C'est un sujet dont je ne parle que très peu.
Mes enfants.
D'ailleurs je n'ai pas envie d'en parler, enfin pas aujourd'hui. En fait je veux rebondir sur ce que j'ai lu chez Sophil de l'eau.
Ce que j'ai lu m'a tellement fait penser à mon cas que je veux en parler.
Commençons par le début.
Le début c'est qu'on aime ses enfants, on les aime tellement qu'on veut tout bien et tout beau pour eux. Moi quand il était en, disons, GS, il n'était pas en France et il en était à son deuxième système scolaire. Je lui faisais faire plein d'exercices. Si vous saviez comme j'en ai honte maintenant!!! J'ai fait mille fois pire que Sophie, je le faisais travailler trois fois dix à vingt minutes par jour, en plus de l'école. Ce n'est pas beaucoup, me disais-je. Ce n'est pas une question de temps, en fait. C'est une question de principe. L'ai-je laissé se débrouiller? L'ai-je cru capable de gérer lui-même, avec l'intelligence qu'il a, ses apprentissages? Non. je criagnais qu'il lise mal le français et je lui faisais faire de la lecture en frnaçais, avec une bonne méthode, ancienne.
Il savait lire à cinq ans. Il s'en foutait, il ne lisait pas, mais il savait.
Il est arrivé ensuite en CP dans le système français et je l'ai laissé tranquille, du reste c'était très dur de le faire travailler car il s'y refusait. Il n'a pas lu très brillamment, il savait lire mais il s'en foutait et il a progressé tranquillement comme s'il n'avait rien su parce que comme je ne le faisais plus travailler il avait toutoublié, non pas tout, disons que ça s'était enfoui en lui mais c'est revenu et, bon il a su lire en décembre mais ça ne l'a pas pour autant intéressé.
J'ai alors arrêté de le faire travailler, j'ai juste suivi les devoirs.
CP OK, CE1 OK.
CE2 : une mère française du pays où je suis actuellement vient me voir et me demande ce que je pense des méthodes du maître de mon fils "parce qu'elles sont plusieurs mamans qui s'inquiètent".
De quoi. dis-je.
Des méthodes.
Mais qu'est-ce qu'elles ont les méthodes?
Air suspicieux de la maman. Est-ce que je sais au moins ce que mon fils fait en classe? Non, parce que pour une enseignante, tout de même, hein.
Je lui dis pas que je ne suis pas une enseignante, c'est juste la fonction que j'exerce là, mais je ne me sens pas enseignante, je m'en fous que les élèves apprennent ou pas.
La mère se rend bien compte que je ne sais pas trop ce que fait mon fils. Moi je rentre chez moi et dès que je peux je regarde les cahiers, et là je vois qu'il écrit super mal et que son orthographe c'est n'importe quoi.
Et là je panique (c'est vraiment horrible) et je le fais travailler.
Et je rentre dans les conflits perpétuels, l'horreur. Le premier réflexe de mon fils en rentrant de l'école n'est pas de faire ses devoirs mais de regarder la télé, puis de faire n'importe quoi mais pas ses devoirs et à neuf heures si on le laisse il est crevé et bon à rien.
En tout cas je me raidis et j'essaie de lui faire recopier jusqu'à ce que tout soit bien, je pars du principe que tout doit être bien su, bien clair, un mot mal orthographié doit être réécrit jusqu'à ce qu'il soit compris et mon fils peut récrire un mot quinze fois avec des orthographes différentes à chaque fois, petit, ptiit, peiti, petti, peti, ptit, etc.
Je vais demander à l'enseignant s'il n'est pas dyslexique, enfin dysorthographe?
Non, dit l'enseignant mais il est distrait et pas très attentionné, il faut qu'il se concentre.
Je vois bien les effets de sa légèreté d''esprit à la maison.
Il n'y a aucun progrès au fil du temps, c'est moi qui progresse : j'apprends à rester calme, j'apprends que les enseignants sont nuls pour repérer les dyslexiques, je lui fais faire des exercices autres.
Je vois bien à quel point il est rapide d'esprit, et distrait, à quel point il comprend vite, et se déconcentre très vite, capte deux ou trois choses en même temps.
Je me regarde aussi et je vois mon inquiétude. L'énormité de mon inquiétude.
Alors que tout le monde me dit que mon fils est formidable, qu'il sait plein de trucs, s'intéresse à tout, qu'il est cultivé (quand on me dit cultivé j'éclate de rire et je répète : cultivé???? Lui???).
Je finis par me voir, par percevoir mon manque de confiance en lui, mon inquiétude qui me masque tout.
Depuis un an j'essaie de le regarder lui, pas celui que j'aurais voulu qu'il soit (littéraire, latiniste....), et ce que je vois me rassure finalement.
Malgré l'orthographe, malgré la médiocrité des résultats. Un résultat n'est qu'un résultat. Moi qui suis maintenant son prof, je l'ai vu, devant moi, rater un contrôle dont il connaissait parfaitement la leçon. Quel est mon but : qu'il sache ou qu'il ait de "bonnes notes"?
Il est gai, il rigole tout le temps, connait toutes ses leçons (mais pas le jour des contrôles).
Maintenant je m'en fous.
Mais attention. J'ai réalisé (à temps j'espère) que son écriture et son orthographe devaient être relativisées. Que de toute façon il refusait de travailler avec moi (et maintenant je pense : heureusement qu'il refuse! Il est lui, il doit gérer sa vie!).
Bon. Mais puis-je le laisser jouer toute la journée? Regarder la télé? Puis-je le laisser ne pas faire ses devoirs?
Non. Alors voilà ma méthode.
Je ne vais pas travailler avec lui (sauf s'il me le demande). Il se débrouille. Il fait ses devoirs, me les montre, de loin, je ne vérifie pas leur propreté, ni leur justesse, ni rien, juste qu'il les a fait. Je lui laisse du temps pour apprendre ses leçons. A peine entre-t-il dans le bureau qu'il en ressort. Il sait tout, en deux secondes. Je lui explique courtoisement que je ne veux pas me mêler de sa vie mais qu'il n'a même pas eu le temps matériel d'ouvrir et de refermer un classeur.
Mais je sais déjà tout, dit-il.
Ah, d'accord. Alors dis moi juste à peu près de quoi il s'agit.
Ah mais je ne le sais pas par coeur.
Pas de problème, dis-le moi comme tu veux, dessine le, chante-le mais dis moi de quoi parle ton cours.
Parfois il refuse et persiste obstinément : Je connais mon cours mais je ne sais pas comment le dire. Mais je te jure je sais tout.
Parfait, dis-je, mais si tu ne peux me le dire, moi je considère que tu ne sais rien, alors tu ne joues pas à la play.
Alors il ne joue pas à la Play. Il pleure il tempête il gémit mais il ne joue pas.
Il va prendre le classeur, ergarde son cours et revient me le jeter à la figure. Voilà! J'ai lu mon cours! Tu es contente?
Non, je ne demande pas de le lire, mais de le connaître.
Argumentatif : puisque je l'ai lu, je le connais.
Professionnelle : pas du tout, ça n'a rien à voir. Dis-moi de quoi ça parle?
Mais je ne sais pas comment te l'expliquer!!! Mais je le connais. Je l'ai lu. Tu veux que je le relise?
Quand tu es dans cet état d'esprit, tu peux le relire mille fois, tu ne le sauras pas.
Mais je veux jouer à Jak3.
Ecoute, j'ai le repas à préparer. Si tu ne veux pas apprendre ton cours, ne l'apprends pas, mais je ne peux pas te laisser jouer. Tu comprends, je ne peux pas t'élever en te laissant croire que quand on ne travaille pas on joue. C'est contraire à mes principes.
MAIS J'AI LU LE COURS.
Tu l'as lu mais avec colère, il faut que tu fasses l'effort de te concentrer. Il n'y a rien dans ton cours, si tu le lis trois fois en te concentrant tu le sauras.
Mais je le connais.
Dis-moi de quoi ça parle.
Je ne peux pas, mais je le connais.
Etc.
Il a eu huit au contrôle et je suis restée zen.
Mais il n'a pas joué.
Ce que je ne peux pas faire, c'est le laisser être paresseux et mal travailler, et ensuite le laisser jouer. Mais ce que je ne fais plus, c'est le faire travailler.
Parfois, ilo sait m'expliquer les leçons, il les lit et les comprend vriament, il m'explique les pièges, les trucs.
Parfois son esprit se bloque. Je le laisse, mais je lui interdis de jouer, il me semble que c'est cohérent. Il a le droit de lire ou de dessiner, mais c'est tout.
Mon seul objectif est de lui faire comprendre qu'il faut travailler (dans le sens: faire des efforts) pour obtenir une récompense.
D'autre part je lui ai lu plein d'histoires, il adore ça, j'essaie de lui montrer des choses, pour développer sa curiosité et son intérêt. Je l'ai toujours fait. Mais j'ai cessé de croire que les mots devaient être écrits sans faute, que les exercices devaient être refaits.
En tant que prof je sais que c'est le désir qui fait bosser les enfants : désir d'être le meilleur chez certains, désir de perfection chez d'autres. Désir d'apprendre, désir de savoir, toutes sortes de désirs, mais pas la contrainte.
Pourtant la contrainte a sa nécessité car il y a des enfants qui ne travaillent que contraints.
Donc il faut contraindre au travail, sans faire par erreur passer le message : je veux que tu aies de bonnes notes ou je veux que tu sois parfait. Suis-je claire? Il y a un travail minimum à fournir, mais c'est tout. Au delà de ce travail minimum, il n'y a rien à exiger.
De même de mon côté : il y a un minimum de jeu à faire pour un enfant, il a une DS, il doit y jouer, il doit s'amuser. C'est normal. Mais pas au delà d'une certaine quantité.
De même pour, je ne sais pas, les bonbons ou la nourriture. Il faut lui donner à manger. Mais il n'y a aucune raison qu'il soit nourri d'aliments plaisants pour lui, exclusivement, il lui faut des choses qu'il aime, mais pas uniquement.
J'essaie de les fiare vivre dans un monde comportant des jeux, des distractions, mais pas tellement, pour qu'ils aient envie d'en avoir plus.
Tu veux plus de choses agréables? D'accord. Que vas-tu faire pour les obtenir? Car ça n'est pas moi, ta mère, qui vais te fabriquer ton plaisir. Moi, je gère ma vie. Apprends à gérer la tienne.
Donc, j'essaie de ne pas tout faire pour eux, de ne pas toujours penser à eux. Cela fait longtemps que j'essaie, et j'y arrive très bien. Moins de temps pour eux, c'est plus de temps pour moi, et cela me rend plus zen. Et ça, c'est bon pour eux.
11 mars 2007
Enfants
Publié par antagonisme à dimanche, mars 11, 2007
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