que votre enfant saute un repas et qu’il n’en mourra pas ; elles blêmiront. (je ne blague pas ; je l’ai déjà fait ; mes enfants sautaient souvent des repas, quand ils mangeaient mal je leur disais que je n’allais pas leur préparer un repas pour rien ; heureusement que je ne suis pas en France, j’aurais eu les services sociaux sur le dos).
Finalement, dans notre société, il faut manger et acheter des appareils.
Ce qui est bien, c’est de regarder Qui a peur de Virginia Woolf, et même sur un écran déformé, c’est mieux que TF1 sur un écran plat.
Le message se pervertit au profit de l’emballage, si je puis dire. On mange de la merde, mais dans des boîtes bariolées. On regarde de la merde, mais sur un appareil super perfectionné..
Publié par antagonisme à mardi, juin 12, 2007 5 commentaires
10 juin 2007
John Q.
Vu hier soir un excellent film, malgré quelques petits défauts : John Q., de Nick Casavetes, le fils de John (je ne sais plus si c'est John car je l'ai toujours appelé par son prénom).
Réussir à faire un film correct avec un sujet aussi aride que les carences du système de santé américain, avec des personnages un peu ambigus (ni tous méchants ni tous gentils), un film avec des bons sentiments, de l'action, des rebondissements, du suspens : bravo. C'est un film plus pensé que senti, ou senti trop à l'américaine.
Bon, évidemment, son père était plus inspiré... Mais parfois un peu obscur... Cela étant, je ne compare pas, je suis une fan du papa, mais je trouve que le fils tire bien son épingle du jeu. Nick aurait pu être trop réalisateur hollywoodien, insipide, ou alors hystériquement engagé. Au lieu de cela, ses films, bien que manquant un peu de souffle, de poésie, du petit quelque chose qui fait que, sont quand même nettement au dessus du niveau du film américain de base. De toute façon, j'aime bien les films à messages (je suis une fille simple), sauf quand ils sont chiants (c'est-à-dire français, en général - le Français, pour faire honneur à un passé qu'il ne comprend pas toujours - parlons un peu de Robespierre - se croit toujours obligé de faire des films gauchistes ennuyeux, conçus dans son 350 m2 à Bastille, au retour de soirée avec le Gotha intello-cinématographique parisien).
Bref, John, Q., c'est distrayant, émouvant, avec de bons acteurs.
J'ai vévu brièvement à NY et j'ai vu plein de film de série Z : les films américains que les distributeurs français achètent sont déjà excellents par rapport aux navets que les studio américains pondent.
Publié par antagonisme à dimanche, juin 10, 2007 0 commentaires
Pleins de trucs chouettes
Hier, je ne me suis pas laissé être démoralisée (merci au commentaire de Pablo qui m'a permis de voir que je l'étais). Je ne veux pas être démoralisée. J'ai une vie géniale, et trop tendance déjà à dramatiser. Alors me stresser pour d'authentiques crétins, non.
Sans rapport avec quoi que ce soit, j'ai fait une recherche sur Nauru. J'ai trouvé pleins de trucs fascinants, dont des articles, probablement partiaux ou incomplets, mais aussi deux sites pas mal, qu'il faut que j'explore : Global Witness et Publish what you pay.
Je ne mets pas les liens parce que je suis flemmarde et que je n'ai plus l'ADSL, et ça jusqu'à mon départ. Toutes les pages sont longues à charger.
Disons en deux mots que Nauru est une île du Pacifique, dotée d'immenses richesses (gisements de phosphates) et dont les habitants n'ont pas su profiter de leur manne financière. Comme certains gagants du loto, ils ont absurdement dilapidé leur argent et l'Etat a fait banqueroute.
D'où la nécessité pour les Etats, surtout très traditionnels, d'apprendre à gérer avec prudence. Tout un programme.
Publish what you pay est un projet auquel participe plusieurs ONG. Il s'agit de demander aux grosses sociétés exploitantes des ressources naturelles d'un pays (pétrole, gaz...) de rendre publics le montant de leurs impôts annuels, de façon à ce que les ressortissants du pays sachent combien elles ont reversé à l'Etat, sachant que nombre d'Etat, bien que riches (Nigéria, par exemple), ne redistribuent pas la richesse, donc les peuples vivent toujours dans la pauvreté. Je trouve ce projet excellent, encore faut-il qu'il soit rigoureusement mené.
Par ailleurs, ici, la richesse est plutôt bien redistribuée, si l'on compare à d'autres pays d'Afrique.
J'ai écrit plutôt bien, et non extraordinairement bien.
Publié par antagonisme à dimanche, juin 10, 2007 0 commentaires
09 juin 2007
Arrêter de se prendre la tête.
Je n'en ai pas marre d'ici, j'en ai marre de faire la même chose de puis sept ans. Partir fournira un chagement bienvenu mais dont les effets peuvent être pervers : je pars, avec moi-même, toujours. Dans un lieu plus fun qu'ici, mais voilà tout.
Peut-être, me dis-je parfois, qu'il n'y a rien de mieux sur terre que le n'importe où où l'on est : Paris me fait rêver, mais je m'illusionne moi-même : je rêve du passé, de mes années d'étudiante, finalement fort ordinaires, mais qui ne reviendront plus, ce qui leur donne un charme et un relief qu'elles n'avaient pas quand j'étais fauchée et que j'allais dans les rues du quartier de Saint Sulpice en enrageant de ne pouvoir me payer un restaurant et de n'avoir personne avec qui y aller (car je fantasmais déjà sur les restaurants et j'avais déjà des amis qui n'aimaient pas sortir au restaurant - c'est un truc que je ne comprends pas : comment je fais pour être aussi incohérente, même involontairement).
Un blog m'apprend que d'une certaine façon, Los Angeles n'existe pas; peut-être que Paris n'existe pas non plus, ni New York (autre sujet de fantasme). D'ailleurs, je ne sais pas pourquoi j'écris peut-être : rien n'existe, sauf le reflet du monde dans notre esprit.
Avant de partir je vais prendre des photos, ici : elles existeront un peu, quelles qu'elles soient et quel que soit ce que je mets dedans.
Je voudrais qu'elles montrent non pas ce que j'ai vécu du pays car mon vécu est laborieux, difficile, douloureux même, quoique pour de mauvaises raisons. Je me suis fait déborder par le monde et sa mesquinerie et je n'ai rien su gérer; alors qu'il suffisait de l'ignorer, mais j'ai du construire, à la truelle, un rempart et une tour pour m'en protéger. Vains efforts; on ne construit pas de remparts. C'est ridicule. C'était une idée que j'avais quand j'étais enfant, parce que je manquais de force. Il faut voler au dessus, et le regardant en souriant, ou en riant. Sénèque a écrit des choses très bien là-dessus (on peut toujours faire confiance à un type mort il y a 20 siècles pour parler des vrais problèmes de la vie). Le problème, c'est que j'ai construit le rempart et la tour, et que je suis toujours tentée de les utiliser.
Sénèque : (c'est moi qui bidouille une traduction)
Tu devrais penser qu’il ne faut pas s’exaspérer des erreurs. De quoi parle-t-on ? De se mettre en colère contre quelqu’un qui tâtonne dans l’obscurité ? Contre des sourds qui n’entendent pas les ordres ? Contre des enfants, qui négligent leurs devoirs et s’intéressent aux âneries de leurs camarades ? Pourquoi ne te mettrais-tu pas en colère contre les vieux, les malades, les fatigués ? Entre autres inconvénients de notre condition mortelle, on trouve l’aveuglement, et non seulement la nécessité mais l’amour des erreurs. Pour ne pas s’emporter contre une seule personne, il faut pardonner à tous, il faut excuser le genre humain.
Le sage, tranquille et imperturbable devant les erreurs humaines, non pas ennemi, mais correcteur des défauts, sort de chez lui tous les jours dans ces dispositions d’esprit : »Je vais croiser beaucoup d’alcooliques, de débauchés, d’ingrats, d’avares, de tourmentés par l’ambition ».Il regardera tous ces maux avec la bienveillance d’un médecin pour ses malades.
Publié par antagonisme à samedi, juin 09, 2007 1 commentaires
07 juin 2007
Ecole française
Suite à un commentaire de Pablo et à une longue pratique de l'école française à l'étranger, j'ai décidé de ne pas mettre Titounet à l'école française. Pour Titou c'est facile : de toute façon il n'y a pas d'école, donc c'est le collège espagnol (religieux; j'espère qu'il n'y pas d'uniforme). Pour Titounet, il y a école française. Mais moi j'en ai marre des écoles françaises. Elles sont remplies de Français qui se la pètent et d'étrangers qui se la pètent encore plus.
Hier, j'ai donc entrepris de circonvenir Titounet, à la base peu emballé de quitter le système français. Nous avons lu un livre extraordinaire, qui s'appelle "Maman, je peux t'aider?" en espagnol et qui est un guide pour apprendre aux enfants à faire le ménage ( avec les parents, en famille, dans la joie et la bonne humeur).
Il a lu et je lui ai dit : "Tu as vu! Tu lis déjà espagnol!" Ce qui l'a ébranlé. L'effet M. Jourdain, en somme.
Ce soir, Titounet (qui n'est pas sur terre pour rigoler, contrairement à son frère, et qui ne blague pas avec l'école) est venu m'apporter le livre pour le lire. Avais-je cru m'en tirer à bon compte? On doit apprendre l'espagnol, il ne faudrait pas se défiler. On a relu le bouquin. Avec un peu de chance, Titounet va parler espagnol avant Titou.
A part ça, j'ai eu le Hermano Director du colegio de Titou. Il n'y a pas de place pour lui mais bon, no te preoccupes mujer, ils me le prennent. Chic. Et est-ce que je lui donne des cours d'espagnol? Le Hermano Director rigole : un curso intensivo de playa y mar, este verano.
Voilà pourquoi j'aime bien l'Espagne. Comparé au sérieux de l'école française... Sérieux excessif et péteux, je trouve.
Il n'y a pas de contradiction entre mon jugement sur l'école française et ce que j'ai dit du savoir. Il n'y a rien de plus important que le savoir. Mais on peut être cool et se marrer. Et apprendre. Pas obligé de prendre des grands airs.
Publié par antagonisme à jeudi, juin 07, 2007 2 commentaires
06 juin 2007
Conseils de classe
Drame chez les quatrième; 10 redoublements sur une quarantaine d'élèves. Certains vont passer après entrevue avec le chef.
Ma question est la suivante : ils ne travaillent pas en cinquième, glandent en quatrième, comment peuvent-ils s'imaginer que tout va bien? Ils sont dans une logique du temps gagnée qui m'écoeure : je ne fous rien, je suis limite, je passe, l'année suivante je recommence... En seconde c'est l'hacatombe, et pour certains, qui, avec une ridicule vanité, pensent que, le jour où ils s'y mettront, ils y arriveront (un peu comme les drogués qui croient pouvoir s'arrêter quand ils veulent), c'est l'effondrement, car ils ne savent pas ce que c'est que le travail, l'effort, les exercices maintes fois répétés et qui ne servent à rien en apparence, jusqu'au moment où...
Je ne comprends pas... Moi non plus je ne fichais rien. Je détestais l'école. A chaque conseil de classe je rentrais la tête dans les épaules. Je savais bien qu'un jour ça se terminerait, tout ça... J'ai eu de la chance, je ne me suis plantée qu'en fac, et là j'ai découvert que les leçons s'apprennent, les exercices se refont, etc. Mais dans ma période où je ne fichais rien, je ne croyais pas que je travaillais, et chaque fois qu'on me faisait la morale, je savais bien qu'on avait raison.
Mais eux, non. Cela me démonte. J'en ai un à la maison, je sais comment ils fonctionnent. Il se met devant son livre, le regarde intensément, le lit, et au bout d'un moment, vient me dire : ça y est! J'ai travaillé. En fait, travailler, pour lui, c'est s'abstenir de jouer pendant un certain temps. Je lui demande s'il sait sa leçon. Il me répond : en tout cas, je l'ai apprise (après, si la leçon apprise n'a pas voulu rester dans sa mémoire, il décline toute responsabilité : il a rempli son contrat). Moi, je l'engueule et je lui explique que ça n'est pas ça, travailler. Il m'écoute, soupire, lève les yeux au ciel... Mais cahin-caha, il apprend deux trois trucs, assez laborieusement.
Les autres sont pareils, sauf qu'ils croient vraiment que travailler c'est parcourir une leçon des yeux.
Un jour, j'ai dit à un cancre notoire (charmant, grande famille indutrielle, qui me traitait avec une condescendance bienveilllante, genre petit personnel) : "Combien d'heures travailles-tu chez toi le soir?"
Il m'a regardé avec incrédulité : "Combien d'heures? "
Alors, lui ai-je dit avec mon sérieux de prof, tu ne peux améliorer tes résultats.
Cette fois, c'est avec amusement qu'il m'a regardé.
Améliorer ses résultats? Une idée de prof.
Cela me démonte. Le savoir est quelque chose qui n'a pas de valeur chiffrable. Il n'y a rien de plus important sur terre, après l'eau, l'air et la nourriture, puisque sans savoir on ne peut rien faire. Quel que soit ce savoir, il faut savoir faire quelque chose : cultiver une terre, fabriquer un objet, résoudre des problèmes. Plus le monde est complexe, plus l'acquisition des savoirs est complexe.
Bon, moi je suis spécialisée dans un savoir de base, qui sert à former l'esprit, et dont l'utilité n'apparait pas dans un premier temps. Mais quand je tiens ce discours à mes élèves, je les vois avoir pitié de moi.
Je ne suis pas une "vraie prof". Les vrais prof sont très flexibles par rapport à ça. Ils s'en foutent. Ils savent que ce qu'ils font est bien.
Moi j'ai envie de tous les envoyer se faire f***, ces petits merdeux... Je ne suis pas une vraie prof.
Publié par antagonisme à mercredi, juin 06, 2007 5 commentaires
03 juin 2007
Dormir avec un bébé
par hasard, je tombe sur un site qui évoque le problème du sommeil des enfants.
Je ne sais que penser de tout ce qu'ils disent, car je ne vois pas là de quoi écrire sur des évidences mais je me pose la question suivante : tout ce qui entoure la venue au monde d'un enfant, en France, est hyper normé, d'une façon hallucinante. Il faut ceci et cela, il ne faut pas ceci et cela.
Je me souviens m'être posé beaucoup de questions, et ma belle-mère était très pénible. Ma mère aussi, d'ailleurs, mais pas pour les mêmes choses.
Relativement à l'alimentation, il existe des pseudo règles, mais ce qui est amusant, c'est que j'ai eu des prospectus du même style en espagne (pas le petit livret de la sécu, non, un papier photocopié par un pédiatre) et que les bébés espagnols doivent être différemment fichus des bébés français parce que selon le papier de mon médecin espagnol, il fallait commencer la compote de pommes à quatre mois alors qu'en France c'est à deux je crois, à moins que ça n'ait changé. Pas de purée de carotte pour les bébé espagnols avant six ou sept mois alors qu'en France c'est quatre mois.
Parce que je m'étais pris la tête avec Titou, j'ai décidé d'être cool et de ne pas me faire ch.. avec Titounet. J'ai décidé qu'il boirait des biberons de lait aussi longtemps que ça m'arrangerait. Quand j'aurais le temps de lui mixer un truc, je le ferais mais sinon biberon. Je l'ai gavé de biberons jusqu'à l'âge de huit mois. En a-t-il eu marre? A huit mois il repoussait la tétine avec sa langue, genre fallait pas le prendre pour un bébé. Je suis passé comme une fleur du biberon à la cuillère en une semaine. Parce qu'il l'avait décidé, c'est comme ça que je l'ai percu. En fait, ce que je ne voulais pas, c'est passer du temps à lui donner à manger à la petite cuillère pendant qu'il faisait pff et que je me prenais tout dans la figure. Quand il en a eu marre du biberon, il n'a presque plus fait pff en mangeant et il n'y avait aucun problème.
Durant le premier mois il pleurait la nuit et je l'ai mis dans son lit auprèsde moi pour pouvoir le toucher quand il pleurait. Et voilà. Il ne pleurait plus. Je dormais. Ne pas se prendre la tête.
Le soir, il dormait à peu près à des heures ouvrables, avec des périodes bizarres. Par exemple, pendant une semaine, vers les six mois, il s'est mis à s'endormir à six heures du soir pour se réveiller à neuf heures du matin. Eh bien pourquoi pas.
J'ai toujours essayé de me régler sur lui, pour faire les choses avec lui et pas contre. Cela a été plusfacile. Mon objectif était de nous simplifier la vie àtous les deux.
Mais beaucoup de jeunes mères, normées par l'entourage, essaient d'appliquer des règles extérieures - peu importe les quelles. des heures pur manger; des heures pour ceci. Quand c'est le deuxième, de toute façon, il est pris dans des règles parce qu'il y a un moment où on va chercher l'ainé à l'école, ou des trucs comme ça, mais faut-il s'encombrerde plus de règles?
Une de mes amies, quand elle a eu son fils, faisait un truc ahurissant (mais, naturellement, avec la meilleure bolonté du monde). Dieu sait d'où lui venait la certitude forte qu'un bébé a besoin de cadres fixes et immuables; ou peut-être en a-t-ilbesoin, mais chez elle, cela avait pour effet de lui régler sa vie heure par heure, en particulier le sommeil. Il devait dormir à huit heures, pas huit heures cinq ou quinze, non huit heures. Je l'appelais d'Espagne et un peu avant huit heures elle me disait, non, pas maintenant, je dois le coucher à huit heures, je te rappelle après. Moi : mais on n'en a pas pour longtemps (retevision faisait une promo du genre 15 minutes de téléphone par jour pour 10000 pesetas par mois, ou un truc comme ça), on en a pour 15 minutes, ah non, c'était huit heures pile.
Il n'est guère charitable de ma part de préciser que son fils va chez un psy depuis six ans et qu'il est énurésique, mais quand elle m'a appris l'énurésie de son fils et ensuite sa décision d'aller chez un psy je n'ai pas été surprise. Non que le lien soit évident entre coucher à huit heures et les pipi au lit, mais il y avait quelque chose d'étrange dans cette obsession qu'elle avait de le coucher à huit heures, quelque chose qui la dépassait, comme une phobie. Je ne lui jette pas du tout la pierre parce que chacun a son passé et le sien est lourd, c'est comme ça, c'est la vie, c'est pas de chance et il faut faire avec. Mais je pense que ce souci de suivre une règle vient de notre société. Si on fait ça et ça, tout va bien aller, comme si par des comportements sages on pouvait éradiquer tout le mal du monde.
Publié par antagonisme à dimanche, juin 03, 2007 2 commentaires
02 juin 2007
N'importe quoi
- Ce soir, nous mondanisons. Je suppose que c'est parce que c'est la fin. On va être invité partout. Oh! Vous partez! Vous n'allez pas regretter? Chef d'entreprise avec épouse, enfant, 4x4, et tout et tout. Je ne epux rien dire à l'Ours parce qu'il y a deux ans c'est moi qui le traitais de sauvage. Si on me montre encore un Français, je commets un crime. D'ailleurs ce n'est pas vrai. Je vais y aller et je vais être polie. Oh, ta sauce!!! Mais comment tu fais? (Je peux aussi ne rien dire mais je risque de m'endormir)
- Il pleut. On est en juin, on est en Afrique du Nord, m... et IL PLEUT COMME VACHE QUI PISSE.
- Je n'ai rien mangé de la journée. J'ai lu des blogs. Je suis accro.
- Je vais à l'expo d'une élève, une fille adorable.
Publié par antagonisme à samedi, juin 02, 2007 4 commentaires
Incohérences
Nous sommes le 2 juin, je déménage dans un mois et demi si tout va bien et un truc horrible est en train de m'arriver : je me sens triste de partir.
triste? triste? Moi? De quitter ce pays? Moi?
Je suppose qu'on ne vit pas impunément sept ans quelque part sans s'attacher. Je me demande à quoi, d'ailleurs. Je ne passe pas mes journées dans la palmeraie.
Les imbéciles d'ici, si ça tombe, dans deux ans, dans trois ans, je les comparerai aux nouveaux que j'aurai connu (vous remarquerez que je suis super positive et très sociable!) et je les trouverais sympa. Je crains fort, là-bas, de tomber dans l'expat de classe internationale, ex-co, école de commerce vous voyez.
Pire que cela, je pourrais tomber dans le rien du tout, fréquenter trois mères de famille obsédées par les magasins de vêtements pour enfant ou l'amélioration des résultats scolaires de la progéniture, qui déploreront la qualité des programmes télé espagnols, par exemple, ou adoreront TF1 ou Noche de Fiesta (j'avoue un truc : j'adorais cette émission tout en la trouvant complètement crétine; en français, j'aurais détesté, en espagnol je trouvais cela géniale). Je ne sais pas. La variété des gens que je peux détester est infinie. Mais tant qu'à faire, je préfère qu'ils soient consul ou chef d'entreprise : la pose dégoûtée fait mieux, vous voyez?
Qu'est-ce qui était bien ici?
Eh bien, je crois que ce sont mes élèves qui vont me manquer. En fait je crois que j'aime bien être prof. Mais je veux moins travailler. Prof, mais juste un peu.
Bon, vous, vous croyez qu'un prof ne bosse que dans sa classe. Le reste du temps il baguenaude. J'ai passé 22 heures à faire cours et 18 à corriger des copies cette semaine. Plus je suis fatiguée et plus je corrige lentement. Après il y a un jeu que je prépare avec d'autres profs, il faut taper les questions. Nous avons eu une réunion et la semaine prochaine ce sont les conseils. 15 heures de cours, avec 10 heures de correction, ce serait cool. Et pas de conseils.
Et corriger une copie c'est se taper ça (une copie moyenne):
(Le thème était la mondialisation des échanges).
Mais qu'est-ce qu'ils ont appris, m..?
Vous admettrez qu'ils ont besoin d'apprendre à structurer leur pensée, non? (si tant est qu'ils pensent).
Finalement non, je vais prendre d'autres photos des copies de mes élèves et tout va très bien aller, je les regarderais dès que je me sentirai nostalgique.
Publié par antagonisme à samedi, juin 02, 2007 4 commentaires